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Les Chroniques

La Rhétorique de la haine, La fabrique de l’antisémitisme par les mots et les images, Dominique Serre-Floersheim (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 17 Décembre 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

La Rhétorique de la haine, La fabrique de l’antisémitisme par les mots et les images, Dominique Serre-Floersheim, Honoré-Champion, Coll. Bibliothèque d’études juives, n°66, février 2019, 282 pages, 45 €

 

Qu’est-ce que l’antisémitisme ? Au niveau rudimentaire, la forme de haine la plus ancienne et – paradoxalement (ou par conséquent) – la plus vivace qui soit. Dès le livre d’Esther (composé sans doute au IIe siècle avant Jésus-Christ), Haman déclare au roi Assuérus (3, 8) : « Il est une nation répandue, disséminée parmi les autres nations dans toutes les provinces de ton royaume ; ces gens ont des lois qui diffèrent de celles de toute autre nation ; quant aux lois du roi, ils ne les observent point : il n’est donc pas dans l’intérêt du roi de les conserver » (trad. Bible du Rabbinat). Le reproche traversera les siècles. On trouve chez les écrivains latins des propos peu amènes ; mais – et en l’occurrence le paradoxe est strident – ce fut avec le christianisme, au départ une variante du judaïsme parmi d’autres, que le discours anti-juif acquit une virulence particulière. L’Église a fait amende honorable. Trop peu, trop tard ?

La Styx Croisières Cie (XI) Novembre 2019 (par Michel Host)

Ecrit par Michel Host , le Lundi, 16 Décembre 2019. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

Ère Vincent Lambert, An I

Humain, citoyen le plus vulnérable, la République française, la médecine, la banque et la magistrature réunies, t’ayant baptisé Légume, te tueront.

 

« Père Ubu : … et puis ils ont tué le pauvre Lascy !

Mère Ubu : Ça m’est bien égal !

Père Ubu : Oh ! mais tout de même, arrive ici, charogne ! Mets-toi à genoux devant ton maître (il l’empoigne et la jette à genoux), tu vas subir le dernier supplice.

Mère Ubu : Ho, ho, monsieur Ubu !

Svetlana Alexievitch : la littérature au-delà de la littérature (par Nathalie de Courson)

Ecrit par Nathalie de Courson , le Vendredi, 13 Décembre 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Svetlana Alexievitch : la littérature au-delà de la littérature, Jean-Philippe Jaccard, Annick Morard, Nathalie Piégay, La Baconnière, octobre 2019, 175 pages, 20 €

 

Ce livre devrait dissiper définitivement les doutes des lecteurs qui hésitent encore à qualifier de littéraire l’œuvre de Svetlana Alexievitch (prix Nobel de littérature 2015), sous prétexte qu’elle explorerait la mémoire soviétique avec des méthodes propres au journalisme.

L’ensemble est composé de sept contributions de spécialistes d’histoire ou de littérature (1), encadrées par deux textes d’Alexievitch inédits en français : une admirable allocution prononcée à l’Université de Genève lors de la réception de son prix de Docteure Honoris Causa en 2017 : « À la recherche de l’homme libre (une histoire de l’âme russo-soviétique) », et un entretien de 2013 avec Natalia Igrounova : « Le socialisme a disparu, mais nous sommes toujours là ».

Le TAS ou l’atavique esprit de résistance (par Mustapha Saha)

Ecrit par Mustapha Saha , le Mardi, 10 Décembre 2019. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

Paris. 18 Novembre 2019. Un ami de toujours m’informe par courriel de la victoire de l’équipe de football de deuxième division TAS à la finale de la Coupe du Trône face à la Hassania d’Agadir de première division. Contingence insignifiante à l’échelle mondiale, sacre historique pour les marocains. Les souvenirs d’enfance remontent volcaniquement à la surface. Le terrain d’Al-Hofra (le trou) surplombe l’école franco-musulmane. L’intitulé évite toute référence à la marocanité pour prévenir d’éventuelles contaminations nationalistes. Le lexique colonial, confessionnaliste à souhait, d’un côté les chrétiens, de l’autre côté les musulmans, ressuscite la nostalgie des croisades. La raison religieuse ne se discute pas.

Difficile d’imaginer à l’époque une cité plus surréaliste que les Carrières Centrales. Les bidonvilles labyrinthiques accueillent, dans la spontanéité solidaire, les ruraux proches et lointains. Les ruelles plongées dans la boue transforment la marche en acrobatie périlleuse. Les merveilleux patchworks de couleurs, les costumes ethniques, au milieu des djellabas noires et des haïks blancs, révèlent les provenances.

Le Drageoir aux épices, Joris-Karl Huysmans (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 09 Décembre 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Le Drageoir aux épices, Joris-Karl Huysmans, Poésie/Gallimard, octobre 2019, 288 pages, 9,30 €

 

Regard

Parcourir les poèmes du Drageoir aux épices est une source continuelle d’interrogations. En effet, ces textes sont une matière poétique profuse, parfois ambiguë où le regard joue un rôle essentiel. Car cette poésie, qui vacille entre le confinement de la description littéraire, telle que Huysmans le pratique dans son œuvre romanesque – et particulièrement dans À rebours – et le réalisme, voire un naturalisme qui viendrait de Zola et des soirées de Médan, d’un Zola non documenté, est juste appareillée d’une vision personnelle du monde. Cette poésie ébranle le statut du texte poétique. Bien sûr on songe au Spleen de Paris qui, à bien des égards, fait le lit d’une matière toute neuve et vive – et qui résiste au vérisme malgré tout et impose une modernité augurale. Ou encore au Gaspard de la nuit, lequel défriche le terrain nouveau de la poésie en prose, et ici sans perdre de l’étrangeté nécessaire à la poésie. Textes donc qui tremblent entre réalisme et refuge confiné. Et ce tremblement de la lecture qui opère aujourd’hui encore fait le lit des questions où on ne cesse de prendre parti de la langue contre la réalité, puis de la réalité contre le langage, acrobatie qui nous conduit dans un Paris de 1870, calfeutré et digne d’un des Esseintes.