Nous avons lu Conrad Aiken au rythme d’une traversée de l’Atlantique dans Au-dessus de l’Abysse. Ici c’est au rythme haletant d’un train qui traverse les USA de Boston jusqu’au Mexique. L’œuvre romanesque de Aiken est toujours profondément traversée par son génie poétique et – cela va avec – musical. Ce roman fou ne manque pas à cette règle : sons, rythmes, champs lexicaux sont scandés, à partir de la deuxième partie, par le voyage en train.
Vers le Mexique avons-nous dit, mais pas seulement.
Ce voyage de trois personnages a pour seule vraie destination la mort. Celle de la jeune femme, Noni, qui accompagne ses deux amis et qui, promise à une mort très prochaine, veut accomplir ce dernier périple pour épouser l’un des deux, Gil, et mourir. Triple descente : vers le sud, vers l’Enfer et vers la Mort. Conrad Aiken, le poète-romancier, métaphorise chaque instant, l’élargit, lui donne les ailes de l’évocation, la puissance de l’image, le véhicule d’une langue pressée, haletante, marquée par la peur qui, lancinante, harcèle les trois personnages.