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Roman

Le Banc de la victoire, François Momal (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 07 Janvier 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Editions Maurice Nadeau

Le Banc de la victoire, François Momal, novembre 2020, 144 pages, 18 € Edition: Editions Maurice Nadeau

 

Ce plaisant roman de société qui fait irrésistiblement penser à celui d’Alaa El-Aswany, L’Immeuble Yacoubian, a pour décor, lui aussi, cette ville du Caire, vivante, grouillante, turbulente, où se côtoient luxe affiché et misère visible, où s’exprime l’exubérance du paraître et où se refoulent les frustrations du mal-être, où fonctionne à l’époque du récit un réseau occulte mais efficace d’espions à la solde du pouvoir. Le personnage central, Tarek, est un bawab, c’est-à-dire un de ces gardiens d’immeuble devant qui et par l’intermédiaire de qui on ne peut éviter de passer lorsqu’on rend visite à des relations dans les grandes villes d’Afrique du Nord.

Tarek, comme tous ses collègues, a en l’occurrence un statut social bien établi, dont il est fier, et dont il ne manque jamais d’étaler emphatiquement l’importance devant son épouse et ses enfants restés au village lointain, à chacune des visites fort espacées qu’il a l’occasion de leur rendre. C’est que l’immeuble de Tarek, qu’il appelle SON immeuble, n’est pas un bâtiment de bas étage, mais une belle résidence bourgeoise sise sur la rive du Nil…

Dans les brumes du matin, Tom Bouman (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Jeudi, 07 Janvier 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, USA, Actes Noirs (Actes Sud)

Dans les brumes du matin, Tom Bouman, septembre 2020, trad. USA Yannis Urano, 357 pages, 23 € Edition: Actes Noirs (Actes Sud)

 

L’officier de police Henry Farrell, le flic d’une bourgade de l’arrière-pays de Pennsylvanie, Wild Thyme, aux limites nord-est de cet État, à la frontière avec l’État de New-York, est chargé d’enquêter sur la disparition de Penny Pellings. Elle était la compagne de Kevin O’Keeffe et ils vivaient dans une caravane sur le terrain d’Andy Swales, le plus grand propriétaire de la région. En échange, ils devaient s’occuper du domaine de Swales. Suite à « une engueulade entre hippies qui avait un peu dégénéré », on leur avait retiré la garde de leur fille Eolande. Le jeune couple de junkies avait promis de s’amender et de décrocher de la drogue, ce qui n’empêchait pas parfois les « coups de gueule » avec les propriétaires des cottages autour du lac et une certaine partie de la population locale qui jouait de la musique un peu tard et pêchait les truites dans le lac. Cependant cela convenait à Swales qui comptait bien laisser une compagnie gazière s’installer sur son terrain.

La Reine des souris, Camilla Grudova (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Mercredi, 06 Janvier 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, La Table Ronde

La Reine des souris, Camilla Grudova, novembre 2020, trad. anglais, Nicolas Richard, 48 pages, 5 € Edition: La Table Ronde


Au début, cela ressemble à une histoire d’amour comme les autres : rencontre à l’université, passion commune – pour le latin –, mariage précipité sans l’accord des parents, entre-soi amoureux… Il ne faut pourtant que quelques pages pour sentir que quelque chose cloche, coince, grince. L’entre-soi est presque un huis clos, tant la narratrice et Peter semblent éloignés du monde ; l’appartement où ils habitent se trouve au-dessus d’une épicerie fermée dont les stocks rancissent et moisissent, comme leur amour ; Peter est sujet à de drôles de manies – notamment celle qui remplit l’appartement de parapluies trouvés dans le cimetière où il travaille… Il faut enfin considérer le ton détaché, presque froid, avec lequel la narratrice raconte, de manière factuelle et distanciée, cet amour, comme une dissonance de plus. S’installe ainsi une atmosphère étrange et morbide, l’air de rien, comme si tout était parfaitement normal.

Du côté de Canaan, Sebastian Barry (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 05 Janvier 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Folio (Gallimard)

Du côté de Canaan (On Canaan’s Side, 2011) traduit de l’anglais (Irlande) par Florence Lévy-Paoloni, 331 p. . Ecrivain(s): Sebastian Barry Edition: Folio (Gallimard)

Sebastian Barry est irlandais jusqu’au bout des doigts. Et de la plume. Ses héros de Des jours sans fin, empêtrés dans les guerres sanglantes de l’Amérique, gardaient tous deux la terre d’Irlande à la semelle de leurs bottes. Et dans le roman qui nous occupe, c’est encore ce pont historique entre l’Irlande et les États-Unis que la narration traverse, aux côtés de la vieille Lilly.

Lilly est la narratrice ou, plus exactement, la plume de Sebastian Barry car elle ne se contente pas, à 89 ans, de raconter son histoire mais elle l’écrit, sur un carnet de notes, assise à une table en formica rouge. C’est donc ce récit écrit que nous lisons, ce qui donne une puissance toute particulière à ce roman car l’écriture de « Lilly » donne « du temps au temps » et permet des exercices de style virtuoses, dont on sait que Barry est friand. Les souvenirs, irlandais, puis américains, de cette « oie sauvage »*, déferlent en un flot lent, méandreux, d’une précision mnésique parfaite. La force narrative de Barry tient essentiellement dans ce style, en phrases longues, souvent très longues, mais toujours animées d’un grand dynamisme intérieur et d’une parfaite clarté. Cette écriture ample serpente autour du récit de Lilly, lui fait un précieux écrin, rend les événements saillants quand ils viennent interrompre momentanément le fleuve narratif.

Le Bois, Jeroen Brouwers (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Lundi, 04 Janvier 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays nordiques, Gallimard

Le Bois, Jeroen Brouwers, octobre 2020, trad. néerlandais Bertrand Abraham, 352 pages, 22 € Edition: Gallimard

 

Du ressentiment au couvent

Il faut imaginer un lieu au nord de l’Europe, une région au parler rugueux, à l’atmosphère brumeuse ou neigeuse. Il faut imaginer encore un lieu quelque peu perdu, une petite ville minière, tout près de la frontière allemande dans le Limbourg, province catholique dans la Hollande protestante. Il faut imaginer également une époque, celle des années 50, au sortir de la guerre, engoncée dans ses conventions, son conformisme et ses préjugés. Et dans ce cadre spatio-temporel, il faut enfin imaginer un pensionnat de garçons, tenu par des franciscains, un ordre monacal qu’on appelle des « frères mineurs » ou encore un « ordre mendiant ».

A tous ceux qui ont connu l’expérience du réfectoire, des salles d’études ou du dortoir en internat ou la promiscuité d’une chambrée, ce livre de Jeroen Brouwers rappellera quelques souvenirs, bons ou mauvais, traumatiques peut-être. Des récits de collège abondent dans la littérature (Musil, Vallès, Montherlant, pour les classiques), à croire que ces lieux de confinement accentuent les tensions humaines et exacerbent désirs et passions, mais ce récit du romancier hollandais dénote particulièrement par la noirceur du ton.