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Roman

Dans les veines ce fleuve d’argent, Dario Franceschini (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 15 Mai 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard, Italie

Dans les veines ce fleuve d’argent, Dario Franceschini, Gallimard, Folio, 2008, trad. italien Chantal Moiroud, 160 pages, 5,70 € Edition: Gallimard

 

Paru en Italie en 2006, ce premier roman de l’écrivain, né à Ferrare en 1958, rend hommage à une région, à un fleuve, le Pô, à ses pêcheurs d’esturgeon, et avant tout à la force de l’amitié, qui n’a que faire du temps et des longues années pour poursuivre son fil, son courant.

Initiatique, ce roman l’est à plus d’un titre ; le personnage principal, Primo Bottardi, le grand âge venu, veut répondre enfin à la question qu’un ami d’enfance lui a posée, il y a plus de quarante ans.

Coûte que coûte, il faut retrouver cet ami et l’aventure, le long du fleuve peut commencer, et les rencontres, pittoresques, réalistes existentielles vont ouvrir les portes d’une Aventure, essentielle. Longer le fleuve à la recherche de l’ami perdu, Civolani, figure d’une photo de classe, devenu lui-même pêcheur du Pô. Il a un sobriquet, Capoccia. Les villages défilent, au rythme de la charrette d’Artioli, qui connaît la région et le fleuve comme ses poches : Cantarana, village de Primo ; Lenticchia, Paletto…

Les infiltrés, L’histoire des amants qui défièrent Hitler, Norman Ohler (par Sandrine Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Vendredi, 15 Mai 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue allemande, Récits, Payot

Les infiltrés, L’histoire des amants qui défièrent Hitler, Norman Ohler, mars 2020, trad. allemand, Olivier Mannoni, 423 pages, 22 € Edition: Payot

 

« Que resterait-il aux hommes s’il fallait enlever aux mots, qu’ils ont mis des siècles à chérir, l’importance qu’ils leur prêtent ? » (Sous la lumière froide, Pierre Mac Orlan, 1945).

Le prologue est ici essentiel, ne le manquez pas ! Un véritable compte à rebours. La voix du narrateur, la voix-off, le pourquoi du livre et la nature de son existence. Jusqu’où faut-il porter, par loyauté, les actes de nos Anciens, leurs cicatrices, leurs crimes sous nos pas, comme autant de mains placées sous terre pour attraper nos chevilles et faire chavirer nos pas ?

L’éditeur précise « livre de non-fiction ». Soit. Le narrateur fixe chaque étape de l’histoire, quand l’histoire précisément a été délibérément effacée. Elle se raconte volontiers en roman et, en cette configuration, rencontre son meilleur témoin. Sans pour autant en adopter le ton. La forme est donc documentaire, visuelle, elle relèverait davantage d’un « docu-fiction ». La forme.

Au cœur des ténèbres, Joseph Conrad (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 13 Mai 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Folio (Gallimard)

Au cœur des ténèbres (Heart of Darkness), trad. anglais Jean Deurbergue, 332 pages, 11,90 € . Ecrivain(s): Joseph Conrad Edition: Folio (Gallimard)

 

Il serait bien présomptueux de faire la critique globale du monument littéraire qu’est le court roman Au cœur des Ténèbres de Joseph Conrad. Lectures analytiques, thèses, articles, cours d’université, tout a été dit et écrit sur ce chef-d’œuvre de la littérature. Il est cité régulièrement parmi les plus grands livres de tous les temps – et ô combien à juste titre.

C’est un monument érigé à la condition humaine, sa détresse, sa folie, sa pathétique démesure condamnée à l’échec, à la mort. L’expédition racontée par le capitaine Charles Marlow, la remontée du fleuve Congo (jamais cité d’ailleurs) sur un rafiot rafistolé et bringuebalant, prend, au fur et à mesure de l’avancée dans la jungle primitive, l’allure d’un voyage en Enfer. La chaleur, l’air étouffant, les moustiques, les sons terrifiants venant des rives – le son prend une place centrale dans tous les romans de Conrad – font du fleuve une sorte de Styx bordé d’une verdure aussi impénétrable qu’angoissante. La nature ici est un temple de mort, de décomposition.

Les après-midi d’hiver, Anna Zerbib (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mercredi, 13 Mai 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Les après-midi d’hiver, Anna Zerbib, mars 2020, 176 pages, 16,50 € Edition: Gallimard

 

L’hiver et après

Et si dans une vie ce qui comptait était plus le trajet que le but ? Après tout, les grands romans, du Rouge et le Noir à L’Etranger, le prouvent. Et Anna Zerbib le souligne presque naturellement par sa fiction.

Pour la présenter, elle écrit : « C’était l’hiver après celui de la mort de ma mère, c’est-à-dire mon deuxième hiver à Montréal. J’ai rencontré Noah et j’ai eu ce secret. Tout s’est produit pour moi hors du temps réglementaire de la perte de sens ». Et d’ajouter une peu plus loin : « Pour le secret, je ne suis pas certaine, il était peut-être là avant, un secret sans personne dedans ».

Mais il s’agit pour l’héroïne de réapprendre à vivre, sans rester prisonnière de la saumure de la mort de la mère, et de rallumer l’existence de diverses flammèches.

Bolchoï confidentiel, Simon Morrison (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Mardi, 12 Mai 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Belfond

Bolchoï confidentiel, Simon Morrison, novembre 2019, trad. anglais (USA), Luba Jurgenson, 414 pages, 21 € Edition: Belfond

 

Sur la couverture de ce livre ne figure aucun étiquetage qui pourrait nous permettre de le classer dans un genre. Mais on peut se référer à la théorie paratextuelle, un des fondements de l’école de Constance dans sa doctrine de réception de la lecture, et à son concept de l’horizon d’attente (Erwartungshorizont) qui constitue un système de référence objectivement formulable à l’acte de lecture. Système de référence dont l’un des facteurs est : « l’expérience préalable que le public a du genre dont l’œuvre relève ».

Pour faire simple, le titre du livre Bolchoï confidentiel n’est pas sans évoquer L.A. Confidential de James Ellroy, et le mot confidential des séries télévisées policières. Par ailleurs, la quasi-totalité de l’introduction de Simon Morrison se rapporte à l’attentat à l’acide qu’à subi le directeur artistique du ballet au Bolchoï, Sergueï Filine, le 17 janvier 2013. L’accroche est peut-être un peu grosse, mais le lecteur peu avisé, même si la traduction est signée par l’excellente Luba Jurgenson, pensera avoir entre les mains un livre de fiction, voire un roman policier.