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Suite en do mineur, Jean Mattern (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret 17.03.21 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Sabine Wespieser

Suite en do mineur, Jean Mattern, mars 2021, 161 pages, 17 €

Edition: Sabine Wespieser

Suite en do mineur, Jean Mattern (par Stéphane Bret)

 

Comment faire face à la douleur d’une rupture, comment amortir le choc d’une perte ? C’est à ce questionnement qu’est consacré le roman de Jean Mattern, Suite en do mineur.

Robert Stobetzky est un homme d’âge mur, qui participe à un voyage organisé en Israël, par l’entremise de son neveu Emile qui l’a poussé à l’accomplissement de ce déplacement. Prisant très moyennement les circuits organisés, Robert, juif non pratiquant, dont les parents originaires d’un shtetl ukrainien ont miraculeusement échappé à la déportation en se cachant dans la campagne française, s’isole rapidement du groupe. Il arpente la Via Dolorosa dans la vieille ville de Jérusalem et croit y reconnaître Madeleine, une femme qui l’a aimé et déniaisé il y a trente ans à Paris en 1969.

Cette vision d’un autre temps devient alors le prétexte pour démêler les fils de la mémoire, ses mécanismes, ses lois parfois. Ainsi, le narrateur revisite-t-il la notion de deuil et parvient à la circonscrire et la définir :

« Je ne me serai pas senti, ce soir-là en l’attendant, plus orphelin que jamais. Mes ces vagues de tristesse qui nous frappent dans les moments les moins appropriés, c’est peut-être cela, le deuil ».

Le narrateur est bouleversé par le souvenir de cette femme, bien évidemment, mais Jean Mattern expose aussi des interrogations très pertinentes : sur le souvenir, la nostalgie, la trace que laisse, ou ne laisse pas, une personne dans l’existence de ceux qu’elle rencontre.

Madeleine, cette femme qui l’aimé et emmené voir Hair, au théâtre de la Porte Saint-Martin, est-elle toujours la même trente ans plus tard ? Là encore, l’auteur du récit fait appel à la mécanique de conservation du souvenir, des sensations, des empreintes affectives :

« L’image que j’ai gardée de Madeleine se confond avec le profil aperçu à quelques mètres d’ici. C’est elle, et le seul doute que je veux bien admettre est de savoir si au bout de trente ans on est encore la même personne ».

Un autre sentiment est passé au scanner par Jean Mattern : la nostalgie. Cette dernière est souvent convoquée pour décrire les années soixante, période d’émancipation et de liberté. Pourtant, en se remémorant les paroles de cette comédie musicale Hair, le narrateur fait un constat qui infirme l’attrait de la nostalgie :

« Mais en écoutant Johann chanter cet air tiré de Hair, je me rendis compte que l’excitation de l’époque Peace and Love renfermait autant de drames que d’amour et de paix ».

Ce roman renferme également un autre décryptage : celui du pouvoir de la musique sur les êtres humains. Le narrateur, Robert, lorsqu’il déménage à Bar-sur-Aube pour y fonder une librairie, se lie avec un professeur de musique qui l’initie au violoncelle. C’est cette rencontre avec l’univers musical, son ambivalence, sa richesse, qui aident Robert Stobetzky à surmonter, définitivement, la douleur du souvenir, l’acceptation de son parcours de vie :

« La musique, quand elle sonne juste, déplore et console en même temps, elle chante la beauté du monde et se lamente de notre solitude irréductible. L’humanité a besoin de musique, car elle seule peut faire danser notre âme ».

Une activité essentielle pour l’humain, en quelque sorte…

 

Stéphane Bret

 

Jean Mattern, né en 1965 dans une famille originaire d’Europe centrale, vit et travaille dans l’édition. Il a publié six romans aux éditions Sabine Wespieser, le dernier en date étant Une vue exceptionnelle (2019).

  • Vu : 1883

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A propos du rédacteur

Stéphane Bret

 

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63 ans, réside actuellement à Boulogne-Billancourt, et s’intéresse de longue date à beaucoup  de domaines de la vie culturelle, dont bien sûr la littérature.

Auteurs favoris : Virginia Woolf, Thomas Mann, Joseph Conrad, William Faulkner, Aragon, Drieu La Rochelle, et bien d’autres impossibles à mentionner intégralement.

Centres d’intérêt : Littérature, cinéma, théâtre, expositions (peintures, photographies), voyages.

Orientations : la réhabilitation du rôle du savoir comme vecteur d’émancipation, de la culture vraiment générale pour l’exercice du libre arbitre, la perpétuation de l’esprit critique comme source de liberté authentique."

 

REFERENCES EDITORIALES :

Quatre livres publiés :

POUR DES MILLIONS DE VOIX -EDITIONS MON PETIT EDITEUR 
LE VIADUC DE LA VIOLENCE -EDITIONS EDILIVRE A PARIS
AMERE MATURITE -EDITIONS DEDICACES 
L'EMBELLIE - EDITIONS EDILIVRE A PARIS