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Roman

Labyrinthe, Burhan Sönmez (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 22 Juin 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Gallimard

Labyrinthe, mars 2020, trad. turc, Julien Lapeyre de Cabanes, 218 pages, 20 € . Ecrivain(s): Burhan Sönmez Edition: Gallimard

 

Né en 1965, Burhan Sönmez est une des plumes les plus importantes et les plus singulières de la littérature turque contemporaine. Ses deux premiers romans sont pour le moment (honte à nous) inédits en français. Le troisième avait été traduit en 2018, son titre Maudit soit l’espoir constituant une « belle infidèle » (en turc, le roman s’intitulait simplement Istanbul Istanbul).

Le titre de ce quatrième roman, Labirent, a été traduit fidèlement. Le labyrinthe en question est, d’une part, celui des rues d’Istanbul, mégapole à cheval sur deux continents, où l’on peut déambuler à l’infini, de jour comme de nuit. Ce n’est pas la vision sinistre de l’Istanbul souterrain et carcéral, décrit dans Maudit soit l’espoir, mais une ville chaleureuse, où l’on s’amuse, consomme de l’alcool et où de belles jeunes femmes laissent librement flotter leurs cheveux aux terrasses des cafés. Comme dans le roman précédent, Istanbul, avec ses foules, ses vendeurs ambulants, ses vapur, ses mouettes, est quasiment un personnage à part entière. D’autre part, le labyrinthe est une métaphore de la mémoire et de l’oubli.

Conservez comme vous aimez, Martine Roffinella (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 22 Juin 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Conservez comme vous aimez, Martine Roffinella, Ed. François Bourin, février 2020, 120 pages, 16 €

Martine Roffinella : vie mode d’emploi

Pour recenser les lueurs claires et sombres de l’existence dans le monde tel qu’il est, Martine Roffinella les met en récit. Ici à travers son héroïne, Sibylle, qui fut une reine du marketing avant d’être supplantée par une louve aux dents aussi impeccables que blanches.

Cet esprit de résistance est chevillé à sa Sibylle jusqu’à son acte de malveillance que le lecteur découvrira, et ce, jusqu’à ce que la perspective de la mort devienne sympathique. Si bien que la créatrice cultive par la fiction ses obsessions et ses errances jusqu’à les pousser où elle ne se permettrait pas d’aller. Placardisée, atteinte de tics et de tocs elle va commettre l’irréparable.

L’approche est singulière – quoique chargée de termes anglais qui – quoique pour faire vrai – finissent par fatiguer. Mais c’est une manière de réinventer et de recharger le réel de la société de manière burlesque et avec démesure. Et ce, pour atteindre le crucial qui permet de décortiquer les rapports de soumission/domination qui régissent la quasi-totalité des actes d’une communauté humaine des plus improbables.

Bonhomme de neige Bonhomme de neige, Janet Frame (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 19 Juin 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Océanie, Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

Bonhomme de neige Bonhomme de neige, Janet Frame, juin 2020, trad. anglais (Nouvelle-Zélande) Keren Chiaroni, Élisabeth Letertre, 128 pages, 15 € Edition: Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

 

De feu, de neige et de mort

Janet Frame (1924-2004) est une auteure néo-zélandaise reconnue du grand public grâce au film Un ange à ma table de Jane Campion, laquelle retrace avec justesse et sensibilité le destin de cette grande poétesse. Bonhomme de neige Bonhomme de neige commence à la manière d’une genèse. Et de ce monde des origines naît une créature improbable, éphémère, une créature de neige. Un peu comme le Golem ou l’épouvantail de paille du Magicien d’Oz ou encore le Daruma de neige, figure du bouddhisme, et bien sûr, le symbole de l’hiver et des fêtes de Noël.

Un bonhomme de neige ressemble à un autre bonhomme de neige, d’où peut-être la double appellation du titre, pour nommer le bonhomme de glace sculpté dans un jardin, au départ rudimentairement sans organes et pourtant animé du souffle de vie. Une figure métaphore d’une autre figure.

Maigret et le corps sans tête dans Tout Maigret, volume 6, Georges Simenon (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Mercredi, 17 Juin 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Editions Omnibus

Maigret et le corps sans tête dans Tout Maigret, volume 6, Georges Simenon, 1242 pages, 28 € Edition: Editions Omnibus

 

« C’était la première fois qu’il restait seul dans un petit café

comme s’il en était le propriétaire

et l’idée l’amusa tellement

qu’il se glissa derrière le comptoir ».

 

Routine, pour Maigret, que cette affaire si le cadavre mutilé retrouvé dans la Seine avait été celui d’une femme et si le commissaire, à la recherche d’une cabine pour téléphoner, n’était pas entré par hasard dans le café du couple Calas. Le voici désormais irrésistiblement attiré par un délicieux petit blanc et l’intrigante tenancière. Un monde, pourtant, sépare ce café presque provincial, Quai de Valmy, de la Brasserie Dauphine, cantine attitrée du 36 Quai des Orfèvres.

Un mal qui répand la terreur, Stewart O’Nan (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 16 Juin 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, L'Olivier (Seuil)

Un mal qui répand la terreur (A Prayer for the Dying, 1999), Stewart O’Nan, trad. américain, Jean-François Ménard, 256 pages, 11 € Edition: L'Olivier (Seuil)

 

La petite ville s’appelle Friendship, quelque part dans le Wisconsin. Avec un nom pareil, des habitants travailleurs, tranquilles et pieux, des familles unies et de l’amitié (bien sûr) qui lie les gens entre eux, on ne peut qu’attendre une chronique populaire, rurale, heureuse. Mais le mal veille.

Pour Jacob Hansen il prend les traits d’un cadavre de soldat mort trouvé dans les bois. Jacob est… un peu tout. Shérif, pasteur, croquemort. Il est la figure centrale de Friendship : il veille aux hommes, il veille aux âmes, il veille aux morts. Avec Doc, le médecin local, il constitue le toit de la bourgade, sa seule protection, le regard attentif qui rassure et secourt.

Nous sommes dans les années immédiates de l’après-guerre civile, le mal est encore dans les têtes et les cœurs. Ce soldat mort, sorti de nulle part, ressemble étrangement aux fantômes qui errent dans les cauchemars des gens, dans leurs souvenirs récents, dans les blessures de leur esprit et de leur corps. Il est la figure d’un mal enfoui à jamais. Il est aussi le porteur d’un mal qui va répandre la terreur.