Des destins, William Cliff (par Philippe Leuckx)
Des destins, William Cliff, La Table Ronde, 2023, 352 pages, 22 €
Ecrivain(s): William Cliff Edition: La Table Ronde
Avec la musicalité propre au sonnet, qu’il maîtrise, le poète gembloutois relate en trois cents poèmes quelques reliefs de sa vie. Passent ainsi au crible de son talent les proches, les marraine et parrain, les amis et amants de passage (un bel hommage à Joseph Orban, poète de son état), les souvenirs d’adolescent, ceux du poète en « mansarde » à Bruxelles, les expériences voyageuses, sensuelles.
Il en a connu des destins. Des paysages intérieurs à ceux d’ailleurs (le poète est épris de voyages), voilà comment une vie s’ordonne en sonnets, clairs, efficaces, sensuels, crus et nus comme peut l’être l’âme d’un vrai poète, qui, jamais, n’a renoncé à exposer sa vie, son amour des hommes, ses amours de langues et de poésies, en rameutant le concret comme le sublime, le vrai, l’ordinaire des vies, le banal, l’extraordinaire. Nulle plainte ne vient encombrer la prosodie ; nulle alarme, certes. La voix déroule la vie, sans apprêts, sans moralisme, dans la fluidité narrative des faits vécus, observés, recueillis en sonnets.
L’air du temps, l’air des familles et des études (belles séquences sur Louvain où le poète est inscrit en philosophie et lettres), traversent ces strophes gonflées de mémoire, de savoir et d’habile connaissance des autres et des us et coutumes.
Les matières des « Destins » sont multiples et regorgent de détails, que l’auteur aime décrire, avec sensualité, gourmandise, remuant ainsi les reliefs du passé, tout ce qui donne goût, culture, présence au poète attentif et sensible.
Des pions de collège aux promeneurs d’un soir, le poète sait portraiturer ses nombreuses vies, misérables ou honnêtes, fructueuses ou non et en faire une manière de savoir, au fil du temps, au fil des rencontres.
« nous croissons, nous cessons de souiller nos culottes
et déjà notre enfance nous ferme ses portes » (p.40)
« Qu’est-ce que j’ai appris dans mon adolescence ?
J’ai appris à avoir conscience de moi-même » (p.206)
« ton torse lumineux, mon chéri, je le veux
campé devant moi comme un brillant ostensoir » (p.240)
Avec un sens inouï des figures, et un rythme que soutiennent tant de pages de vie, le poète réussit à faire de la sienne un éclairage subtil de nos propres existences, comme l’écho mélodique d’une partition, qu’on aime à partager.
Philippe Leuckx
William Cliff est un poète belge, de première importance. Né en 1940, il est l’auteur d’une trentaine de recueils et de romans. Citons : Marcher au charbon ; Fête Nationale ; Matières Fermées. Il a reçu de nombreuses récompenses.
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