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Roman

Un monstre et un chaos, Hubert Haddad (par Mona)

Ecrit par Mona , le Mardi, 19 Novembre 2019. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Zulma

Un monstre et un chaos, août 2019, 368 pages, 20 € . Ecrivain(s): Hubert Haddad Edition: Zulma

 

Une belle leçon d’humanité

Hubert Haddad nous conte une « histoire pleine de bruit et de fureur », pas juste celle du monde juif mais celle d’une humanité tout entière qui a sombré. Le monstre et le chaos du titre nous plongent dans la transgression des normes humaines, « folle mécanique sans contour », et le un, déterminant indéfini, souligne la valeur générale de cette « monstruosité sans faille bientôt universelle ».

L’auteur joue habilement avec le double registre du réel et du fantastique auquel appartient le monstre. Il ressuscite le shtetl défunt et fait revivre le deuxième plus grand ghetto de Pologne, le ghetto de Lodz appelé Litzmannstadt par les nazis, transformé en énorme centre industriel sous le règne corrompu du « roi Chaim », le doyen Rumkovski. Cet homme au passé humanitaire pourtant irréprochable a prononcé le discours monstrueux « donnez-moi vos enfants », retranscrit par l’auteur. Appel terrifiant à la population juive pour livrer 20.000 enfants aux monstres du Reich dans la folle illusion d’assurer la survie des autres.

Nous étions nés pour être heureux, Lionel Duroy (par Arnaud Genon)

Ecrit par Arnaud Genon , le Mardi, 19 Novembre 2019. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Julliard

Nous étions nés pour être heureux, août 2019, 240 pages, 20 € . Ecrivain(s): Lionel Duroy Edition: Julliard

Il y a trente ans, en 1990, Lionel Duroy publiait Priez pour nous (éd. Bernard Barrault, 1990, réédité chez J’ai lu en 2011), son premier roman autobiographique. Il y relatait son enfance chaotique, entouré de ses neuf frères et sœurs qui subirent, à ses côtés, la tyrannie maladive de leur mère (qui n’est pas sans rappeler la Folcoche d’Hervé Bazin) et les maladroites tentatives de leur père, « Toto », de sortir la famille de ses multiples déboires. L’écriture de ce livre fut pour lui salvateur. « J’ai organisé ma vie autour de l’écriture de mes livres, déclare Paul, le personnage principal de Nous étions nés pour être heureux, je peux dire aujourd’hui que je suis fait de mes livres, qu’ils m’ont construit, qu’ils m’ont sauvé ». Il mit des mots sur ce qu’il lui était arrivé, il tenta de comprendre le désastre de cette enfance qui lui avait été volée. Mais s’en sortir eut un prix. Ses frères et sœurs, qui avaient pourtant subi les mêmes violences, se désolidarisèrent de lui et l’accusèrent d’être indirectement responsable de la mort de ses parents qui ne supportèrent pas de voir ainsi étalé ce qu’ils avaient tenté, toute leur vie durant, de dissimuler. Ils coupèrent les ponts lui reprochant notamment son égoïsme et d’avoir ainsi dévoilé la honte familiale qui aurait dû, selon eux, rester silencieuse. Même ses enfants n’eurent plus le droit de voir leurs cousins et grandirent dans la conscience de l’hostilité de leurs oncles et tantes.

Encre sympathique, Patrick Modiano (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Lundi, 18 Novembre 2019. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Encre sympathique, octobre 2019, 138 pages, 16 € . Ecrivain(s): Patrick Modiano Edition: Gallimard

 

« Si vous avez parfois des trous de mémoire, tous les détails de votre vie sont écrits quelque part à l’encre sympathique ».

 

Modiano, qui a fondé son œuvre sur la mémoire, ses béances et ses obsessions, est-il bien sérieux lorsqu’il fait dire à son narrateur : « Il avait employé le passé. Et, brusquement, j’ai éprouvé une grande lassitude à évoquer le passé et ses mystères » ?

