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Roman

Les 3 noms d’Esther, Isabelle Fiemeyer (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 27 Août 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Editions Maurice Nadeau

Les 3 noms d’Esther, Isabelle Fiemeyer, 120 pages, 16 € Edition: Editions Maurice Nadeau

Le long monologue post mortem, dégoulinant de souffrance et de haine de soi, des autres et du monde, émis par une jeune femme qui raconte à la première personne son douloureux parcours existentiel depuis sa naissance non désirée par sa mère jusqu’à son internement en asile d’aliénés à la demande expresse de sa famille. Dépassant le classique dédoublement de personnalité, Gudrun, la narratrice, se « détriple » en Blandine d’une part, en Esther d’autre part.

Gudrun, Esther, Blandine sont les trois prénoms reçus à la naissance, trois noms que la narratrice va incarner à tour de rôle, littéralement, chacune jouant son propre rôle singulier dans le cours chaotique d’une existence tri-personnelle, et dans la profusion en apparence incohérente d’un poignant discours narratif.

Les parents de Gudrun Kortekamp et de son frère Friedrich, propriétaires terriens allemands, au lendemain de la première guerre mondiale quittent leur pays par crainte de l’instauration du socialisme avec l’espoir de trouver meilleure fortune aux Etats-Unis où ils rachètent des terres. Lorsque le nazisme s’installe au pouvoir, enthousiasmés par la perspective du triomphe universel du troisième Reich millénaire, ils rentrent, reprennent leur ancienne propriété, et manifestent ouvertement leur adhésion à la montée totalitaire et génocidaire du pangermanisme.

La nature de la bête, Louise Penny (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Jeudi, 27 Août 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Canada anglophone, Actes Noirs (Actes Sud)

La nature de la bête, Louise Penny, juillet 2020, trad. anglais, Lori Saint-Martin et Paul Gagné, 480 pages, 23,50 € Edition: Actes Noirs (Actes Sud)

 

Dans la superbe région des Cantons-de-l’Est à une centaine de kilomètres au sud-est de Montréal au Canada, se trouve Three Pines où l’ex-inspecteur-chef de la Sécurité, Armand Gamache, s’est retiré, après avoir frôlé la mort, pour prendre sa retraite. Au cœur de la nature canadienne, parmi les odeurs de pommes, il semble couler des jours heureux avec Reine-Marie, son épouse. Ils ont des amis, des voisins, la Troupe de l’Estrie, qui leur proposent de monter une pièce avec eux. Le choix du texte semble s’être arrêté sur le titre suivant : Elle était assise et elle pleurait, d’un certain John Fleming. Cependant l’auteur dont certains se souviennent ne paraît pas avoir laissé que de bons souvenirs dans la région.

Un jour, Laurent Lepage, un gamin de la bourgade à l’imagination fertile, qui a l’habitude de rapporter des histoires aussi abracadabrantes les unes que les autres comme celles d’invasions d’extra-terrestres, de dinosaures nageant dans le lac ou d’arbres qui marchent, franchit la porte du bistrot avec son bâton à la main, tire la manche de Gamache pour lui dire qu’il a découvert un canon géant avec une bête dessus ! L’assemblée ne prête pas attention aux dires de l’enfant.

Buveurs de vent, Franck Bouysse (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 25 Août 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Albin Michel

Buveurs de vent, août 2020, 392 pages, 20,90 € . Ecrivain(s): Franck Bouysse Edition: Albin Michel

 

Que les univers de Franck Bouysse soient sombres devient – pour qui connaît son œuvre – un truisme. Mais ici – comme par un doigt magique – l’obscurité est traversée par l’aile lumineuse de l’imaginaire, de l’aventure. Non seulement portée par les références littéraires – comme la carte de l’Île au Trésor sans cesse découpée en horizon – mais aussi par des personnages qui, au fond de leur pauvreté, trouvent les ressources du rêve comme joie de vivre. Et puis ce roman est souvent drôle, frôlé par le burlesque, par la grâce légère de la bande familiale, la fantaisie des jeunes frères, le goût immodéré de la liberté de la jeune sœur. Franck Bouysse fait naître à notre lecture une famille qui est le contrepoint de celle de « né d’aucune femme ». Ici – au sein d’une fratrie soudée comme les doigts d’une main – elle est source de réconfort, matrice de vie, chaîne solidaire, quand chez Rose elle était abandon et lâcheté. Les tensions ici sont initiatiques jamais létales, les bonheurs profonds et vrais, les malheurs partagés. Verticalement, du grand-père aux petits-enfants, latéralement entre frères et sœurs, la famille semble faire l’économie des parents éteints entre faiblesse et rancœur. Là encore, Franck Bouysse renoue avec la tradition du conte dans lequel les fratries et les liens aïeux / petits-enfants ont une importance qui l’emporte sur tout autre. Plus que jamais, il s’installe dans son œuvre de romancier-conteur.

L’Homme de la scierie, André Dhôtel (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Mardi, 25 Août 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres

L’Homme de la scierie, André Dhôtel, éditions Sous le Sceau du Tabellion, juin 2020, 248 pages, 21 €

 

Nous rendons grâce aux jeunes éditions Sous le Sceau du Tabellion et à Alain Chassagneux pour cette réédition de L’Homme de la scierie, un roman de Dhôtel, paru en 1950 et épuisé depuis belle lurette – comme la plupart de ses œuvres, à notre grand dam.

André Dhôtel nous conte l’histoire d’Henri Chalfour, un homme d’une quarantaine d’années, employé à des basses besognes dans une petite scierie au bord de la Seine, près d’un village nommé Caunes. On le rencontre affaibli et perclus de douleurs : un accident lui est arrivé mais il en a perdu la mémoire. Il se rappelle seulement une cave, des pommes de terre et un pont de fer. Il ne sait non plus de quoi était faite sa vie, ni qui sont ces femmes dont les prénoms sont griffonnés sur la planche d’une fenêtre de son logis. Il ne s’inquiète guère, pourtant : « Un souvenir en appelle un autre, et il finirait bien par expliquer cette sacrée aventure ».

Ce qu’on appelle aimer, Laure Samama (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 24 Août 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Ce qu’on appelle aimer, Laure Samama, Arnaud Bizalion éditeur, 2017, 64 pages, 17 €

 

En brefs chapitres – parfois réduits à quelques mots – jaillissent les amours, leurs troubles, leurs déceptions, et toujours une façon de tenir face aux amants qui jouent les don-juan et les comètes.

Laure Samama double ses textes de photographies-métaphores pour évoquer ce que les mots ne peuvent pas montrer. Le désir féminin trouve droit de citer de manière simple, juste, crue et sans emphase : « Souvent je portais des robes pour que ses mains ne rencontrent aucun obstacle. Je déplorais que les hommes n’en portent pas ». Mais à l’amour et ses fantasmes suivent des désillusions dues aux petits arrangements avec le réel de l’amant qui, à l’éternité (certes provisoire), préfère un passage qui, à force, lui pèse comme s’il obligeait…

C’est vieux comme le monde : surtout lorsque la relation est adultérine. L’homme est beau, expert mais une épouse l’attend. Au sein de la luxure et de la volupté il y a donc des « défilés », des déchirures, des explications et justifications plus ou moins douteuses.