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Les Livres

Chez Paradis, Sébastien Gendron (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Jeudi, 05 Mai 2022. , dans Les Livres, Recensions, Polars, La Une Livres, Série Noire (Gallimard)

Chez Paradis, Sébastien Gendron, mars 2022, 366 pages, 19 € Edition: Série Noire (Gallimard)

 

Gendron se fait du cinéma. Ça commence par un pré-générique, la caméra filme un casse. On imagine : nous sommes le 17 juin 1988 dans l’avenue Gustave-Eiffel de la zone Panhard, un fourgon transporteur de fonds sort du parking du casino de Vendouvre (inutile de chercher ce bled dans le dictionnaire, ça n’existe pas, c’est un film décrit dans un roman). Il y a deux hommes dans la cabine avant et un dans le sas arrière, Maxime Dodman, avec dix-huit sacs de billets. Deux voitures doublent la camionnette, lui barrent le chemin et des individus donnent l’assaut en lançant des grenades. Dodman fait feu et neutralise les attaquants mais il y a une grosse bavure, un adolescent qui passait par là avec son cyclomoteur, Thomas Bonyard, est touché à la tête.

Début du film : un village perdu, dans les Causses, peut-être, parce que ça n’est pas dans le dictionnaire Mont-Roquin-sur-Dizenne. À sa sortie, un garage, zoom sur le garage, un garage comme tous les garages de campagne avec sur le côté quelques bâtiments bon marché, un petit motel un peu délabré. Un plan sur l’enseigne qui ne fonctionne pas : « Chez Paradis ».

Carnets secrets, Archibald d’Handrax (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 04 Mai 2022. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Rivages poche

Carnets secrets, Archibald d’Handrax, Rivages Poche, janvier 2022, Préface Bernard Quiriny, 168 pages, 7 € Edition: Rivages poche

 

Dans le Portrait du baron d’Handrax, publié parallèlement, Bernard Quiriny a noté le goût de son excentrique ami pour les recueils d’aphorismes, dont il possédait une collection : « C’est un art difficile, le livre d’aphorismes. Il faut qu’ils soient bons ; mais en même temps, il faut que certains soient en fait assez plats, pour que les meilleurs prennent du relief par contraste. Alors, paradoxalement, vous aurez dans les mains un meilleur recueil que si tous avaient culminé, car aucun ne serait ressorti, et le livre aurait paru moins bon » (p.88).

L’aphorisme est, en effet, un genre littéraire paradoxal : d’une part, bien qu’il se caractérise par sa brièveté et donc sa rapidité d’exécution, il est – de même que la nouvelle – plus difficile à réussir qu’un texte nettement plus long. D’autre part, l’aphorisme n’acquiert sa pleine mesure, son plein rayonnement, qu’au milieu de ses semblables, parmi un recueil où la présence d’autres aphorismes mettra en valeur son génie propre ou, au contraire, sa platitude et ses allures de lieu commun fourbu.

Je t’écris de Bordeaux, Blessures et refleurissements, Giuseppe Conte (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 04 Mai 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Arfuyen

Je t’écris de Bordeaux, Blessures et refleurissements, Giuseppe Conte, Arfuyen, Coll. Neige, avril 2022, trad. italien, Christian Travaux, édition bilingue, 240 pages, 18,50 €

Quand l’auteur, depuis Bordeaux, Gênes, Dublin ou Nice, écrit ces textes, il a, à l’entrée de ce siècle, 55 à 57 ans : son corps, purement et simplement, « décline » – et quoi de plus logique, mais aussi de plus absurde, qu’un fleuriste qui se fane ?

 

« Mon corps toi qui déclines comme décline

l’Europe

toi qui perds de la valeur peu à peu

comme la production

d’acier et de charbon

par rapport à l’électronique

La déchéance d’un homme, Osamu Dazai (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 03 Mai 2022. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard, Japon

La déchéance d’un homme (1948), Dazai Osamu, Ed. Gallimard/Unesco, 1990, trad. japonais, Georges Renondeau, 159 pages, 10,50 €

 

Le malaise permanent qui sourd de cette lecture est propre à la littérature quand elle touche aux fondements du monde des hommes. Le héros ne ressemble à personne, ou presque, frôlant de près l’exclusion du genre humain. Il fonde son être sur une dissociation radicale de son désespoir intérieur et de sa jubilation extérieure, qui fait de lui, selon ses propres mots, « un bouffon désespéré ». Il est drôle, il amuse sa famille, ses amis, ses condisciples, et il nourrit un désespoir suicidaire permanent, quoi qu’il arrive d’événements heureux ou malheureux.

Quand on comprend que ce personnage est évidemment Osamu lui-même, on est saisi d’effroi tant la vie de cet auteur – condensée et déplacée dans ce roman – comporte de faits terribles et de désastres. On ne peut parler de ce roman sans s’imprégner de la biographie d’Osamu.

Obsédé dès l’âge de 18 ans par l’idée de suicide, il fait en 1930 une tentative par noyade sur le lac de Nakamura, en compagnie de sa jeune amoureuse. Il survit. Elle meurt.

Le Livre des préfaces, Gérard Klein (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 02 Mai 2022. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Le Livre de Poche, Anthologie

Le Livre des préfaces, Gérard Klein, octobre 2021, textes réunis par Ellen Herzfeld et Dominique Martel, 1240 pages, 21,90 € Edition: Le Livre de Poche

« La Science-Fiction est la meilleure gymnastique de l’esprit moderne. Pendant trois ans de sa vie, chacun d’entre nous devrait dévorer de la Science-Fiction au kilomètre. C’est comme le polar ou la bédé, ces récits façonnent aujourd’hui notre vision du monde. La SF ouvre les portes de l’imaginaire, joue avec la combinatoire des futurs possibles ou impossibles, fait travailler le cerveau droit, celui de l’intuition et du prophétisme, familiarise avec les grands déferlements et les grands changements ».

Ces mots de Gérard Klein sont extraits de la préface à Histoire de Science-Fiction, une anthologie promotionnelle proposée dans le magazine Actuel en 1984, et on ne saurait mieux dire – pour les trois genres proposés (auxquels pourrait être adjointe la Fantasy), puisqu’on a soi-même dévoré ces genres par instinct et par goût, et que l’on se replonge avec délectation dans un bain régulier de récits de science-fiction, parce que l’on sent bien que l’imaginaire en ressort revigoré – et qu’on en éprouve un plaisir qu’on laisse aux imbéciles le plaisir douteux de nommer « honteux ». De même qu’est assouplie la façon de penser, d’envisager le monde – et pas uniquement à cause du contenu de ces romans, mais aussi par leurs jeux formels et narratifs.