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Roman

Brèves de solitude, Sylvie Germain (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Lundi, 22 Mars 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Albin Michel

Brèves de solitude, janvier 2021, 210 pages, 18,90 € . Ecrivain(s): Sylvie Germain Edition: Albin Michel

 

Destins croisés au temps de la Covid 19

Que l’épidémie de la Covid 19 puisse donner lieu à une contagion de récits romanesques, cela est certain. On peut s’attendre à être submergé par des fictions qui vont s’emparer de cette pandémie. Qu’on soit écrivain ou pas, d’ailleurs, on n’échappe pas à son époque. L’épisode que nous vivons avec ses conséquences, confinement, couvre-feu, gestes-barrières et relations aux autres à reconsidérer, tout cela nous tracasse, nous agace, voire nous obsède, on ne peut le nier. L’idiosyncrasie de l’écrivain avec sa porosité à tout ce qui est humain le prédestine à cette source d’inspiration pour le pire, et on l’espère, pour le meilleur.

Le dernier ouvrage de Sylvie Germain s’installe d’emblée dans cette époque chaotique que nous vivons. La romancière évoque plusieurs dizaines de personnages, tous différents dans leurs singularités, des « caractères » ou des types humains et que l’auteure nomme par leurs seuls prénoms. Une sorte de comédie humaine où l’on découvre Joséphine, Guillaume, Magali, Anaïs, Xavier… Des personnages de tous âges et de toutes conditions.

Fraenkel, un éclair dans la nuit, Gérard Guégan (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 19 Mars 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, L'Olivier (Seuil)

Fraenkel, un éclair dans la nuit, Gérard Guégan, L’Olivier, février 2021, 320 pages, 19 € . Ecrivain(s): Gérard Guégan Edition: L'Olivier (Seuil)

 

« Très vite, le 5 mai (1918), Breton présente Fraenkel à Aragon, puis à Soupault, et, tous autant qu’ils sont, ils vont se persuader en riant d’être les nouveaux Trois Mousquetaires ».

« A l’automne (1920), Tzara est de retour à Paris.

Il revoit tout de suite Fraenkel.

Il a un cadeau pour lui, l’un des derniers exemplaires de Vingt-cinq poèmes, une plaquette de 1918. Il le lui offre à la fin du déjeuner qu’ils ont pris à la Closerie après l’avoir qualifié de “Réverbère de la Science”, de “Docteur ès Dada” dans sa dédicace.

C’est un cadeau dont Fraenkel sera, sa vie durant, très fier ».

Histoires de la nuit, Laurent Mauvignier (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 19 Mars 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Les éditions de Minuit

Histoires de la nuit, septembre 2020, 640 pages, 24 € . Ecrivain(s): Laurent Mauvignier Edition: Les éditions de Minuit

 

L’auteur de Des hommes, et Dans la foule, né en 1967, pensionnaire à la Villa Médicis, a déjà derrière lui une œuvre singulière, reconnue. Son dernier livre, un roman, constitue un premier point d’aboutissement d’une littérature exigeante, à la prose lente, réfléchie, très descriptive.

L’histoire se déroule, en une seule journée, au centre de la France dans un bled, La Bassée. Y vivent les quatre personnages de l’intrigue : la peintre parisienne Christine venue là se réfugier ; un couple, Patrice et Marion, et leur petite fille de dix ans, Ida.

On prépare la fête des « quarante ans » de Marion. Tout le monde s’affaire : Patrice, parti en ville, chercher de quoi se sustenter ; Christine, de son côté, a prévu les gâteaux de la fête. Ida aidera les deux pour que tout soit réussi.

Banal, me direz-vous, sauf que l’intrusion d’individus louches dans le hameau enclenche chez le lecteur et les personnages une histoire « de nuit », vraiment infernale.

La soirée, bien préparée, avait ses horaires, ses surprises.

Suite en do mineur, Jean Mattern (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Mercredi, 17 Mars 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Sabine Wespieser

Suite en do mineur, Jean Mattern, mars 2021, 161 pages, 17 € Edition: Sabine Wespieser

 

Comment faire face à la douleur d’une rupture, comment amortir le choc d’une perte ? C’est à ce questionnement qu’est consacré le roman de Jean Mattern, Suite en do mineur.

Robert Stobetzky est un homme d’âge mur, qui participe à un voyage organisé en Israël, par l’entremise de son neveu Emile qui l’a poussé à l’accomplissement de ce déplacement. Prisant très moyennement les circuits organisés, Robert, juif non pratiquant, dont les parents originaires d’un shtetl ukrainien ont miraculeusement échappé à la déportation en se cachant dans la campagne française, s’isole rapidement du groupe. Il arpente la Via Dolorosa dans la vieille ville de Jérusalem et croit y reconnaître Madeleine, une femme qui l’a aimé et déniaisé il y a trente ans à Paris en 1969.

Cette vision d’un autre temps devient alors le prétexte pour démêler les fils de la mémoire, ses mécanismes, ses lois parfois. Ainsi, le narrateur revisite-t-il la notion de deuil et parvient à la circonscrire et la définir :

L’Ancêtre, Juan José Saer (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 16 Mars 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Amérique Latine, Le Tripode

L’Ancêtre (El entenado), Juan José Saer, trad. espagnol (Argentine) Laure Bataillon, 173 pages, 10 € Edition: Le Tripode

 

Un roman de voyage sur les conquistadores du XVIème siècle ? Un reportage anthropologique sur les premières tribus indiennes découvertes ? Ce pourrait être ça, mais voilà, ça ne l’est pas du tout. Juan José Saer propose dans la plongée du héros-narrateur – le mousse du navire-amiral de trois galions en quête de la route des Indes – dans une tribu d’Indiens quelque part vers le Rio de la Plata, une véritable expédition archéologique dans l’histoire de l’être humain, une expédition qui, très au-delà de la géographie ou de l’anthropologie, nous entraîne dans un tourbillon vertigineux jusqu’au cœur de l’absence d’être qui scelle l’humaine condition.

Tout le début du roman évoque Moby Dick. Ce jeune mousse qui parcourt les ports pour trouver à embarquer, assoiffé de large et d’aventure, est le frère littéraire d’Ismaël et, comme lui, il va connaître la rencontre avec l’inconnu absolu. Comme lui, il va connaître l’effroi et la révélation. Comme lui, il est le narrateur.