À moins qu’il n’adresse un clin d’œil à ses lecteurs fidèles pour souligner l’originalité de cette Encre sympathique. Car s’y déploie crescendo une légèreté qui ronronne d’abord dans les rues d’un Paris aux trottoirs presque usés par les pas de tous ses héros précédents, jusqu’à la surprise finale, à Rome. Car si Rome est la ville éternelle que Paris n’est pas, c’est qu’elle constitue un décor dans lequel passé et présent se confondent, comme dans l’esprit du narrateur : « Le présent et le passé se mêlent l’un à l’autre dans une sorte de transparence, et chaque instant que j’ai vécu dans ma jeunesse m’apparaît, détaché de tout, dans un présent éternel ».

Huysmans, Romans et nouvelles en la Pléiade (1) - Marthe, histoire d’une fille, Joris-Karl Huysmans (par Yann Suty)

Ecrit par Yann Suty , le Vendredi, 15 Novembre 2019. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La Pléiade Gallimard

Marthe, histoire d’une fille, septembre 2019, 1856 pages, 66 € jusqu’au 31 mars 2020 . Ecrivain(s): Joris-Karl Huysmans Edition: La Pléiade Gallimard

 

Toute œuvre littéraire commence par… un premier livre publié. Certains écrivains peuvent faire des débuts tonitruants alors que, pour d’autres, un premier livre n’est qu’un coup d’essai, mais qui peut aussi poser les fondations de l’œuvre à venir. Aujourd’hui, Joris-Karl Huysmans fait son entrée dans la prestigieuse Collection de la Pléiade. Cette édition permet d’apprécier la trajectoire de l’auteur. Son premier roman, Marthe, histoire d’une fille, date de 1876. Huysmans est alors âgé de 28 ans. En postface, il précise qu’il a terminé son ouvrage précisément à ce moment-là, soit juste avant un roman de Goncourt consacré également à la prostitution. Qu’on ne l’accuse donc pas d’avoir copié !

Marthe est un court roman, quasiment une novella, menée à un rythme assez soutenu, où l’auteur enchaîne les séquences. Comme son titre l’indique, c’est l’histoire d’une fille. L’histoire ou plutôt à son chemin de croix, car rien ne va bien se passer pour Marthe. Quand s’ouvre le roman, elle vit ce que l’on pourra considérer, rétrospectivement, comme un moment de plénitude. Elle travaille alors dans un cabaret, le théâtre de Bobino, en tant que chanteuse. Les spectateurs raffolent de son numéro, car sa beauté les subjugue.

Un père sans enfant, Denis Rossano (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Vendredi, 15 Novembre 2019. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Allary Editions

Un père sans enfant, Denis Rossano, août 2019, 368 pages, 20,90 € Edition: Allary Editions

 

Un père sans enfant – Derrière cet oxymore se cache la biographie romancée de Douglas Sirk. Ce dernier, de son nom de naissance Hans Detlef Sierck, est né en 1897 à Hambourg. Après avoir passé son enfance au Danemark, d’où sa famille est originaire, Sierck va entreprendre des études artistiques en Allemagne puis y devenir metteur en scène de théâtre et de cinéma, avant de rejoindre les USA où il sera connu comme réalisateur de mélodrames et de thrillers sous le nom de Douglas Sirk. Il s’éteindra à Lugano, en Suisse, en janvier 1987.

Pour les besoins de son roman, Rossano invente le personnage de Denis étudiant en cinéma. Ce dernier dont la mère est allemande éprouve une grande fascination pour l’œuvre mélodramatique de D. Sirk. Sur les conseils de son professeur, il lit le livre de Jon Hallyday, Sirk on Sirk, et décide de faire son mémoire de maîtrise sur le cinéma germanique populaire sous le IIIe Reich. Il va se rendre à Lugano au cours des années 1981 à 1987 pour rencontrer Sirk et tâcher d’en apprendre plus sur cette image du cinéma mondial, et tenter de cerner le personnage, son entourage et ses ambiguïtés.