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Les Chroniques

Écrits spirituels du Moyen Âge, en La Pléiade (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 12 Mars 2020. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Écrits spirituels du Moyen Âge, Gallimard, La Pléiade n°643, octobre 2019, Édition et trad. latin, Cédric Giraud, 1210 pages, 63 €

Le film théologique (quel autre adjectif employer ?) de Terrence Malick, Tree of Life (une double référence explicite à saint Bonaventure et à la Kabbale) s’ouvre par deux citations ; l’une – écrite – du livre de Job (38, 4 et 7), l’autre – dite par une voix off féminine – sur les rapports de la nature et de la grâce, tirée d’un des livres les plus diffusés au monde, L’Imitation de Jésus-Christ, composée au XVe siècle par le chanoine Thomas a Kempis. Et – cela fait partie du génie de Malick – cette citation d’un texte vieux d’un demi-millénaire s’insère de façon naturelle dans la trame du film. On retrouve l’Imitation dans la magnifique anthologie de la Pléiade consacrée aux Écrits spirituels du Moyen Âge.

La constitution de toute anthologie pose la double question du goût personnel de celui qui l’assemble et du caractère représentatif des textes choisis. Le critère retenu ici est simple : la renommée de ces œuvres en leur temps, attestée à la fois par le nombre de manuscrits (d’une époque où la copie et la diffusion d’un livre sont des entreprises coûteuses et fastidieuses, nous avons conservé 512 manuscrits des Soliloques du pseudo-Augustin) et la présence d’un titre parmi les listes de lectures alors conseillées (p.XVII). L’agencement des textes est à la fois le plus simple et celui qui prête le moins à discussion : l’ordre chronologique.

L’Échelle de la mort, Mamdouh Azzam (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Jeudi, 12 Mars 2020. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

L’Échelle de la mort, Mamdouh Azzam, trad. de l’arabe par Rania Samara, éd. Sindbab/Actes Sud, parution 8 janv. 2020, 12,80€

 

Moisson funeste

Le roman commence par une séquestration. Une trappe, invisible aux yeux, recouvre un trou creusé profondément, dans lequel la jeune Selma est quasiment enterrée vivante. Les geôlières (des femmes de sa propre famille), lacèrent les habits de leur prisonnière, emballent de la nourriture dans des lambeaux de ses vêtements, qu’elles lui jettent à travers la trappe. Ainsi, débute l’histoire tragique de Selma, son agonie atroce dans l’air pétrifié de la cave verrouillée. Nous apprenons lentement l’existence et la survivance de coutumes implacables, de la brutalité des privilèges d’une famille sur une autre, du droit de vie et de mort sur autrui. Des mœurs patriarcales sévissent en toute impunité, les jeunes filles « fautives » en meurent (dans des conditions épouvantables). Du reste, les familles sont bannies à jamais et déshéritées. Le jeune garçon – le promis de Selma -, éprouvé par le deuil, la perte de sa bien-aimée, subit un viol. L’auteur syrien Mamdouh Azzam, néanmoins, dédicace L’Échelle de la mort, son dernier livre, à son père.

Alors ? Tu m’aimes ?, Thomas Baignères (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 11 Mars 2020. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Alors ? Tu m’aimes ?, Thomas Baignères, Le Nouvel Athanor, décembre 2019, 85 pages, 15 €

 

Poème psychique

Ce qui est le plus intéressant pour le lecteur de poésie que je suis, et qui plus est, exprimant son sentiment et essayant de dégager de ses lectures des principes communs à la poésie, mon intérêt, donc, s’appuie sur la variété des propositions littéraires, dont certaines font univers. À ceci près que je ne disserte pas souvent sur les textes de notre patrimoine, mais plutôt sur ce qui est contemporain, ce qui paraît aujourd’hui, poésie vivante et souvent émouvante.

Ici, avec le livre de Thomas Baignères, je crois que je peux dégager une réflexion, organisée comme celle dont je parle à l’instant. Ainsi, j’ai trouvé trois mouvements distincts : un premier où l’ouvrage s’écrit à la manière d’un pamphlet, de slogans – que j’ai rapprochés dans mes notes de l’activité de l’imprimerie des Beaux-Arts de Paris –, des affiches produites en regard de la révolution de 1968, au travail graphique manifestant un goût pour la surprise, en un ton presque impertinent.

Faulkner, nid de coucou et nœud de vipères : L’idiot de la famille Compson (par Augustin Talbourdel)

Ecrit par Augustin Talbourdel , le Mardi, 10 Mars 2020. , dans Les Chroniques, La Une CED


« Si quelqu’un parmi vous croit être sage à la façon de ce monde,

qu’il se fasse fou pour devenir sage ;

car la sagesse de ce monde est folie auprès de Dieu. (…)

Le Seigneur connaît les pensées des sages ;

il sait qu’elles sont vaines ».

1 Corinthiens 3:19-21

« J’ai mis tout mon cœur à comprendre la sagesse et le savoir,

la sottise et la folie,

et j’ai compris que tout cela aussi est recherche de vent ».

Ecclésiaste 1:17

L’œil du Quattrocento, L’usage de la peinture dans l’Italie de la Renaissance, Michael Baxandall (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Lundi, 02 Mars 2020. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Arts

L’œil du Quattrocento, L’usage de la peinture dans l’Italie de la Renaissance, Michael Baxandall, Gallimard, coll. Tel, janvier 2020, trad. anglais Yvette Delsaut, 240 pages, 14,50 €

Contempler une œuvre d’art

Dans Rome, Naples et Florence, Stendhal rapporte son arrivée à Florence. C’était en 1817. Son cœur, nous dit-il, « bat avec force » à l’approche de la cité des Médicis, là où vécurent les grandes figures de la Renaissance. Il se sent profondément ému, « hors d’état de raisonner » et se livre à sa folie « comme auprès d’une femme qu’on aime ». Un curieux trouble qui resurgira lors de sa visite de la ville et des chefs-d’œuvre qu’elle contient. On se prendrait volontiers pour Stendhal lorsqu’on ressent une émotion aussi intense à contempler les grandes peintures, notamment celles du Quattrocento, Fra Angelico, Masaccio, Botticelli, Piero della Francesca et autres…

D’ailleurs, que contemplons-nous dans une œuvre d’art ? La question n’est pas un sujet de philo au bac mais elle interpelle quiconque fréquente de telles œuvres. La vie est faite d’une succession de sensations toutes aussi éphémères les unes que les autres. Un sourire esquissé est voué à disparaître, la beauté d’un visage est condamnée à flétrir, le charme de toutes choses possède un je ne sais quoi de fugace.