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Critiques

Lui seul, Patrick Martinez (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mardi, 14 Mai 2024. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Alma Editeur

Lui seul, Patrick Martinez, Alma éditeur, février 2024, 144 pages, 16 € Edition: Alma Editeur

 

« D’où viennent toutes ces ombres étranges au plafond ? Certaines ont l’air, de par leur fixité, leur noirceur insondable, d’être un peu comme armées afin de résister à la levée du jour. D’autres, au contraire, fragiles, instables et diluées, partent à ce point en lambeaux dès qu’elles se déplacent qu’on pourrait aisément douter de leur existence ».

Lorsque l’on ouvre un roman de Patrick Martinez, il convient d’avoir en mémoire qu’il est musicien, un temps pianiste de jazz, et pour ce dernier roman, savoir que durant une vingtaine d’années, il s’occupa d’enfants souffrant de troubles psychiques. Patrick Martinez fut donc pianiste, et sa phrase, son style, son toucher : sa manière de saisir la matière romanesque s’en ressent. Souvent, un roman s’écoute, ses phrases passent de l’œil à l’oreille, où elles résonnent et s’embrasent. Patrick Martinez est un styliste qui possède cet art singulier de la mélodie, à la manière peut-être du pianiste Bil Evans, sa phrase est brillante, classique, raffinée dans le choix des mots, et dans sa composition.

Honorine, Honoré de Balzac (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 13 Mai 2024. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

Honorine, Honoré de Balzac, Folio Poche, novembre 2023, édition Jacques Noiray, 224 pages, 8,30 € . Ecrivain(s): Honoré de Balzac Edition: Folio (Gallimard)

Honorine, comme le féminin d’Honoré, comme un pendant féminin à l’auteur de la Comédie humaine – là où l’on fait dire à Flaubert « Emma, c’est moi ! » (citation apocryphe, n’en déplaise à la légende), pourrait-on faire dire à Balzac « Honorine, c’est moi ! ». Ce serait un peu vain, ce serait fouiller dans les poubelles biographiques pour chercher chez Balzac des traces d’adultère, de tourments existentiels liés à la fidélité à… l’amour. Par contre, on peut inférer de ce choix de prénom féminin l’idée suivante : Honoré refuse de juger Honorine, voire demande à ce qu’on considère sa destinée avec respect.

Cette destinée peut se résumer en quelques mots : Honorine est adoptée par la famille du Comte Octave, ce dernier l’épouse ; après quelques mois, cette demoiselle pure et emplie d’un désir amoureux (« sa rieuse imagination ignorait la corruption, peut-être nécessaire, que la littérature inocule par la peinture des passions ») abandonne le mariage pour vivre une aventure de dix-huit mois avec un amant qui la quittera lorsque le réel, sous forme de la misère et d’un enfant qui ne vivra que sept mois, rattrape le désir ; Honorine refuse alors de rentrer au domicile conjugal, malgré un mari aimant disposé à tout pardonner.

Une famille américaine, Ayelet Gundar-Goshen (par Anne Morin)

Ecrit par Anne Morin , le Mardi, 07 Mai 2024. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Presses de la Cité, Israël

Une famille américaine, Ayelet Gundar-Goshen, Les Presses de la Cité, mars 2024, trad. hébreu, Laurence Klein, 365 pages, 23 € Edition: Presses de la Cité

 

Ne se sentir ni d’ici, ni de là-bas : « Parce que nous, les parents, étions des Israéliens qui parlions aussi anglais, alors que lui, notre fils, grandirait en Amérique et serait un Américain qui parlait aussi hébreu » (p.205). C’est la pensée qui vient à Lilach – Lila – au milieu du gué, au milieu de l’histoire.

Un adolescent meurt au cours d’une fête. D’un côté, un adolescent Noir, au regard doux, au corps musclé de géant dont on apprendra qu’il était homosexuel et appartenait à un groupuscule Nation of Islam. De l’autre côté – d’un autre côté –, un adolescent Juif, dans la même classe, petit, maigre, emprunté, qui se fait racketter. Et au centre, au milieu, en toile de fond, l’interrogation d’une mère tiraillée entre ce qu’elle éprouve et ce qu’elle ressent, entre son appartenance et son déracinement, tout se jouant sur fond de violence et d’incompréhension, de fermeture à l’autre. Une mère désorientée : par où commencer ? Où mèneront ses réserves et ses recherches ? Faire profil bas devant la confusion de ses sentiments, de ses appréhensions, de ses lâcher prise.

Moi, le glorieux, Mathieu Belezi (par Gilles Cervera)

Ecrit par Gilles Cervera , le Lundi, 06 Mai 2024. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Le Tripode

Moi, le glorieux, Mathieu Belezi, éd. Le Tripode, mars 2024, 329 pages, 21 € Edition: Le Tripode

 

Baraka, la fin

Moi, le Glorieux sort aux éditions le Tripode qui ont remis toute l’œuvre de Mathieu Belezi sur l’établi.

Il n’y a pas de majuscule dans ce texte, en début de paragraphe ni aux initiales des nom et prénom de l’auteur sur la couverture, mais le titre est en capitales.

MOI, LE GLORIEUX.

Ce livre est fou comme la folie furieuse, de bout en bout. Entre un Louis Ferdinand Céline déjanté, qui racle au fond nos estomacs avec la plume et un Garcia-Marques qui embarque en baroque, Mathieu Belezi nous offre un roman de ouf.

Des destins, William Cliff (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 03 Mai 2024. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, La Table Ronde

Des destins, William Cliff, La Table Ronde, 2023, 352 pages, 22 € . Ecrivain(s): William Cliff Edition: La Table Ronde

 

Avec la musicalité propre au sonnet, qu’il maîtrise, le poète gembloutois relate en trois cents poèmes quelques reliefs de sa vie. Passent ainsi au crible de son talent les proches, les marraine et parrain, les amis et amants de passage (un bel hommage à Joseph Orban, poète de son état), les souvenirs d’adolescent, ceux du poète en « mansarde » à Bruxelles, les expériences voyageuses, sensuelles.

Il en a connu des destins. Des paysages intérieurs à ceux d’ailleurs (le poète est épris de voyages), voilà comment une vie s’ordonne en sonnets, clairs, efficaces, sensuels, crus et nus comme peut l’être l’âme d’un vrai poète, qui, jamais, n’a renoncé à exposer sa vie, son amour des hommes, ses amours de langues et de poésies, en rameutant le concret comme le sublime, le vrai, l’ordinaire des vies, le banal, l’extraordinaire. Nulle plainte ne vient encombrer la prosodie ; nulle alarme, certes. La voix déroule la vie, sans apprêts, sans moralisme, dans la fluidité narrative des faits vécus, observés, recueillis en sonnets.