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Les Chroniques

Li Qingzhao : la fleur de la mélancolie (par Véronique Saint-Aubin El Fakir)

Ecrit par Véronique Saint-Aubin Elfakir , le Mardi, 09 Juillet 2019. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

A l’ombre des canneliers, Li Qingzhao, l’illustre poétesse chinoise, semble nous sourire à travers ces siècles qu’elle aura su traverser avec élégance et raffinement. La particularité́ de son œuvre réside dans la sensualité́ et l’extrême sensibilité́ qui émane de ses textes à une époque où se développe un type d’esthétisme plus impersonnel. Li ose la singularité́ et échappe ainsi à toute forme de normativité́ en assumant avec audace sa propre subjectivité́ à travers une forme de poésie chantée très codifiée dans sa forme et dans ses rimes que l’on nomme « le Ci » (1).

En ces débuts, la poésie de Li Qingzhao est une ode à la jeunesse et célèbre cette passion ardente pour son époux en une sorte d’érotisme extrêmement vibrant et subtil. Elle échappe ainsi aux carcans de l’époque comme en témoigne le texte suivant :

Apôtres, Sur les pas des Douze, Tom Bissell (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 09 Juillet 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Apôtres, Sur les pas des Douze, Tom Bissell, Albin-Michel, septembre 2018, 542 pages, 25,90 €

 

Est-il fréquent que des personnes qui, dans leur enfance, ont pratiqué les rites d’une religion avec l’innocence et le sérieux propres à cette période de la vie, s’en détachent une fois venu l’âge adulte ? Sans doute. Qu’éprouvent-elles alors vis-à-vis de la foi qu’elles ont abandonnée ? De la nostalgie ? De l’indifférence ? De la rancœur ? Ressentent-elles le besoin de régler des comptes avec cette religion qui fait partie de leur passé et de leurs souvenirs ? Peut-être. Il est toutefois rare – heureusement – qu’un règlement de comptes prenne la forme d’un volume de plus de cinq cents pages, consacré aux douze hommes inégalement célèbres regroupés sous le nom d’« apôtres ». On raconte qu’Ernst Robert Curtius, le grand romaniste allemand, aimait taquiner les ecclésiastiques qui s’aventuraient dans son séminaire, en leur demandant de lui énumérer les noms des douze apôtres. Rares étaient ceux qui parvenaient au bout de la liste.

Vies silencieuses, Daniel Kay (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 08 Juillet 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Vies silencieuses, Daniel Kay, Gallimard, mai 2019, 128 pages, 14,50 €

 

Poésie de la couleur


Ce que je retiens des Vies silencieuses de Daniel Kay, c’est surtout la plasticité des images, lesquelles illustrent souvent l’univers de la peinture. Oui, c’est une apologie de la peinture italienne notamment, à quoi se livre le poète morlaisien. J’ai retenu davantage les textes en rapport avec la peinture ténébriste en fait, laquelle révèle le génie esthétique des grandes figures artistiques de la Haute Renaissance. Du reste la peinture est un art suprême du silence, et c’est sans doute là où le titre un peu énigmatique du recueil trouve son sens. C’est ce silence qui autorise la « conversation » poétique et l’exercice de la poésie elle-même.

Alfred Jarry, Une vie pataphysique, Alastair Brotchie (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 05 Juillet 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Alfred Jarry, Une vie pataphysique, Alastair Brotchie, Les presses du réel, janvier 2019, trad. anglais Gilles Firmin, 528 pages, 42 €

 

« Ubu, c’est-à-dire tout ce dont je n’ai pas réussi à parler », reconnaît Patrick Besnier dans sa première biographie de Jarry parue chez Plon, « ou tout ce dont j’ai réussi à ne pas parler : la merdre, la merde, la Phynance et les oneilles, cornegidouille, etc. La gloire d’Alfred Jarry en un mot, Jarry tel qu’il est parce que tel il a voulu se montrer ».

Alastair Brotchie prend le cheminement exactement inverse, faisant d’Ubu le centre de sa biographie. Ce qui est logique eu égard à la conception qu’a le critique de l’œuvre de Jarry, partant du principe qu’elle se divise en deux périodes : « avant et après Ubu roi ».

La promotion que fit Jarry d’Ubu roi fut, remarque Alastair Brotchie, « à la fois géniale et remarquablement menée. Trois ans à peine après avoir débarqué à Paris comme n’importe quel petit provincial, son Père Ubu y occupait la scène de l’un des théâtres les plus en vue de la capitale des lettres et des arts ». Et il est vrai, comme le remarque Patrick Besnier, que Jarry « imposa [Ubu roi] sur la scène du théâtre de l’Œuvre, déréglant l’ordre et le cérémonial de l’art ».

à propos du catalogue d’exposition Le Monde en tête (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 05 Juillet 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Arts

Le Monde en tête, Le Seuil, Musée des Confluences, Lyon, juin 2019, 312 pages, 42 €

Couvre-chefs Initiation et fantaisie

Le mécène, collectionneur, Antoine de Galbert, fondateur de la Maison rouge à Paris en 2004, a choisi de léguer en 2017 plus de cinq cents coiffes du monde entier au musée des Confluences de Lyon. Le Monde en tête, ouvrage imposant, de belle confection, constitue le catalogue raisonné de la donation d’Antoine de Galbert, présentée au musée lors d’une exposition qui durera du 6 juin 2019 au 15 mars 2020. Des écrits d’anthropologues et d’ethnologues fournissent des explications documentées accompagnées de photographies très réussies de ces couvre-chefs fantaisistes et énigmatiques. Tout d’abord, n’oublions pas que la coiffe possède une histoire ancienne. La « couverture de tête » (Richelet, 1680) se lisait comme signe indiciel, car personne ne sortait en Europe sans couvre-chefs. Femmes et hommes étaient chapeautés jusque dans les années 60, à la ville et à la campagne. L’on se découvrait devant les instances de pouvoir (religieuses, seigneuriales, patronales), par allégeance, humilité. L’homme soulevait son chapeau pour saluer les femmes. Les femmes en « cheveux » étaient des ouvrières ou des femmes perdues, les individus sans chapeaux, des indigents.