Identification

Roman

Carnets du Barroso, Serge Prioul (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 26 Mai 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Carnets du Barroso, Serge Prioul, éditions Vagamundo, coll. Liber, 2014, 64 pages, 21 €

 

Entre Bretagne et Lusitanie

Ce serait tentant de pasticher le grand Jules : « Il vous naît un ami, et voilà qu’il vous cherche… ». Il est vrai que cette machine – tout de même – souvent décriée offre de belles rencontres, et que le virtuel ma foi a bien d’autres acceptions…

Voilà un poète, né comme moi en 55, autant dire, « y a deux siècles », tant le confinement nous renvoie à d’autres usages ; voilà un poète chèvre donc, qui s’amuse des pierres et les taille pour en faire des murets, des murettes ; voilà un poète qui cisèle des poèmes vrais.

La vraie vie coule dans ces textes nés d’une ferveur : il en va de ces écrivains qui, par le biais de leurs textes, proses ou poèmes, respirent, transpirent la vraie vie, tant la charge du vrai pèse sur leurs frêles épaules. Mais le poète, ici, a la paysanne force de ceux qui ont œuvré, les épaules larges du soutènement.

La Maison de papier, Françoise Mallet-Joris (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Lundi, 25 Mai 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Grasset

La Maison de papier, Françoise Mallet-Joris, 276 pages, 19 € Edition: Grasset

 

« La maison est en carton », écrit Françoise Mallet-Joris. « Tout s’y brise, s’y empoussière, y disparaît, sauf le plus éphémère. Il n’y a pas d’ordre, pas d’heure, pas de menus […] ». Hommes et bêtes entrent et sortent, invités ou non ; ils restent un peu, beaucoup, pas tout. Cette maison, c’est la sienne, où elle vit avec son époux, le peintre Jacques Delfau, ses quatre enfants, une femme de ménage – Dolorès le plus souvent – et l’une ou l’autre bestiole plus ou moins bienvenue.

C’est une maison où règnent, en sus du désordre, la joie et l’insouciance, et c’est le premier agrément de ce récit que cette atmosphère allègre et bohème que l’auteure y installe. Ce logis fait un peu figure de paradis perdu et instille une nostalgie douce ou amère, selon que l’on a ou non connu un foyer si chaleureux, si gai. On s’y sent comme invité, convié à une sorte de festin sans façon où il manquera sans doute des couverts ou des assiettes – mais rien d’essentiel. Car la maison de papier n’est pas close, elle ne serre pas jalousement son bonheur, bardée d’œillères : elle a le sens de l’accueil, elle est ouverte aux autres et au monde, aux peines de ceux qui sont en butte à l’adversité, aux problèmes de la société française des années 1970.

À bout, Nathalie de Courson (par Catherine Blanche)

Ecrit par Catherine Blanche , le Lundi, 25 Mai 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres

À bout, Nathalie de Courson, Editions Isabelle Sauvage, octobre 2019, 128 pages, 19 €

 

Voici un roman qui tient beaucoup de la prose poétique avec du mordant, du répondant. Qui fait rire. Qui bouleverse.

Il résonne en nous comme un écho à deux facettes. Familier et lointain. Douloureux et salutaire. Qui passe, passe encore et repasse. Revient sans cesse.

Une histoire de famille.

Avec les souterrains qui vont avec. Les choses tues de longue date ou lâchées trop vivement ; les plaies vives qui en résultent.

Devenu veuf depuis peu, le vieil About perd la tête ; son esprit en déroute vacille, déraille, disjoncte. Sa logique échappe.

Ses enfants font bloc autour de lui, se relayent, tentent de l’aider.

Sous l’empire des oiseaux, Carl Watson (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 22 Mai 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA

Sous l’empire des oiseaux, Carl Watson, Editions Vagabonde, 2006, trad. anglais (USA), Thierry Marignac, 174 pages, 18 €

 

« A Harlem, on buvait autrefois un breuvage baptisé Haut-et-Bas, ou Moitié-Moitié. C’était un verre de gin pur, additionné de vin rouge bas de gamme. Watson, à son meilleur, est une variante de ce cocktail : du gin tord-boyaux mêlé non pas de piquette mais de Haut-Brion » (Nick Tosches).

« J’ai servi à bouffer et fait la toilette des morts. J’ai porté un costume, fait la cueillette des pommes, planté des clous dans les rails et bavassé avec des poivrots. Tout ça pour le blé » (Active la machine).

Carl Watson écrit au scalpel, à l’arme blanche, ce qu’il a vécu à Chicago. Ses personnages boivent beaucoup, vivent dans des hôtels qui menacent de s’effondrer, dans des chambres que les bonnes ont désertées depuis des années. Ils passent leurs nuits et leurs jours dans des bars enfumés où volent les verres, les insultes et les menaces, et traversent des rues de quartiers où l’on perd facilement sa vie et ses illusions. Carl Watson sait de quoi il parle et sur quoi il écrit.

Le Maître du Haut Château, Philip K. Dick (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 20 Mai 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Le Livre de Poche

Le Maître du Haut Château (The Man in The High Castle, 1962), trad. américain, Michelle Charrier, 380 pages, 7,90 € . Ecrivain(s): Philip K. Dick Edition: Le Livre de Poche

 

La pire erreur que l’on pourrait commettre à propos de Philip K. Dick serait de le confiner dans l’espace exclusif de la Science-Fiction – avec la condescendance qui accompagne trop souvent ce confinement. Dick est un grand écrivain et son champ est la SF ou la dystopie ou l’uchronie. Il est, avec JG. Ballard, Clifford Simak, Ray Bradbury et Isaac Asimov, l’un de ceux qui ont érigé un genre considéré auparavant comme mineur en partie intégrante de la grande littérature. Le souffle narratif, l’universalité de la vision, la puissance de l’imagination mettent Philip K. Dick dans la troupe (nombreuse) des plus grands écrivains américains du XXème siècle. Et Le Maître du Haut Château, l’un de ses chefs-d’œuvre majeurs.

Le Maître du Haut Château, écrit en 1962, est une uchronie post deuxième guerre mondiale, qui court de 1948 à vingt plus tard. Les Alliés ont perdu la Guerre, Le Reich allemand et le Japon impérial ont triomphé et se sont partagé le monde. Une ligne de démarcation sépare les ex-USA en trois blocs, l’un dominé par les japonais à l’Ouest, l’autre par les nazis à l’Est et, entre les deux, une zone « neutre ».