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Commencer dans le noir, Christine Sitchet (par Théo Ananissoh)

Ecrit par Theo Ananissoh 04.02.20 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman

Commencer dans le noir, Christine Sitchet, Éditions Teham, 248 pages, 15 euros, septembre 2019

Commencer dans le noir, Christine Sitchet (par Théo Ananissoh)

 

C’est un roman qui rappelle Paris est une fête d’Ernest Hemingway. En sens inverse, de l’autre côté de l’Océan. New York. Manhattan. Harlem. Comme Hemingway, Alexandra, le personnage de Commencer dans le noir, a à peine plus de vingt ans et est journaliste. Mais arrêtons ici le parallèle afin de ne pas rater la qualité et l’originalité de ce premier roman.

« "Me voici à New York !" Je me répète cette phrase. Comme pour me rassurer et faire taire un doute. Non, je ne vais pas me réveiller à Paris. Non, ce n’est pas un rêve. Ou plutôt si : sa concrétisation. Insoutenable ébriété… »

Alexandra y arrive en janvier 2001 – année dont le mois de septembre restera mémorable à tout jamais. En attendant, avec une joie de l’esprit communicative et à travers une écriture agréablement juste, elle invite le lecteur dans sa découverte d’une ville rêvée et au partage d’une passion qui est totale.

Alexandra aime la musique. Particulièrement le jazz – « musique reçue tel un coup de foudre à l’adolescence. »

« Il est un peu plus de huit du soir. Un voisin joue du piano. Je reconnais Gettin’ There de l’inoubliable Bud Powell. Auquel, en cet instant, je me sens reliée par mon amour irrépressible du jazz. Et par Harlem, dont il était natif. La suite de la soirée ? La nuit, on dort les yeux fermés, éclairés par la lumière de nos rêves. »

Quitter Paris pour New York, c’est élire domicile dans le berceau de cette musique. Vivre tout près de ces clubs de Manhattan dont « les noms ont fait le tour de la Terre », où ont vécu et joué des gens fabuleux. Commencer dans le noir – « sans chercher à maîtriser l’itinéraire d’apprentissage » – est donc le roman d’un amour, d’une passion. Et quand il arrive à Alexandra de faire un rêve où elle se voit ailleurs qu’à New York, cela lui fait l’effet d’un cauchemar.

Mais même au paradis, il y a quelquefois de petits tracas : chercher un logement à louer, faire réparer une baignoire par des artisans négligents, monter six étages à pied, l’ascenseur étant en panne… Rentrer à la maison à une heure tardive – écouter du jazz dans un club mythique fait oublier le temps – et piquer un sprint d’effroi parce que suivie par un inconnu dans la nuit… Découvrir des vies affectées par le racisme… Constater que sa propre couleur de peau n’est guère adaptée pour ainsi dire au quartier où l’on désire vivre… Mais un « amour irrépressible » est suprême ! Ces soucis ou déconvenues ne peuvent contrer, pas même distraire du bonheur d’être là, en ce lieu du monde dont on a toujours rêvé ; d’écouter et de voir jouer du jazz ici. Les deux personnages principaux du roman en quelque sorte sont Alexandra et New York qui est donc bien une fête. New York à travers des hommes et des femmes qu’Alexandra rencontre et qui sont sans cesse originaux, qui ont des noms et des convictions excentriques – des noctambules férus de musique ; Central Park et les gratte-ciel ; les clubs de Manhattan où elle prend ses habitudes, « les avenues, quartiers, lignes de métro et recoins de la ville célébrés par le jazz » …

Christine Sitchet réussit un récit étonnamment vrai, à la sensibilité épurée (le chapitre d’un échange téléphonique entre la narratrice et son père est d’une grande beauté), qui emporte le lecteur jusqu’à la veille du 11 septembre. Une terrible fausse note si l’on ose ; juste avant le point d’orgue d’un séjour heureux.

 

Théo Ananissoh

 

VL 2,5

NB : Vous verrez souvent apparaître une cotation de Valeur Littéraire des livres critiqués. Il ne s’agit en aucun cas d’une notation de qualité ou d’intérêt du livre mais de l’évaluation de sa position au regard de l’histoire de la littérature.

Cette cotation est attribuée par le rédacteur / la rédactrice de la critique ou par le comité de rédaction.

Notre cotation :

VL1 : faible Valeur Littéraire

VL2 : modeste VL

VL3 : assez haute VL

VL4 : haute VL

VL5 : très haute VL

VL6 : Classiques éternels (anciens ou actuels)

 

 

Christine Sitchet est franco-britannique et diplômée de sociologie. Journaliste et critique littéraire, elle vit à New York. Commencer dans le noir est son premier roman.

 

  • Vu : 1993

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A propos du rédacteur

Theo Ananissoh

 

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Domaines de prédilection : Afrique, romans anglophones (de la diaspora).
Genre : Romans
Maisons d'édition les plus fréquentes : Groupe Gallimard, Elyzad (Tunisie), éd. Sabine Wespieser

Théo Ananissoh est un écrivain togolais, né en Centrafrique en 1962, où il a vécu jusqu'à l'âge de 12 ans.

Il a suivi des études de lettres modernes et de littérature comparée à l’université de Paris 3 – Sorbonne nouvelle. Il a enseigné en France et en Allemagne. Il vit en Allemagne depuis 1994 et a publié trois romans chez Gallimard dans la collection Continents noirs.

Il a aussi écrit un récit à l'occasion d'une résidence d'écriture en Tunisie, publié dans un ouvrage collectif : "1 moins un", in Vingt ans pour plus tard, Tunis, Ed. Elyzad, 2009.

 

Lisahoé, roman, 2005 (ISBN 978-2070771646)

Un reptile par habitant, roman, 2007 (ISBN 978-2070782949)

Ténèbres à midi, roman, 2010 (ISBN 978-2070127757)

L'invitation, roman, Éditions Elyzad, Tunis 2013

1 moins un, récit, (dans Vingt ans pour plus tard), 2009