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Les Livres

Un balcon en forêt, Julien Gracq (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Mercredi, 30 Mars 2022. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Editions José Corti

Un balcon en forêt, 230 pages, 19 € . Ecrivain(s): Julien Gracq Edition: Editions José Corti

 

À se fier au titre, on imaginerait une maisonnette ou une grande cabane à l’orée d’un bois ; à toute heure du jour, les planches craquantes suspendues dans le vide seraient un point d’observation privilégié pour vacancier en mal d’aventure, citadin en quête de nature.

Mais n’est-ce pas un peu dans cet état d’esprit que l’aspirant Grange s’installe dans la maison forte des Hautes-Falizes ? De l’autre côté de la frontière belge vers laquelle court la Meuse, la rumeur de l’invasion allemande gronde mais en cet automne doux, qui pourrait croire à l’imminence de la guerre ?

Grange prend donc dans les Flandres ses quartiers – bientôt d’hiver – en même temps que ses habitudes et qu’une maîtresse. Ou c’est plutôt elle, Mona, qui le prend comme amant de même que les trois hommes sous ses ordres, le caporal Olivon, Gourcuff et Hervouët l’adoptent comme chef et le capitaine Varin comme oreille complaisante pour de sombres prédictions.

Liv Maria, Julia Kerninon (par Martine L. Petauton)

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mercredi, 30 Mars 2022. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

Liv Maria, mars 2022, 240 pages, 8,20 € . Ecrivain(s): Julia Kerninon Edition: Folio (Gallimard)

Portrait de femme ; une de plus dans le carquois de Julia Kerninon, son écriture lumineuse, ses récits portés hauts, battant à tous les vents, océans, territoires. Femme encore, à part, mais libre toujours, quel que soit le prix, et l’itinéraire.

Liv, qui signifie « vie » en norvégien, le pays de son père, et Maria, car au pays breton de sa mère, il fallait protéger de la noyade, par le nom de la madone, tout enfant qui naissait. Il était une fois, donc, dans une île, une petite fille… Abandonnée des siens, ou persécutée par l’ogre, comme dans les contes ? Surtout pas, « voulue, appelée à tue-tête » par son père, lecteur d’histoires, qui « lui apprendra à lire », et sa mère, Mado, une héroïne comme dans les livres, qui lui « apprendrait la dureté, le silence ». Une enfance iodée, avec un « corps pour la pêche, pour la nage ». Un jour, à 17 ans, il y eut « l’homme… Liv Maria avait voulu crier, mais sa voix était restée coincée dans sa gorge… ». Ses parents l’envoient à Berlin, par sécurité, dans la famille, pour ses études ; peu de temps après, un accident de voiture fauche ses deux parents ; « plus jamais sa mère, plus jamais son père, plus jamais la vie qu’elle avait avec eux ». Fin (mais on verra que la déclinaison du mot fin chez Liv est particulière) de la première époque.

Au cœur de l’intelligence, Colette Portelance (par Marjorie Rafécas-Poeydomenge)

Ecrit par Marjorie Rafécas-Poeydomenge , le Mercredi, 30 Mars 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, Essais, La Une CED

Au cœur de l’intelligence, Colette Portelance, Editions du CRAM, septembre 2021, 294 pages, 20 €


Le titre de ce livre pourrait laisser croire au lecteur qu’il va plonger en totale immersion au cœur de l’intelligence, et enfin en percer le secret… Mais ce titre est en réalité bien plus subtil : il célèbre, parmi les intelligences multiples chères au psychologue américain Howard Gardner, l’intelligence du cœur… « Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point » de Blaise Pascal résonne jusqu’à nos neurones. Oui, on l’ignore encore, mais le cœur a des neurones !

Le paradigme des trois cerveaux

Colette Portelance détaille dans cet ouvrage l’apport des neurosciences et de la physique quantique dans notre appréhension de l’intelligence. La physique quantique ébranle nos repères car elle s’intéresse aux relations invisibles entre les atomes et les particules, les champs électromagnétiques et énergétiques. Le terme « neurosciences » est apparu dans les années 1960 grâce aux travaux des Prix Nobel David Hubel et Torsten Wiesel et propose une vision plus globale du cerveau et du fonctionnement de l’être humain.

Le Nain, Pär Lagerqvist (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 29 Mars 2022. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays nordiques, Roman, Stock

Le Nain (Dvärgen, 1944), Pär Lagerqvist, trad. suédois, Marguerite Gay, 271 pages, 8,40 € . Ecrivain(s): Pär Lagerqvist Edition: Stock

 

Le Nain est un géant littéraire. Dans un monologue amer jusqu’à la haine nous entendons les vagues de la misère, de la solitude, de la blessure, de la révolte et de la violence dont les hommes sont porteurs. Certes le narrateur est un nain – « une race à part » dit-il – mais c’est évidemment du genre humain que Pär Lagerqvist nous parle. La cour d’un Prince italien de la Renaissance, épiée par le regard assassin du nain-narrateur, devient métaphore d’un monde des hommes où le Mal est à l’œuvre jusqu’au pire. Piccolino, le nain difforme, figure un antéchrist noir comme la nuit la plus noire, une sorte d’inversion parfaite de l’image christique : aucune charité, aucune empathie, pas une once de bonté. C’est un monstre du corps à l’âme.

Lagerqvist décline, tout au long du roman, l’accumulation d’aversions et de haines de Piccolino. Peu à peu, se dessine une figure qui se révèle être le parfait négatif de la figure du Christ et, par là-même, des vertus prônées par le christianisme. A la vérité, le mensonge, à l’amour, la haine, à la paix, la guerre, à la charité, le mépris. Le nain est une condensation des pires pulsions de l’humanité, un personnage porteur de l’ombre de Satan dont il assume pleinement être une créature.

Le Jour où les anges ont pleuré, L’histoire vraie du 11 Septembre, Mitchell Zuckoff (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 29 Mars 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, Essais, La Une CED, Flammarion

Le Jour où les anges ont pleuré, L’histoire vraie du 11 Septembre, Mitchell Zuckoff, Flammarion, août 2021, trad. anglais (USA) Thierry Piélat, Laurence Decréau (Marc Trévidic, Préface), 508 pages, 23,90 €

 

C’est un lieu commun de dire que chacun se rappelle l’endroit où il se trouvait et ce qu’il faisait lorsqu’il apprit les attentats du 11 septembre 2001. Même si cette année-là avait été depuis longtemps préemptée par la littérature et le cinéma de science-fiction, peu de dates se sont imprimées de manière aussi rapide et profonde dans la mémoire collective. On n’a d’ailleurs jamais su si elle avait été choisie au hasard ou pour des motifs connus de Mohammed Atta, le maître des opérations : 911 correspond au numéro d’appel d’urgence sur le territoire américain et le 11 septembre marque le début de la bataille de Vienne, en 1683. Contrairement aux Occidentaux, les islamistes ont la mémoire longue. Mohamed Merah a entrepris son équipée criminelle cinquante ans après les accords d’Évian. Comme le disait René Girard : « Il nous faut entrer dans une pensée du temps où la bataille de Poitiers et les croisades sont beaucoup plus proches de nous que la Révolution française et l’industrialisation du Second Empire » (Achever Clausewitz).