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Roman

Les Cerfs, Veronika Mabardi (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Jeudi, 13 Février 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Les Cerfs, Veronika Mabardi, Esperluète éditions, 2018, 154 pages, 18 €

 

Les voies du silence

Blanche vient de perdre sa mère et la parole – comment parler encore la langue maternelle quand celle qui l’incarnait s’est tue à jamais ? Impuissant, à bout de ressources et d’énergie, son père refuse pourtant d’abandonner sa fille et sa fêlure à l’institution médicale. Alors, sur la foi de recommandations amies, il la confie à Annie, une jeune femme à « la patience d’ange » qui habite une petite maison à la campagne, à l’orée d’un bois, où l’enfant redevenue infans passera une longue et lente convalescence.

C’est d’une voix douce et pénétrante que Veronika Mabardi conte cette histoire de deuil, de silence, de résilience et d’amour. Quelques mots, quelques phrases, et nous sommes captifs de sa parole vive et claire, de cette parole qui tantôt s’égoutte en phrases brèves et simples, tantôt coule en phrases longues et fluides. Nous sommes séduits par cette écriture sobre et dense, qui montre sans afféterie les gestes du quotidien et de l’affection, ceux qu’on pose et ceux qu’on retient ; qui donne corps et vie aux objets et aux lieux ; qui dit sans emphase les sentiments, ceux qui naissent et ceux qui mûrissent, ceux qui consolent et ceux qui déchirent.

Une méduse au soleil, Chantal Michel (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Mercredi, 12 Février 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Titre : Une méduse au soleil, Chantal Michel, Orphie G. doyen Editions 193 pages

 

La puissance impressive d’un texte ne se mesurant pas au nombre de pages qu’il occupe, voici un petit roman qui fait forte impression.

L’auteure, la narratrice et le personnage principal se confondent, le caractère autobiographique du récit, bien que non-dit dans le texte, étant perceptible.

L’histoire commence dans l’euphorie de l’enfance heureuse pour la narratrice née juste après la seconde guerre mondiale dans une Algérie dont elle ne peut percevoir tout d’abord, dans le cocon familial qui l’entoure et l’isole de la réalité historique, les tensions croissantes.

Le héros qui domine tout le cours de la narration, toutefois, tantôt explicitement, tantôt en filigrane, c’est le père, pharmacien français installé en Algérie, respecté, parti de rien, qui a créé et qui fait marcher son officine sans mesurer sa peine, pater familias exemplaire, référence exclusive, père modèle pour sa fille, qui l’adore et l’adule.

September September, Shelby Foote (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 11 Février 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Gallimard

September September, Février 2020, traduit de l’américain par Jane Fillion, traduction révisée par Marie-Caroline Aubert. 431 p. 21 € . Ecrivain(s): Shelby Foote Edition: Gallimard

 

Ce roman du grand Shelby Foote, son dernier roman en date de 1978, a été publié pour la première fois en français sous le titre de « Septembre en noir et blanc », traduit par Jane Fillion pour les éditions 10/18 en 1985. Il est réjouissant de voir ce bijou réédité par Gallimard/La Noire, avec la traduction de Jane Fillion toujours, revue et corrigée par Marie-Caroline Aubert.

 

Décidément, Shelby Foote ne fait rien comme aucun autre écrivain. Dans ce roman, il s’attaque au genre « polar » mais aucun des codes connus de ce genre ne sont ici appliqués. Si bien que, si ce livre est un polar, alors tous les polars n’en sont pas. A travers l’intrigue qui tient September, September Foote va décliner toutes ses obsessions : le Sud bien sûr, son histoire, ses démons, les rapports entre blancs et noirs, la dérive des petits blancs pauvres vers le crime, les rapports sulfureux entre hommes et femmes et, toujours, en fond de tableau, l’Histoire des USA, la monographie du Delta, la mythologie sudiste.

Reportage, Henri Thomas (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 10 Février 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Fata Morgana

Henri Thomas, "Reportage", préface de Jacques Réda, 2020, 256 p.26 E.. Edition: Fata Morgana

 

Henri Thomas, proche de Gide et de la NRF, publie au début des années 40 son premier roman "Le seau à charbon" et son premier recueil poétique,"Travaux d’aveugle". Ayant quitté la France il y revient et reçoit en 1960 pour "John Perkins" le prix Médicis puis en 1961 le prix Femina pour "Le promontoire". La notoriété lui sourit mais suite à la mort de sa femme il ne publie que quelques plaquettes de poésie avant de reprendre son activité littéraire de plus belle au milieu des années 80.

Dans cette période de disette et plus précisément entre 1978 et 1982 il fit néanmoins paraître lors de sa période grise, quarante-deux "Reportages" à la NRF. Pour la première fois ces textes sont enfin rassemblés. S'y retrouvent tout ce qui fait le sel de l'oeuvre de celui qui navigue "entre l’émerveillement d’une présence au monde et l’inquiétude à habiter une existence ordinaire" (Réda)..

Morceaux cassés d’une chose, Oscar Coop-Phane (par Arnaud Genon)

Ecrit par Arnaud Genon , le Vendredi, 07 Février 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Grasset

Morceaux cassés d’une chose, Oscar Coop-Phane, janvier 2020, 160 pages, 16€50 Edition: Grasset

 

Rousseau en miettes

 

La vie tombe, se brise, tout s’écroule. Il reste alors les « morceaux cassés » d’un passé, d’une mémoire, d’une existence (cette courte « chose » – l’auteur a trente-deux ans) étalés sur le sol. On pourrait vouloir tout réparer, reconstruire à l’identique, reconstituer dans l’ordre le flot du vécu, lui donner un sens pour se donner un but. Oscar Coop-Phane contemple lui le désastre et pique dans cette « matière romanesque » qu’est la vie selon les bons vouloirs du vent des réminiscences et de là où il porte sa plume. Ainsi, dans ces Morceaux cassés d’une chose, pas de chronologie, les instants de vie semblent écrits comme ils resurgissent à la mémoire. Peu importe l’ordre, tant qu’on a l’ivresse.