Le long monologue post mortem, dégoulinant de souffrance et de haine de soi, des autres et du monde, émis par une jeune femme qui raconte à la première personne son douloureux parcours existentiel depuis sa naissance non désirée par sa mère jusqu’à son internement en asile d’aliénés à la demande expresse de sa famille. Dépassant le classique dédoublement de personnalité, Gudrun, la narratrice, se « détriple » en Blandine d’une part, en Esther d’autre part.
Gudrun, Esther, Blandine sont les trois prénoms reçus à la naissance, trois noms que la narratrice va incarner à tour de rôle, littéralement, chacune jouant son propre rôle singulier dans le cours chaotique d’une existence tri-personnelle, et dans la profusion en apparence incohérente d’un poignant discours narratif.
Les parents de Gudrun Kortekamp et de son frère Friedrich, propriétaires terriens allemands, au lendemain de la première guerre mondiale quittent leur pays par crainte de l’instauration du socialisme avec l’espoir de trouver meilleure fortune aux Etats-Unis où ils rachètent des terres. Lorsque le nazisme s’installe au pouvoir, enthousiasmés par la perspective du triomphe universel du troisième Reich millénaire, ils rentrent, reprennent leur ancienne propriété, et manifestent ouvertement leur adhésion à la montée totalitaire et génocidaire du pangermanisme.