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Les Chroniques

Le Père, La Mère, Le Fils, Florian Zeller (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 19 Novembre 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Le Père, La Mère, Le Fils, Florian Zeller, Gallimard, octobre 2019, 240 pages, 16 €

 

Théâtre, topique du rêve

J’ai abordé la trilogie des pièces de Florian Zeller consacrées à la famille par ce qui en fait le centre du livre, c’est-à-dire le texte La Mère. J’ai procédé ainsi parce que j’ai moi-même écrit un texte sur la physionomie intime de la mère, et j’espérais être en résonance avec le sujet. Cependant, la comparaison s’arrête là car ce texte, à la fois naturaliste et onirique, faisant peut-être le saut du Songe de Strindberg jusqu’à la Hedda Gabler d’Ibsen, est très personnel à l’auteur. Il n’y aurait en commun que la crise à laquelle nous assistons. Crise qui se décrit comme une limite à la santé mentale de la mère, légèrement abusive avec son fils, et dont le psychisme semble marqué par des moments de perte de contrôle et de répétitions névrotiques.

La perte du réel, Des écrans entre le monde et nous, Michel Baglin (par Michel Host)

Ecrit par Michel Host , le Lundi, 18 Novembre 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

La perte du réel, Des écrans entre le monde et nous, Michel Baglin, Éditions Rhubarbe, juillet 2019, 200 pages, 14 €

 

« Dans l’absolu, si le réel se perd, c’est le néant qui gagne », Michel Baglin

« Suis-je le gardien de mon frère ? » (Caïn à Yahvé, Genèse 4, 9)

 

Vie réelle et vie hors du réel

Michel Baglin, poète considérable, romancier, nouvelliste, essayiste, vient de nous quitter pour un monde dont nous ignorons tout, quoique certains puissent en disserter à l’infini. Son beau livre, réédité par Alain Kewes et ses éditions Rhubarbe, à Auxerre, fut publié une première fois en 1998 aux éditions N&B. On se dira qu’en vingt ans, le contexte a changé et que cet essai pourrait bien être devenu obsolète en bien des endroits. On risquerait de se tromper par systématisme.

Film, Samuel Beckett (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Jeudi, 14 Novembre 2019. , dans Les Chroniques, La Une CED

Film, Samuel Beckett, DVD Carlotta Films, octobre 2019 (texte de Film : Les éditions de Minuit, 1972)

 

Beckett cinéaste : l’œil en trop

Au milieu des années soixante, et à mesure que l’œuvre théâtrale évolue, Beckett espère que le cinéma peut lui apporter une mise en espace suprême qu’il recherche depuis sa première mise en scène de Godot. Le cinéma depuis longtemps fascine l’auteur. En 1964, sur l’instigation d’Alan Schneider et après maintes hésitations, Beckett se rend à New-York pour tourner, rapidement, sa seule œuvre cinématographique dont le titre, à lui seul, est significatif d’un nouvel effacement et souligne un caractère expérimental.

A propos de Film, le réalisateur évoque d’emblée la phrase de Berkeley au sujet des images, « Esse est percipi » (« être c’est être perçu »). Cette phrase qui ouvre le scénario demeure capitale pour comprendre le problème généré par cette œuvre cinématographique. Le sujet de Film tourne, en effet, autour de la notion de la perception et de l’existence ; il permet aussi à son auteur de pousser plus loin ses rapports à l’image, et les rapports de l’être à l’image, au moment même où, paradoxalement, l’image n’accouche pas d’une représentation cinématographique telle qu’on la conçoit habituellement.

Chants du voyageur, Benjamin Guérin (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 12 Novembre 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Chants du voyageur, Benjamin Guérin, Editions de Corlevour, juin 2019, 92 pages, 15 €

 

Prémices

La question de l’origine lyrique du chant poétique me paraît toujours cruciale. Ce principe dit souvent le mystère du texte, et permet de connaître ce qui engendre, et encore constitue la compréhension et autorise l’englobement du fond et de la forme. Ici, avec ces Chants du voyageur, je me suis interrogé dès le premier poème. Ce fondement, cette profondeur de l’acte métrique de l’énoncé de ces morceaux versifiés, qui m’ont d’abord apparu comme un mouvement, m’ont laissé une impression non arrêtée, marchante, et invitant à aller l’amble avec l’auteur. Et même cette pérégrination m’est restée parfois énigmatique à moins de décider que l’essence du poème serait l’ivresse. Oui, le poème se véhicule et véhicule son univers, son atmosphère, à l’instar d’un enivrement sanguin, courant par l’ensemble du système du poème comme en un système veineux.

Zainab Fasiki* La révolution des mœurs par l’art (par Mustapha Saha)

Ecrit par Mustapha Saha , le Jeudi, 07 Novembre 2019. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

La bande dessinée de Zainab Fasiki s’intitule Hshouma, mot-clé qui clignote, depuis des siècles, dans les cerveaux marocains comme une alerte culpabilisante. Une machine morale qui broie d’avance toute résistance. Le livre, rouge et noir, indocile et libertaire, se décline comme un blog réfractaire, un graff’zine pamphlétaire. L’esprit soixante-huitard souffle sur les slogans ravageurs. Le message se condense dans sa métaphore. L’image émoustille et scintille comme un sémaphore. Les slogans, les aphorismes, les fragments livrent l’insoutenable vécu dans sa crudité liberticide. Dans cette sémiotique minimaliste, le signe et le signal se répandent en écho. Le cri se fait symbole. La candeur apparente cache une ambition désarmante. Zainab Fasiki veut, à l’instar du poète Arthur Rimbaud, que son dessin soit plus qu’un dessin, qu’il soit catalyseur de révoltes salutaires et locomoteur d’une libération des mœurs, transformateur de la société et transfigurateur de la vie. Qu’il soit une onde de choc, qui délivre les âmes malades de leur tourmente héréditaire.