Des surprises, des irruptions littéraires d’une telle intensité sont d’autant plus formidables qu’elles sont rarissimes. Ce voyage dans les ténèbres du bush australien hantera longtemps ses lecteurs. C’est une traversée des replis les plus sombres de l’âme humaine, un véritable roman de terreur dans les ombres d’une famille effroyable, liée par une forme d’amour létale, travaillée par les pulsions les plus barbares. L’amour néanmoins – et c’est là sûrement le trait le plus terrible de ce terrible roman – l’amour qui soude, qui marque les cœurs et les corps, qui torture, qui dépasse toutes les limites de la morale, qui tue enfin.
En 1956, un octogénaire avoue un triple meurtre commis en 1898, au cœur de l’Australie pauvre, rude, oubliée. Une affaire réelle, mais dont Rodney Hall se défait très vite, ne prétendant à aucun moment à l’authenticité historique. « Les faits n’importent pas. C’est la fiction qui importe » écrit-il dans la préface. Il va même se défaire aussi en grande partie du prétexte du triple meurtre. Ce qui fait la matière essentielle du roman, c’est la famille Murphy avec le père, la mère et les dix enfants, dont trois, deux filles et un garçon, sont les victimes du meurtre. Des parents géants – tous deux dépassent les deux mètres et les 150 kilos – des enfants écrasés par cette parenté massive, physiquement et moralement.