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Roman

Œuvres complètes, tome IX, 1905-1907, Joris-Karl Huysmans, Classiques Garnier (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 01 Mars 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Classiques Garnier

Œuvres complètes, tome IX, 1905-1907, édition Jean-Marie Seillan, août 2020, 592 pages, 29 € . Ecrivain(s): Joris-Karl Huysmans Edition: Classiques Garnier

 

Quoi de neuf ? Huysmans. Celui que l’on considérait comme un épigone doué quoique bizarre de Zola connaît un regain de faveur qui, comme toujours, en dit plus sur notre époque que sur l’écrivain lui-même (considérer le succès de Jane Austen, à qui les manuels de littérature ne consacraient que quelques lignes voici cinquante ans). En 2015, Michel Houellebecq avait fait du héros (peut-être le terme n’est-il pas bien choisi) de Soumission un universitaire, spécialiste de Huysmans. Suivirent un beau volume à la Bibliothèque de la Pléiade (2019) et, à présent, un ensemble d’Œuvres complètes (la précédente édition unitaire des textes de Huysmans avait paru il y a près d’un siècle).

Malraux disait que la mort transforme la vie en destin. Qu’en est-il de l’œuvre ? Car nous commençons par la fin, le tome IX, qui rassemble les deux derniers titres de l’écrivain parus de son vivant : Trois églises, et Les Foules de Lourdes. L’espoir n’est jamais tout à fait interdit, mais Huysmans, dévoré par le cancer, avait de bonnes raisons de penser que ces livres seraient les derniers qu’il écrirait. Il s’éloigne du roman, genre qui l’avait fait connaître, même si Les Foules de Lourdes sont en grande partie écrites contre un roman de Zola, son ancien maître.

La vérité sort de la bouche du cheval, Meryem Alaoui (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 26 Février 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Maghreb, Folio (Gallimard)

La vérité sort de la bouche du cheval, Meryem Alaoui, 303 pages, 21 € Edition: Folio (Gallimard)

 

« Qu’est-ce qu’écrire ? », « Pourquoi écrire ? », « Pour qui écrit-on ? », demandait Sartre dans Qu’est-ce que la littérature ?

Si on applique ces trois questions à ce roman de Meryem Alaoui, on peut répondre :

Ecrire, pour Meryem Alaoui, c’est peindre au couteau, à grands traits, à mots tranchants, sans retenue, hors de toutes les lois du genre, sa vision d’un microcosme social à l’intérieur de quoi, justement, les lois du pays, et les règles morales qu’il affiche, sont totalement caduques.

Pourquoi écrire ? Ici, c’est pour dénoncer, pour dévoiler, pour témoigner, pour mettre en scène, voire en obscène, sous la lumière violente d’une

écriture crue, impitoyable, la cruauté quotidienne de l’existence couramment occulte de communautés marginalisées.

L’ami arménien, Andreï Makine (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 26 Février 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Grasset

L’ami arménien, janvier 2021, 214 pages, 18 € . Ecrivain(s): Andreï Makine Edition: Grasset

 

Dans ce récit, le lecteur qui s’attacherait de trop près au titre sera rapidement surpris, mais ce de façon très positive, car il n’y est pas question que de l’amitié, loin de là. Le narrateur se trouve dans un orphelinat de Sibérie, aux conditions d’éducation et d’hébergement très dures, marquées par l’arbitraire, la cruauté et la violence gratuite des condisciples de l’établissement. A quelle époque se situent ces événements ? Probablement dans les années cinquante-soixante, ces années où le soviétisme fait encore illusion avant son écroulement du début des années 90.

Il y a une amitié entre le narrateur et Vardan, un garçon du même âge, en butte à la violence d’autres adolescents soucieux de profiter de ses faiblesses et d’un état d’infériorité. Vardan éprouve de la compassion à la vision d’une prostituée et c’est l’occasion pour lui de resituer la signification de la souffrance, et sa réelle place : « Or, ce que disait Vardan allait bien au-delà de ce jeu d’antithèse sociales. Le malheur et la déchéance d’un être rendaient inacceptable toute la fourmilière humaine. Oui, tout entière ! ».

Les jours voyous, Philippe Mezescaze (par Patryck Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Jeudi, 25 Février 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Mercure de France

Les jours voyous, janvier 2021, 144 pages, 15 € . Ecrivain(s): Philippe Mezescaze Edition: Mercure de France

 

On lit avec plaisir Les jours voyous, le dernier roman de Philippe Mezescaze (né en 1952), auteur singulier à l’œuvre autant discrète (dans sa résonance médiatique) qu’attachante. Le narrateur, âgé d’une vingtaine d’années, sort de prison, vers 1977. Les raisons de son incarcération à Nice ne se dévoileront que peu à peu. Rentré à Paris, il dort à droite ou à gauche, croise Téchiné dont il a vu Barocco, avant de prendre le train, et un photographe en vogue pour qui il posera, rencontre Barthes, qu’il trouble, cherche et séduit, entre le boulevard Saint-Germain et la rue Sainte-Anne, le Palace et le Continental, des garçons qui lui ressemblent ou ne lui ressemblent pas. L’un des charmes de ce récit est de revivifier une époque où paraît régner, à distance, une liberté érotique fabuleuse. La catastrophe du sida ne s’était pas abattue sur le monde, ni le régime des passions tristes n’avait encore triomphé. Tout n’est pas radieux dans l’existence des personnages créés par Mezescaze ; mais tout resplendit, quarante-trois ans plus tard, d’une beauté presque miraculeuse – comme est miraculeux un poème de Sandro Penna.

Les Cabanes du narrateur, Œuvres choisies, Peter Handke (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 24 Février 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Langue allemande, Nouvelles, Gallimard

Les Cabanes du narrateur, Œuvres choisies, Peter Handke, Quarto/Gallimard, novembre 2020, 1152 pages, 26 € (1) Edition: Gallimard

 

« En marchant par l’écriture, en écrivant par la marche, Peter Handke a cherché ce paradis en cherchant ces mots, l’un par les autres, et il lui est arrivé de les trouver. Ces livres sont les étapes d’un exploit » (Le chemin se fait en marchant, Philippe Lançon).

« Je marchais, vivifié par le vent debout ; le bleu de la montagne, le brun des forêts et le rouge carmin des corniches de sable, c’étaient mes pistes de couleur » (La Leçon de la Sainte-Victoire).

« Pendant que le ciel se faisait couleur de soufre, une friche verdissait dessous et les sentes à travers les champs de décombres devenait vert mousse. Alors que tout était depuis longtemps plongé dans le crépuscule, un buisson d’églantier traçait un arc lumineux » (Essai sur le juke-box).