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Les Chroniques

Sapho ou l’amour de la question (par Véronique Saint Aubin El Fakir)

Ecrit par Véronique Saint-Aubin Elfakir , le Jeudi, 22 Août 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

 

Il s’agira ici de Sapho de Marrakech, comme elle se plaît à se définir. Car on connaît Sapho la chanteuse, mais sans doute un peu moins la poétesse qui est pourtant la marraine d’honneur depuis de nombreuses années du festival Voix vives à Sète :

 

« Sapho allait à la façon des Grecs antiques Jeune un chant sort de ses cheveux ondulés Elle va elle est une force qui va » (1).

 

A l’image de ses chants qui mêlent toutes les langues et transgressent toutes les frontières, ces textes poétiques se déploient comme des arabesques mêlant morceaux de vie, méditations métaphysiques, voyages, livres lus, visages croisés. Des fragments de vie qui s’entrecroisent où l’on entend encore le frémissement des voix perdues du souvenir dans la fraîcheur d’un patio.

Un ennemi du peuple, Henrik Ibsen (par Mona)

Ecrit par Mona , le Jeudi, 22 Août 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

 

Ibsen, un ennemi du peuple politiquement incorrect

Dans une petite ville qui tire tous ses revenus d’une station thermale, le frère du préfet, un médecin humaniste et bien intentionné, découvre que les eaux sont empoisonnées et se lance dans un violent combat pour la vérité. Les notables menacés se liguent pour le faire taire et manipuler l’opinion publique, mais lors d’un grand rassemblement de citoyens le docteur tente de rallier le peuple à sa cause. Sa harangue à la foule représente un tournant dans la pièce : le docteur devait faire une démonstration concrète sur le problème des canalisations infectées mais son esprit se brouille. Il se lance alors dans de « grandes révélations » (« je veux vous communiquer une découverte d’une tout autre portée que les broutilles comme l’empoisonnement de nos canalisations ») et professe des considérations enflammées sur la bêtise crasse des masses.

Murène, Valentine Goby (par Jean-François Mézil)

Ecrit par Jean-François Mézil , le Mercredi, 21 Août 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, La rentrée littéraire

Murène, Valentine Goby, Actes Sud, avril 2019, 377 pages, 21,80 €

 

Écrire sur le handicap, beau sujet, n’est-ce pas ! Les journalistes es rentrée littéraire ne manqueront pas de s’extasier. Délaissant, comme à leur habitude, la proie pour l’ombre, ils oublieront que le sujet, quelque mérite qu’il ait, ne fait pas à lui seul un roman. Celui-ci commence dans une piscine, comme pour nous donner envie de plonger dans le livre. C’est de François Sandre dont il va être question. Vingt-deux ans. Les parents tiennent un atelier de couture. La mère, Mum Jane, est anglaise. Une sœur plus jeune, Sylvia.

Février 56… ça vous dit quelque chose ? C’est là que, pour François, tout s’arrête ou commence : une rayure sur le disque de sa vie. On retrouve son corps sous une caténaire, « au pied d’un wagon désaffecté au lieu-dit hameau de Bayle », dans les Ardennes. « L’accident électrique est privilégié ». « Un panneau indiquait bien “danger” le long des rails mais avait disparu sous la neige. Les chemins de fer ne sont pas responsables des excès climatiques, voyez-vous. On ne fait pas un procès à la neige ».

Lionel-Edouard Martin : La mémoire des lieux perdus (par Hans Limon)

Ecrit par Hans Limon , le Mercredi, 21 Août 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

 

« Rien qu’un moment du passé ? Beaucoup plus, peut-être ; quelque chose qui, commun à la fois au passé et au présent, est beaucoup plus essentiel qu’eux deux. Tant de fois, au cours de ma vie, la réalité m’avait déçu parce que au moment où je la percevais, mon imagination qui était mon seul organe pour jouir de la beauté, ne pouvait s’appliquer à elle en vertu de la loi inévitable qui veut qu’on ne puisse imaginer que ce qui est absent. Et voici que soudain l’effet de cette dure loi s’était trouvé neutralisé, suspendu, par un expédient merveilleux de la nature, qui avait fait miroiter une sensation – bruit de la fourchette et du marteau, même inégalité de pavés – à la fois dans le passé ce qui permettait à mon imagination de la goûter, et dans le présent où l’ébranlement effectif de mes sens par le bruit, le contact avait ajouté aux rêves de l’imagination ce dont ils sont habituellement dépourvus, l’idée d’existence – et grâce à ce subterfuge avait permis à mon être d’obtenir, d’isoler, d’immobiliser – la durée d’un éclair – ce qu’il n’appréhende jamais : un peu de temps à l’état pur » (1).

Court vêtue, Marie Gauthier (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Mardi, 20 Août 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Court vêtue, Marie Gauthier, Gallimard coll. Blanche, janvier 2019, 112 pages, 12,50 €

 

Barthes prévenait déjà en 1955, dans sa « Petite sociologie du roman français contemporain »* : « [L]es œuvres de l’esprit circulent très peu : sauf exception, un roman ne voyage pas à travers les différentes couches sociales, il ne dépayse pas, il ne choque pas, et chose encore plus grave, il ne se transforme pas. En somme, le roman ne va jamais trouver que son public, c’est-à-dire le public qui lui ressemble, qui est avec lui dans un rapport étroit d’identité. C’est là un trait grave, dans la mesure où l’on peut concevoir que la fonction de la littérature est précisément de présenter aux hommes l’image vécue de l’autrui. L’œuvre idéale est toujours une œuvre étonnante, et il faut dire que le cloisonnement des publics ne peut logiquement produire que des œuvres rassurantes ». Si nombre de romans contemporains répondent à cette conception, il est, heureusement, des exceptions. Au premier rang desquelles figure, en 2019, Court vêtue.