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Roman

Noir de soleil, Grégory Rateau (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 08 Mai 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Editions Maurice Nadeau

Noir de soleil, Grégory Rateau, février 2020, 174 pages, 19 € Edition: Editions Maurice Nadeau

 

« Les tirs ont cessé dans la matinée mais depuis quelques minutes, c’est reparti, on dirait qu’ils prennent même plus la peine de respirer, ils mitraillent comme des dingues et en continu. Le plus hallucinant, c’est que je ne suis pas le seul à la terrasse de ce café. Des couples ou des bandes d’amis rigolent sans sourciller dès que les échanges en rafale reprennent ».

Noir de Soleil est un roman sous haute tension, celle d’un jeune couple, Arthur le narrateur et Ana sa compagne, qui oscille entre la joie et la colère, électrisés par leur amour, et par le tournage d’un petit film à Tripoli, une ville elle aussi sous très haute tension. Noir de soleil est un roman où l’on se déchire, où l’on se séduit, se traque, se trahit, un roman électrisé par ce film qui traque l’amour et la violence qui déchire le Liban. Le narrateur de Noir de soleil est en quête de lumière, celle qu’évoquent Noces et L’Eté d’Albert Camus. Ce voyage au Liban sera cette lumière et cette légèreté gracieuse – « Je viens de la grisaille, toujours cette même teinte uniforme qui plane tout autour, sans jamais laisser percer la moindre parcelle de lumière et d’espoir ».

Régression, Fabrice Papillon (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 07 Mai 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Belfond

Régression, Fabrice Papillon, octobre 2019, 455 pages, 20,90 € Edition: Belfond


C’est pure coïncidence évidemment si ce gros roman qui met en scène une forme originale de possible fin du monde, publié en octobre 2019, m’a été envoyé par l’éditeur peu avant le déclenchement de la pandémie due au Covid-19.

Rien à voir donc avec la triste actualité, simple hasard éditorial.

Toujours est-il que l’ambiance générale inquiétante de ce printemps 2020 résonne étrangement à la lecture de ce récit d’apocalypse dont l’avant-dernier épisode est daté… le 25 février 2020, soit 4 ou 5 mois après la publication du livre. Bon ! N’allons pas croire à la prémonition ! Mais la concomitance devait être signalée.

Tandis que j’agonise, William Faulkner (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 06 Mai 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Folio (Gallimard)

Tandis que j’agonise (As I Lay Dying, 1930), trad. américain Maurice-Edgar Coindreau, 246 pages . Ecrivain(s): William Faulkner Edition: Folio (Gallimard)

 

Il faut une certaine audace pour écrire encore sur l’un des romans les plus célèbres et commentés de l’histoire littéraire universelle. Dans tous les cas, il faut au moins avoir quelque chose de nouveau à dire sur cette œuvre – si c’est possible.

C’est là une troisième lecture de cette œuvre de Faulkner. Comme toujours avec cet auteur, aucune lecture réitérée de l’un de ses romans n’est une RE-lecture. On lit, à chaque fois, un autre livre. On suit à chaque fois, un autre fil de narration. On découvre, à chaque fois, des lumières et des ombres qui nous avaient échappé. Mais toujours, toujours, la magie fascinante de l’écriture faulknérienne opère.

On peut dire, après d’autres, que Tandis que j’agonise est une « épopée » burlesque, traversée de scènes du plus haut comique. Certes, ni les personnages, ni la famille Brunden dans sa profonde misère matérielle et morale, ni les événements rapportés n’incitent a priori au rire. La matrone de cette improbable famille qui meurt au son du cercueil que son fils Cash fabrique pour elle est une scène a priori plutôt sinistre. Et c’est dans ce fil paradoxal, cette crête étroite entre tragédie et comédie, que Faulkner nous convie et nous hallucine.

Les Falaises, Virginie DeChamplain (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Mardi, 05 Mai 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Les Falaises, Virginie DeChamplain, La Peuplade, février 2020, 224 pages, 18 €

 

« Ma mère est morte, et je n’ai pas encore pleuré », annonce la narratrice à la fin de la première page. Le parallèle avec un autre incipit s’impose, mais assez mal à propos, semble-t-il, comme un tour que nous jouerait l’auteure : si la jeune femme est une étrangère, ce n’est pas à la manière de Meursault.

Elle porte en elle un chaos et une béance : le sentiment de n’être de nulle part, d’être déracinée. C’est l’héritage de sa mère Frida, dont le corps a été retrouvé dans le Saint-Laurent, de sa grand-mère Claire dont elle découvre, dans la maison d’enfance à vider, les cahiers intimes, et de son arrière-grand-mère, venue d’Islande – « une longue histoire d’abandon ». Cette fêlure atavique apparaît comme un destin, un fatum, infligé par un « pays de glace et de volcans », en quoi elle relève d’une vision romantique, séduisante et exaltante : quelque chose de plus grand et de plus fort que soi, qui emporte, et les tempêtes, et les falaises, et le combat toujours perdu, quoique toujours repris… Une vision tragique qui ne va pas, nous semble-t-il, sans une certaine complaisance face à la fatalité, au renoncement, à la facilité de se laisser déborder. Cette complaisance affleure dans le roman de Virginie DeChamplain mais il ne s’y enlise pas : il interroge. Comment vivre avec un « trou dans [s]on ventre » – celui-là ou un autre –, comment vivre sans sentiment d’appartenance ?

Elmet, Fiona Mozley (par Catherine Blanche)

Ecrit par Catherine Blanche , le Mardi, 05 Mai 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Joelle Losfeld

Elmet, Fiona Mozley, janvier 2020, trad. anglais, Laetitia Devaux, 237 pages, 19 € Edition: Joelle Losfeld

 

Ce récit, qu’on prendrait de prime abord pour un conte aux accents bucoliques s’avère être un brûlot social, une tragédie des temps modernes.

Le Comté du Yorkshire est le lieu d’enfance de Fiona Mozley. C’est aussi celui où se déroule cette histoire.

Pas un hasard assurément.

Il suffit de fouiner un peu dans les cinquante dernières années de ce coin d’Angleterre pour mesurer l'ampleur de sa paupérisation : fermetures de sites industriels, âpres luttes de classe, révoltes ouvrières musclées, chômage de père en fils ; alcool et misère ravageant le pays. Il s'y ajoute des « faits divers » donnant froid dans le dos : violeurs et éventreur ont abreuvé ces terres avec des larmes et du sang. Des faits qui ne peuvent que hanter longtemps les esprits et générer des peurs…