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Roman

La Ravine, Sergueï Essénine (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 12 Janvier 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Russie

La Ravine, Ed. Héros-Limite, 2017, trad. russe, Jacques Imbert, 175 pages, 12 € . Ecrivain(s): Sergueï Essenine

 

Quand une écriture atteint un tel dénuement, on ne parle plus d’économie mais carrément de minimalisme extrême. Essénine est un grand poète, nous le savons, et son œuvre poétique est marquée par cette recherche constante de l’économie des moyens, une poésie de l’épure, de l’essentiel, du nécessaire, de la simplicité absolue. Comme dans ces deux strophes du Cantique de la chienne :

 

« Au matin, dans la réserve au seigle,

Où rutile la toile des sacs alignés,

La chienne a mis bas une portée

De sept petits chiots roux.

Mon cœur restera de glace, Éric Cherrière (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Mardi, 12 Janvier 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Belfond

Mon cœur restera de glace, Éric Cherrière, janvier 2020, 192 pages, 18 € Edition: Belfond

 

Lucien Faure est boulanger de son état et maire d’un petit village de haute Corrèze. Il a perdu son fils au cours de la première guerre mondiale, et de ses deux petits-fils l’un est rentré gueule cassée, et l’autre, le plus jeune, s’est enfuit avec ce dernier dans le bois de sapins épais, profond, non loin de la commune avec le fusil familial. On ne les reverra plus. En janvier 1944, les enfants du village ont repéré le bruit des moteurs des camions Mercedes-Benz L4500A, ceux avec le viseur sur le bout du capot avant. Les Allemands sont de retour. Une colonne de leur convoi va disparaître, être engloutie, les camions éclipsés, par cette forêt épaisse et ténébreuse. Mais, pour cette perte dans cette maudite végétation, les Allemands demandent des comptes, exigent des rétorsions. Il faut vingt-trois morts, de préférence des Juifs. On trouvera des Juifs dans une planque du four à pain du boulanger, on complétera avec des habitants qui n’ont pas l’air « très catholiques ». Et puis après avoir arrosé tout ça avec de l’Alkohol, sous la direction de Lothar von Wissen, on reprendra la direction des bois dans lesquels on s’enfoncera avec pour guides et otages le maire et une dizaine d’autres habitants.

Désir, Philippe Sollers (par Claude-Raphaël Samama)

, le Lundi, 11 Janvier 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Désir, mars 2020, 130 pages, 14,50 € . Ecrivain(s): Philippe Sollers Edition: Gallimard

 

Voilà le nouvel opus d’un homme d’âge, toujours éblouissant par sa verve et sa belle insolence, ici un peu cachée ou plutôt masquée. Choisissant de désigner à nouveau son livre comme un roman, par ruse, mépris ou provocation, notre grand auteur s’y avance cette fois bien grimé sous les traits du mystique Louis-Claude de Saint-Martin, illuministe de la fin du 18ème siècle.

On lira alors, comme en une figure de Moebius, le passage de l’un à l’autre, le remplacement subreptice de leurs deux figures sans respect des chronologies, une subtile et permanente identification de l’auteur à son modèle. Il serait question de destin, du marquant des vies à partager, d’une appropriation par affinités transhistoriques, d’un hommage d’admirateur ou de disciple.

Chutes, Yves Charnet (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 08 Janvier 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Editions Tarabuste

Chutes, septembre 2020, 284 pages, 18 € . Ecrivain(s): Yves Charnet Edition: Editions Tarabuste

 

« Tu n’en finis pas de la remanier. La matière de tes carnets. C’est comme un peu de terre. Les mots entre tes mains. C’est toujours à repétrir. Le sale pétrin des humains ».

« Qu’est-ce que c’est que cette énergie cinglée qui me pousse encore à pondre, l’un après l’autre, des bouquins. Comme autant de chapitres d’une AUTOFICTION SANS FIN. J’écris dans les cordes. Boxeur lyrique hors de lui ».

Chutes est cette autofiction sans fin, que l’écrivain ne cesse de pétrir. Une pâte à livre qui va lever, pour donner vie à un journal des instants de vie où Yves Charnet se bat et se débat avec les effritements et les échecs qui le menacent. Il y a la secousse tellurique du refus de son éditeur de publier son dernier livre, le troisième refus en trois ans – Personne n’a compris que tu perdais ta dernière amarre. Ton dernier ancrage –, la chute de sa mère, qu’il ressent comme un tremblement de terre, le tremblement d’un fils.

Le Banc de la victoire, François Momal (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 07 Janvier 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Editions Maurice Nadeau

Le Banc de la victoire, François Momal, novembre 2020, 144 pages, 18 € Edition: Editions Maurice Nadeau

 

Ce plaisant roman de société qui fait irrésistiblement penser à celui d’Alaa El-Aswany, L’Immeuble Yacoubian, a pour décor, lui aussi, cette ville du Caire, vivante, grouillante, turbulente, où se côtoient luxe affiché et misère visible, où s’exprime l’exubérance du paraître et où se refoulent les frustrations du mal-être, où fonctionne à l’époque du récit un réseau occulte mais efficace d’espions à la solde du pouvoir. Le personnage central, Tarek, est un bawab, c’est-à-dire un de ces gardiens d’immeuble devant qui et par l’intermédiaire de qui on ne peut éviter de passer lorsqu’on rend visite à des relations dans les grandes villes d’Afrique du Nord.

Tarek, comme tous ses collègues, a en l’occurrence un statut social bien établi, dont il est fier, et dont il ne manque jamais d’étaler emphatiquement l’importance devant son épouse et ses enfants restés au village lointain, à chacune des visites fort espacées qu’il a l’occasion de leur rendre. C’est que l’immeuble de Tarek, qu’il appelle SON immeuble, n’est pas un bâtiment de bas étage, mais une belle résidence bourgeoise sise sur la rive du Nil…