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Roman

Le Jardin du Lagerkommandant, Anton Stoltz (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Mercredi, 14 Octobre 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Editions Maurice Nadeau

Le Jardin du Lagerkommandant, Anton Stoltz, Les Lettres Nouvelles, octobre 2020, 200 pages, 19 € Edition: Editions Maurice Nadeau

 

« Depuis plus de 75 ans rien ni personne n’a donné une explication convaincante de la Shoah. Les tentatives d’analyse sont toutes restées parcellaires, partiales, parfois erratiques. La question demeure entière dans son horreur : comment le peuple allemand, dans sa quasi-totalité, a-t-il pu adhérer et se rendre complice de la pire barbarie du XXème siècle ? La question est sans réponse car elle échappe à toute raison ».

N’oublions jamais la Shoah.

Léon-Marc Lévy, directeur du magazine La Cause Littéraire, FB, le 14 septembre 2020

 

La question demeure entière, lancinante, oppressante, dès que, et autant de fois qu’on se la pose et re-pose. Il se trouve qu’au moment où Léon-Marc Lévy se la re-posait, publiquement, en s’adressant à nos lecteurs, était en lecture ce « roman » d’Anton Stoltz, dont la narratrice est Anna, l’épouse de Hans Nebel (nom évidemment connoté), qui s’est fait enrôler dans le corps des SS avant même l’arrivée de Hitler au pouvoir.

La Vache, Beat Sterchi (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 13 Octobre 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue allemande, Zoe

La Vache (Blösch, 1983), Beat Sterchi, trad. allemand, Gilbert Musy, 471 pages, 22 € Edition: Zoe

 

Dans ce roman, point de guerre et de grands massacres comme l’Histoire nous en réserve régulièrement depuis toujours. Et pourtant il n’est question ici que de la Mort que l’homme porte en lui pour lui et pour les autres êtres vivants. Ce ne sont que des vaches ? Le cauchemar, sous la plume brûlante de Beat Sterchi, n’en est que plus terrifiant avec trois niveaux de lecture, l’un immédiat et déjà terrible, l’autre métaphorique et plus terrible encore, le dernier ontologique et ravageant.

Les flots de sang accompagnent les hommes comme ceux qui coulent dans leurs veines et, avec eux, la lâcheté, la faiblesse, le mépris, la misère de l’âme.

On peut lire ce roman comme un roman sur le monde rural, décortiquant avec réalisme la vie quotidienne des éleveurs laitiers et celle de leurs ouvriers agricoles, souvent issus de l’immigration espagnole ou italienne. L’étable, les déjections, les vaches malades, les vêlages difficiles, les temps de travail interminables avec le seul congé partiel du dimanche, la saleté, la solitude, constituent la scansion obstinée des jours qui suivent les jours.

Nos espérances, Anna Hope (par Christelle Brocard)

, le Mardi, 13 Octobre 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Gallimard

Nos espérances, Anna Hope, mars 2020, trad. anglais, Élodie Leplat, 368 pages, 22 € Edition: Gallimard

 

Fortes de leur jeunesse et de l’horizon radieux qui s’ouvre devant elles, Hannah, Cate et Lissa cohabitent dans une jolie maison victorienne, située à l’orée du célèbre parc de London Fields, au cœur du quartier animé d’Hackney. Les deux pieds dans la vie active, mais l’esprit plutôt tourné vers les réjouissances citadines, les trois trentenaires dépensent leur énergie, sans compter, dans le tourbillon galvanisant de la capitale. Le narrateur ne mâche pas ses mots lorsqu’il souligne, avec une insistance assez vite suspecte, qu’elles ont vraiment tous les atouts pour être heureuses et tracer leur chemin sans encombre. Au moyen de flash-back récurrents, il revient sur les événements marquants, les curriculums universitaires et les circonstances particulières qui ont scellé une amitié tripartite, franche et sereine. Trois tempéraments distincts et trois trajectoires différentes se dessinent pour converger vers l’allégresse de l’incipit ; mais, déjà, dans ces trois personnalités écorchées bien que brillantes, dans ces trois itinéraires heurtés bien que fortunés, se devinent les difficultés à venir, les désillusions futures. Et c’est en effet le temps du désenchantement qui prend rapidement le pas sur l’optimisme initial.

Stoner, John Williams (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 06 Octobre 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, J'ai lu (Flammarion)

Stoner, trad. américain, Anna Gavalda, 380 pages, 7,60 € . Ecrivain(s): John Williams Edition: J'ai lu (Flammarion)

 

William Stoner est une sorte de prototype de l’anti-héros. Sa personnalité réservée, son ambition limitée, sa nature bienveillante et calme en font un personnage romanesque peu propice aux grandes envolées épiques. Et, en effet, ce roman n’a rien de l’épopée : les événements y sont d’une grande banalité, les rencontres peu colorées, les gens n’y sont guère extraordinaires.

Alors la question se pose : pourquoi et comment ce roman devient-il fascinant dans les mains du lecteur ? Parce qu’il ne faut pas s’y tromper : dans cette banalité d’une vie racontée, se niche… quoi ? La littérature. Par deux entrées, l’une est dans le talent narratif de John Williams, l’autre dans le basculement du personnage de Stoner qui – fils de paysans pauvres et petit étudiant en agronomie à l’université de Columbia-Missouri – va un jour, provoqué par un professeur de littérature lors d’un module de lettres – découvrir le dédoublement radical que propose l’œuvre littéraire, une sorte d’évasion de soi, d’élévation puissante qui propulse le brave garçon dans des mondes qu’il ne soupçonnait pas.

La fenêtre au sud, Gyrðir Elíasson (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Mardi, 06 Octobre 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays nordiques

La fenêtre au sud, Gyrðir Elíasson, La Peuplade, 2020, trad. islandais, Catherine Eyjólfsson, 168 pages, 18 €

 

Deuxième volet d’un triptyque sur la solitude dont le premier est Au bord de la Sandá (La Peuplade, 2019), La fenêtre au sud est le journal d’un écrivain qui peine à écrire – ce dont on ne s’étonne guère en lisant son sujet : « l’histoire d’un couple qui se rend dans un hôtel de montagne à l’étranger pour revigorer son union ». Retiré dans une petite maison au bord de la mer, demeure d’un ami séjournant à l’étranger, il mène une vie solitaire dont il consigne minutieusement les menus faits, sur le ton de l’observation.

Dès la première page, une atmosphère sombre, épaisse et lourde est posée : maisons tassées, ciel couvert, brouillard infini, algues amoncelées… jusqu’au narrateur, qui se couvre de glace comme certaines montagnes. Tout est noir, ou gris, et même les éléments a priori anodins – nuit qui tombe, couvercle de la machine à écrire… – accentuent une sensation d’écrasement qui rappelle, l’angoisse en moins, certain couvercle baudelairien.