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Roman

De pierre et d’os, Bérengère Cournut (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Lundi, 20 Janvier 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Le Tripode

De pierre et d’os, Bérengère Cournut, août 2019, 219 pages, 19 € Edition: Le Tripode

 

 

Le chant d’Uqsuralik

Le roman s’ouvre sur une fracture : celle de la banquise, qui sépare Uqsuralik, jeune Inuit, de sa famille et de son enfance. Son père a tout juste le temps de lui lancer, par-dessus la faille, un maigre viatique : une peau, un harpon qui se brise et se perd dans l’eau, une dent d’ours en amulette. Armée du couteau en demi-lune qui n’avait pas quitté sa poche, bientôt rejointe par sa chienne Ikasuk et quatre jeunes mâles plus prédateurs que protecteurs, elle se met en route, aiguillonnée par la nécessité de survivre : d’abord trouver un abri et de la nourriture, et s’imposer comme cheffe de la meute pour ne pas finir dévorée. Ensuite, rejoindre d’autres Inuits pour entrer, un jour, dans une nouvelle famille. Puis devenir femme, amante, mère, et enfin chamane.

Le Train zéro, Iouri Bouïda (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 16 Janvier 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Russie, Gallimard

Le Train zéro, Iouri Bouïda, trad. russe Sophie Benech, 127 pages, 6,90 € Edition: Gallimard

 

Ce train Zéro, tout droit sorti de l’Enfer de l’Arc d’Héraclite, celui qui mène à l’inéluctable sort des hommes, vous hantera à jamais de ses bruits de ferraille, son souffle effroyable, son mystère vertigineux. D’où vient-il ? Où va-t-il ? Que transporte-t-il ? Qui le conduit ?

A la Station 9 de la Ligne, Ivan Ardabiev, surnommé Don Domino, veille, avec quelques personnes, à ce que le Train passe sans encombre, à l’heure dite « Ric-Rac » ! Il ne se pose pas de questions, il exécute les ordres venus « d’en-haut » parce que c’est l’ordre de la « Patrie ». Les gens qui vivent autour de la station 9 sont chrétiens, sont juifs, peu importe, ils sont d’abord très pauvres, très isolés et, peu à peu désespèrent et s’en vont. Le roman commence d’ailleurs de manière très drôle – on pense à une histoire russe célèbre :

« “Les Juifs s’en vont !” cria-t-il dans le vide sonore de la maison et, ayant attendu en vain une réponse, il retourna à la fenêtre. “Les Juifs s’en vont toujours. Il n’y a que des idiots comme nous pour rester !” ».

Dans la mansarde, Marlen Haushofer (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Mercredi, 15 Janvier 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue allemande, Babel (Actes Sud)

Dans la mansarde, Marlen Haushofer, août 2019, 222 pages, 7,80 € Edition: Babel (Actes Sud)

 

« Il est difficile d’imaginer à quel point

nous avons rendu notre univers étriqué et misérable »

 

Un drôle d’oiseau

Dans la mansarde commence et se termine un dimanche, au réveil, dans le lit conjugal de la narratrice qui rend compte, à chaque fois, d’une de ces sempiternelles et oiseuses chamailleries de vieux couple, devenues rituelles et qui en étayent l’édifice branlant et fissuré. Entre ces deux matins, une semaine comme les autres, à un détail près : un épisode éprouvant de son passé ressurgit inopinément, sous la forme d’enveloppes jaunes déposées dans sa boîte aux lettres et qui contiennent chacune une partie du journal intime qu’elle avait écrit à cette époque, frappée d’une soudaine surdité, elle avait été envoyée quelques mois dans une cabane forestière, sous la surveillance d’un garde-champêtre peu amène.

Le soleil sur ma tête, Geovani Martins (par Cathy Garcia)

Ecrit par Cathy Garcia , le Mercredi, 15 Janvier 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Amérique Latine, Gallimard

Le soleil sur ma tête, Geovani Martins, octobre 2019, trad. portugais (Brésil) Matthieu Dosse, 135 p. 15 € Edition: Gallimard

« – C’est parce-que le monde entier est foncedé, frère. Comme si tu ne savais pas ça. Je te le répète : une semaine sans came et tout Rio de Janeiro s’arrête. Plus de médecins, plus de chauffeurs de bus, plus d’avocats, plus de policiers, plus d’éboueurs, plus rien. Tout le monde va devenir ouf à cause de l’abstinence. Cocaïne, Rivotril, LSD, ecstasy, crack, cannabis, antidouleurs, peu importe, frère. La came c’est le combustible de la ville.

– La came et la peur, j’ai ajouté ».

Ceci n’est pas un livre qui parle des favelas de Rio, ce sont les favelas qui y prennent la parole et donnent à voir une autre image, bien plus réelle, de cette ville qui fait rêver avec sa façade de carte postale, ses plages faussement paradisiaques, son carnaval à paillettes, sa samba perpétuelle. Rio de Janeiro a un autre visage, un visage balafré par la violence, fille bâtarde de l’exclusion sociale, un visage recouvert de la poussière humaine déposée par les exodes ruraux, populations nordestines et d’ailleurs, fuyant l’aridité extrême de leur existence et dont les espoirs s’échouent dans les quartiers nord et les bidonvilles nommés ici favelas, en mémoire d’une fleur qui pousse – poussait ? – sur les mornes abrupts qui dominent la ville.

Europa Hôtel, Farhad Pirbal (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Mardi, 14 Janvier 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Editions Maurice Nadeau

Europa Hôtel, Farhad Pirbal, novembre 2019, trad. kurde, Gaspard Karoglan, Arthur Quesnay, 180 pages, 19 € Edition: Editions Maurice Nadeau

 

Farhad Pirbal, Kurde irakien, auteur narrateur de cette chronique romanesque originale, raconte ses années d’exil politique en France.

Le centre géographique et névralgique du roman, le point de couture de l’intrigue se situent dans un hôtel parisien de standing, Europa Hôtel, où Farhad fait profession de veilleur de nuit. Il y noue une authentique et croissante amitié avec le propriétaire, M. Luciana, un homme immensément riche, cultivé, féru de littérature persane, qui revendique ses origines judéo-portugaises et qui nourrit le rêve, utopique compte tenu de ses origines et du fait qu’il possède des biens en Israël où il se rend annuellement, d’aller rejoindre en Iran Ziba, avec qui il a eu une liaison passionnée lorsqu’elle effectuait ses études à Paris.