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Roman

Les étoiles s’éteignent à l’aube, Richard Wagamese (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 12 Décembre 2019. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, 10/18

Les étoiles s’éteignent à l’aube (Medicine Walk), Richard Wagamese, trad. anglais Christine Raguet, 308 pages, 7,50 € Edition: 10/18

Un titre français affligeant de banalité pour (mal) commencer ce roman. Medicine Walk – le titre original – est tellement meilleur.

Le (mauvais) père, le fils abandonné mais quand même aimant. Les retrouvailles à l’approche de la mort du père, malade et ravagé par l’alcoolisme. Le voyage à travers la nature sauvage – les esprits des ancêtres Indiens demandant que les vieux meurent à un endroit précis, sur une montagne. Le bilan (désespérant bien sûr) de la vie du père raconté au fils. Et – est-il besoin de le dire ? – la rédemption avant le dernier souffle.

Voilà.

Ce roman, plutôt bien écrit, aurait pu être un plutôt bon roman s’il n’y en avait pas cent vingt mille du même tabac. L’usine à livres américaine – depuis une bonne dizaine d’années – raconte presque toujours la même histoire père-fils-faute et rédemption, à l’envi, jusqu’à plus soif. Ajoutez-y quelques beaux paysages, quelques scènes de violence, une pointe de mysticisme et vous avez la recette du cocktail.

A la recherche de Marie J., Michèle Sarde (par Sandrine Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Jeudi, 12 Décembre 2019. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Julliard

A la recherche de Marie J., octobre 2019, 368 pages, 20 € . Ecrivain(s): Michèle Sarde Edition: Julliard

 

« Les noms des personnages vivants ont été remplacés par des initiales et leurs prénoms ont été changés. Le moins possible ».

Ne cherchez pas non plus dans les remerciements, les prénoms du livre. Entre autres, Yolène, Elena, Rodriguo. Il n’y a aucune initiale.

Seule est, Marie J.

Certains liens sont indéfectibles, au-delà des identités.

Ce serait par exemple une ressemblance troublante entre elle, l’auteure dont le prénom n’est pas Michèle, et sa grand-mère. Marie J. Troublante au point de « passer sa vie à » rechercher derrière les traits d’un être vivant, le visage d’un autre. Décédé en 1944.

Ainsi passe la gloire du monde, Robert Goolrick (par Anne Morin)

Ecrit par Anne Morin , le Mardi, 10 Décembre 2019. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Anne Carrière

Ainsi passe la gloire du monde, Robert Goolrick, août 2019, trad. anglais (USA) Marie de Prémonville, 191 pages, 19 € Edition: Anne Carrière

Dernier opus d’une autofiction en trois parties, Ainsi passe la gloire du monde « rapporte » un enfermement, enfermement de Rooney, le personnage central, dans Le Cabanon – n’était-ce pas le lieu d’isolement des fous dangereux ? – reclus, mis à l’écart du monde parce que ruiné, mais aussi reclus volontaire, que la maladie auto-immune qu’il développe empêche de marcher, le clouant au sol… Mais qui est fou ? cet homme à qui comme l’on dit « tout a souri », qui a contribué à mettre au jour ce monde « argenté », ou ceux qui passent leur vie à paraître, les anciens « influenceurs » d’un monde où l’argent croît et se multiplie monstrueusement, s’engendrant lui-même ?

Le titre original Prisoner, éclaire ces cercles de l’Enfer où évolue Rooney – le cercle des « amis » qui ne répondent plus, le cercle de prédateurs, banquiers, créanciers, avocats… Ses faux amis se détournent de lui, son corps se retourne contre lui-même… tout est, ici, inversé. La chute, qui symbolise habituellement la perte de la virginité, de la décence, de l’humanité, qui porte en soi sa perte, devient ici rédemption, retour dans la matrice – du monde, de la mère. Car Rooney est porteur sain d’une ignominie dont, tout jeune enfant encore, il guette les stigmates sur son corps. Car son père, alors qu’il avait cinq ans, l’a violé dans le lit conjugal, sous les yeux de sa mère, impuissante :

De bonnes raisons de mourir, Morgan Audic (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 10 Décembre 2019. , dans Roman, Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Albin Michel

De bonnes raisons de mourir, mai 2019, 492 pages, 21,90 € . Ecrivain(s): Morgan Audic Edition: Albin Michel

 

Clemenceau disait qu’on ne ment jamais tant qu’avant les élections, pendant la guerre et après la chasse. Il aurait pu ajouter, s’il avait connu ce genre de tragédie : on ne ment jamais autant qu’avant, pendant et après une catastrophe nucléaire. Avant, en affirmant qu’elle ne risque pas de se produire ; pendant, en prétendant que la situation est sous contrôle, et après, en racontant que les retombées radioactives se sont sagement arrêtées aux frontières.

On aurait pu penser qu’une fois les populations évacuées, avec ce mélange d’héroïsme et d’impréparation caractéristique de l’ancienne Union soviétique (mais comment se préparer à un événement dont on refuse d’envisager l’irruption ?), la région de Tchernobyl demeurerait gaste terre, sinon pour l’éternité (notion qui a peu de sens dans notre monde sublunaire), au moins pour quelques siècles, le temps que s’estompent les patientes radiations. C’était sans compter l’appétit de lucre de certains voyagistes, ne demandant qu’à flatter l’impudeur, l’inconscience, l’absence de common decency, la bêtise d’idiots venus par milliers faire des selfies au milieu du monde d’après l’Apocalypse, dans cet état intermédiaire où l’humanité a déjà disparu mais où la nature n’a pas entièrement repris ses droits.

Cavalerie rouge, Isaac Babel (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 05 Décembre 2019. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Russie, Gallimard

Cavalerie rouge, Isaac Babel, février 2019, trad. russe Maurice Parijanine, 224 pages, 9,50 € Edition: Gallimard

 

La prose incandescente de Babel introduit sa braise jusqu’au fond de l’âme. Nouvelliste fabuleux – on connaît ses contes d’Odessa – Babel reste nouvelliste dans ce qui ici se présente comme un roman. Le narrateur en effet est toujours le même personnage (largement autobiographique) et le « roman » raconte des épisodes de la guerre révolutionnaire qui conduisit les régiments de partisans au front, pour la défense de la jeune patrie socialiste, sous le commandement de Boudienny, contre les assauts des Blancs, les contre-révolutionnaires.

C’est donc du cœur de l’Armée Rouge que le soldat Babel nous raconte ces récits de guerre. Ce sont de véritables nouvelles, comportant chacune un thème, une histoire, une fin. Le narrateur se fait l’écho d’une Russie en pleine révolution. Pas seulement la révolution que l’Histoire nous rapporte, celle d’Octobre 1917, mais la révolution qui bouleverse les hommes et les femmes de Russie, change leur vision du monde, efface radicalement la faiblesse et l’asservissement pour laisser place à un homme nouveau, avec ce que ça induit de bien et de mal, de progrès et de régression, de Diable et de Bon Dieu.