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Roman

Héros et Tombes, Ernesto Sábato (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 22 Avril 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Amérique Latine, Points

Héros et Tombes (Heroes y Tumbas, 1961), Ernesto Sábato, Points Coll. Signatures, 2009, 529 pages, 10,70 € Edition: Points

 

Ce roman est un roman d’amour.

Ce roman est une descente aux Enfers.

Ce roman est un roman dans un roman dans un roman …

C’est un serpent constricteur qui étreint les deux personnages liés par un pacte létal : Martin par un amour maudit et une jalousie morbide, Alejándra par une cruauté invincible autant qu’involontaire. L’involontaire disait Lacan n’empêche pas l’intentionnel et les intentions de cette femme sont celles rien moins que du Diable : faire le Mal, avec soin, art, une forme de délectation, mais le Malin le fait toujours en toute innocence. Son amoralité est quasi parfaite – même les rares traces de compassion que ce pauvre fou de Martin lui fait éprouver deviennent des instruments de torture dans son âme égarée.

Au pays des poules aux œufs d’or, Eugène Savitzkaya (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Jeudi, 16 Avril 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Les éditions de Minuit

Au pays des poules aux œufs d’or, Eugène Savitzkaya, février 2020, 192 pages, 17 € Edition: Les éditions de Minuit

 

Plus qu’un roman, cet ouvrage peut être qualifié de long (et admirable) poème en prose. Le narrateur le dit aussi « conte » ou « fable » à plusieurs reprises, et il en possède en effet de nombreux aspects.

Sous ces diverses caractéristiques, il est tout aussi indéniable qu’on nous invite dès les premières lignes à une grande aventure, puisque nous assistons à la naissance (ou à la renaissance) d’une terre. Terre qui semble singulièrement proche de la nôtre, mais qui s’en distingue aussi par des traits très nets : comment admettre qu’une renarde et un héron soient devenus un couple, par exemple, et qu’ils aient le don de la parole, de surcroît ?

Nous l’avons dit, c’est une aventure : au sein du monde dont on nous parle, la temporalité est visiblement une donnée mineure. Seul compte le portrait d’une forme d’existence dans ce qu’elle a de plus léger et de plus innocent, de plus pourri et de plus envenimé. Qui dit aventure dit aussi quête et objectif : luisant comme un Saint-Graal indistinct, il nous faudrait enfin toucher ce « pays inaccessible » ; cependant, « aucune route ne menait au pays des poules aux œufs d’or » (p.26).

Ret Samadhi, Au-delà de la frontière, Geetanjali Shree (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Jeudi, 16 Avril 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Asie

Ret Samadhi, Au-delà de la frontière, Geetanjali Shree, Editions Des femmes mars 2020, trad. Hindi, Annie Montaut, 372 pages, 25 €

 

Geetanjali Shree : l’aventure humaine

Au moment où la voûte du vent emporte des vaines, de vulnérables vagues, à la voile du vide, et que vocifèrent les tempes, les héroïnes du roman de Geetanjali Shree vont sans vacarme. Invisibles ou presque, elles se moquent des vétilles à verrouiller dans une vie qui avance contre tempêtes et marées.

L’auteure répond à cet aujourd’hui où s’affole la peur. Stefan Zweig l’a bien mis en évidence dans Vingt-quatre heures de la vie d’une femme : « La plupart des gens n’ont qu’une imagination émoussée. Ce qui ne les touche pas directement, en leur enfonçant comme un coin aigu en plein cerveau, n’arrive guère à les émouvoir ; mais, si devant leurs yeux, à portée immédiate de leur sensibilité, se produit quelque chose, même de peu d’importance, aussitôt en eux bouillonne une passion démesurée. Alors ils compensent, dans une certaine mesure, leur indifférence coutumière par une véhémence déplacée et exagérée ».

La faute, Daniel Monnat (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Jeudi, 09 Avril 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Slatkine

La faute, Daniel Monnat, février 2020, 315 pages, 23 € Edition: Slatkine

 

 

La culpabilité est un sentiment humain décisif dans l’adoption d’une conduite, dans l’élaboration des choix de vie personnels, surtout en de dramatiques circonstances. Michel Suter est un bon citoyen helvétique, originaire de La Chaux-de-Fonds, petite bourgade campagnarde de la Suisse romande, mais qui a décidé de conquérir la ville de Genève, où il effectue des études de médecine. Il a pour objectif de s’établir, d’épouser Oriane, issue d’une famille bourgeoise genevoise. Ce projet a pour but de lui constituer un solide carnet d’adresses dans l’Establishment genevois, et d’accéder à un statut social enviable. Lors de ses sorties dans les auberges et cafés de la cité de Calvin, il rencontre Daniel et Judith Tauchner, des réfugiés ayant fui l’Allemagne nazie voisine. Daniel Tauchner est marchand d’art à Munich, cité qui joua lors de la République de Weimar un rôle culturel significatif.

Connaissance de l’enfer, Antonio Lobo Antunes (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 08 Avril 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue portugaise, Points

Connaissance de l’enfer (Conhecimento do inferno, 1980), trad. portugais, Michelle Giudicelli, 372 pages, 7,10 € . Ecrivain(s): Antonio Lobo Antunes Edition: Points

 

Connaissance de l’enfer est le troisième roman d’une trilogie que Lobo Antunes consacre aux souffrances et horreurs qu’il a vécues pendant vingt-sept mois dans la terrible guerre coloniale qui a ensanglanté l’Angola sous la dictature de Salazar. Les deux premiers – Mémoire d’éléphant et Le cul de Judas – parus coup sur coup en 1979 – se situaient en Angola. Ce troisième volet est celui du retour au Portugal, vers l’hôpital Miguel-Bombarda dans lequel le narrateur Lobo Antunes exerce les fonctions de psychiatre. Antonio Lobo Antunes exerça – jusqu’en 1985 – la profession de psychiatre à l’hôpital Miguel-Bombarda de Lisbonne, celui-là même où se déroule l’essentiel de ce roman.

Le chemin du narrateur n’est pas vraiment une descente en enfer. C’est plutôt la route qui mène d’un enfer à l’autre. Après la guerre – coloniale et atroce – à laquelle il a dû participer, horrible carnage pour « sauver » les bouts de l’empire portugais en décomposition, il rentre au Portugal pour rejoindre l’hôpital psychiatrique où il doit exercer – il est médecin. Cauchemar plus affreux encore.