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Les Livres

Le Poids de la grâce, Joseph Roth (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 22 Mars 2022. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue allemande, Roman, Le Livre de Poche

Le Poids de la grâce (Hiob, Roman eines einfachen Mannes, Berlin, 1930), trad. allemand (Autriche) Paule Hofer-Bury, 253 pages, 6,10 € . Ecrivain(s): Joseph Roth Edition: Le Livre de Poche

 

Un étrange roman dans l’œuvre de Joseph Roth. Comme un conte du Shtetl sorti des villages reculés de Russie au début du XXème siècle. Tout y est, même une forme de « Il était une fois » inaugural : « Voici déjà bien des années que vivait à Zuchnow un homme qui avait pour nom Mendel Singer ». Et puis tous les éléments traditionnels du genre : une famille juive, très pauvre, très croyante, très malheureuse. D’autant plus que le petit dernier des quatre enfants, Ménouhim, est plus ou moins infirme : des petites jambes arquées, un cou gracile qui ne parvient pas à tenir sa tête droite et il est muet, à l’exception d’un mot qui sert à tout : « ma-ma ».

Roth fige le paysage alentour dans des images qui semblent tout droit sorties d’un recueil de clichés d’une Russie finissante, accentuant ainsi la couleur de vieux conte du shtetl :

Les Magiciennes et autres idylles, Théocrite (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 22 Mars 2022. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Poésie, Gallimard

Les Magiciennes et autres idylles, Théocrite, Gallimard, Coll. Poésie, trad. grec ancien, Pierre Vesperini, novembre 2021, 192 pages, 11,50 € Edition: Gallimard

 

De Théocrite, l’on sait peu de choses, à peine de quoi remplir une page, au fond. Par contre, de sa postérité, de l’influence qu’ont eue ses Idylles, depuis Virgile jusqu’à Leconte de Lisle, du sens qu’ont ces poèmes, de leur place exacte dans l’histoire de la littérature en tant qu’émergence écrite et non plus essentiellement orale, l’on trouvera aisément des volumes entiers de glose. L’on trouve aussi des traductions, intégrales ou partielles, de son œuvre. Il y a celle d’Émile Chambry, dans une belle prose (celle dont il s’est aussi servi pour Le Banquet de Platon, entre autres), il y a quelques vers traduits avec souplesse et élégance dans l’Anthologie de la poésie grecque aux Belles Lettres, il y a ceux, extrêmement vivaces, proposés par Emmanuèle Blanc dans l’Anthologie de la littérature grecque chez Folio, il y a ceux, un rien guindés, choisis par Yourcenar dans La Couronne et la Lyre. Ceci n’est qu’un relevé au fil de lectures diverses, non spécialisées. Désormais, il y a Les Magiciennes et autres idylles, présentées, éditées et traduites par Pierre Vesperini.

La plus secrète mémoire des hommes, Mohamed Mbougar Sarr (par Jean-Charles Vegliante)

Ecrit par Jean-Charles Vegliante , le Mardi, 22 Mars 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Philippe Rey

La plus secrète mémoire des hommes, Mohamed Mbougar Sarr, éditions Philippe Rey/Jimsaan, août 2021, Prix Goncourt 2021, 462 pages, 22 €

Souvent, beaucoup de jeunes de beaucoup de mondes différents recherchent l’œuvre originale, si possible ignorée de leurs parents, où ils trouveront les réponses susceptibles de les orienter dans la vie, d’orienter leur vie. Cette œuvre, diverse en fonction de leurs intérêts éthiques ou esthétiques propres, c’est potentiellement celle qu’ils rêveraient de réaliser eux-mêmes. En attendant, il est clair qu’elle n’existe pas – ou pas encore… – quête d’un Graal en somme. Telle est l’idée germinale du (gros) roman de Mohamed Mbougar Sarr, Prix Goncourt 2021. Naguère, d’aucuns fantasmaient sur un ultime Rimbaud resté inédit, entre Harrar et Sud-Yémen, peut-être conservé sous les sables. Plus près de nous, le roman inachevé de René Daumal, adoubé par François Mitterrand en personne, a brillamment tenu ce rôle. Fort à propos, Mbougar Sarr met en récit un livre mystérieux d’un auteur africain ayant cultivé le mystère, alias (semble-t-il) Y. Ouologuem, auquel est dédié son roman – présentement, le narrateur-auteur Diégane Faye. Son idéal, parfaitement réussi, étant de « simplement écrire un bon livre […], un livre comme Le Labyrinthe de l’inhumain », de l’auteur africain mystérieux en question, Elimane Madag (p.72).

Lux philologiæ, L’essor de la philologie au XVIIIe siècle, Corinne Bonnet, Jean-François Courouau, Éric Dieu (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 21 Mars 2022. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres

Lux philologiæ, L’essor de la philologie au XVIIIe siècle, Corinne Bonnet, Jean-François Courouau, Éric Dieu, éditions Droz (Genève), Coll. Bibliothèque des Lumières, juin 2021, 336 pages, 45 CHF

 

Ce que nous pouvons encore lire des littératures « anciennes » (peu importe la langue employée) est constitué par les épaves d’un immense naufrage. Seules sept tragédies d’Eschyle nous sont parvenues sur plus d’une centaine (pour Sophocle, le rapport est de huit sur cent vingt-trois). Pourquoi avons-nous conservé celles-là et pas les autres ? Étaient-elles plus mauvaises que les sept dont nous disposons encore et, dans l’affirmative, qui se serait permis d’en juger ? Nous n’en savons rien. La littérature hébraïque ancienne est en très grande partie perdue. Les écrits de controverse entre les différents courants du judaïsme antique (d’où allait s’émanciper ce qui deviendra le christianisme) n’ont pas été conservés, comme on s’en est rendu compte à la faveur de la découverte (exceptionnelle) des manuscrits de la mer Morte. Seuls des fragments ont survécu, incorporés à l’un ou à l’autre Talmud. Composa-t-on, en Terre sainte ou à Rome, des réfutations juives de l’épître aux Hébreux ou du onzième chapitre de l’épître aux Romains ? Sans doute, mais elles ont disparu aussi complètement que si elles n’avaient jamais existé.

Obstaculaire, Cédric Demangeot (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 21 Mars 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie, L'Atelier Contemporain

Obstaculaire, Cédric Demangeot, L’Atelier Contemporain, mars 2022, ill. Ena Lindenbaur, 128 pages, 20 €

 

Brutalisme

Je me suis permis de qualifier de brutalisme la poésie de Cédric Demangeot même si ce terme s’applique généralement à l’architecture. Je le fais car cela semble qualifier cette langue pleine de coins, d’angles, de surfaces brutes, d’excroissances parfois organiques, de moulages à froid. Où l’on y décèle nettement les architectures de sa pensée. J’y ai vu une esthétique de la brutalité.

Avant de poursuivre, je rappellerai les mots de Jean Genet qui écrit (je cite de mémoire) : J’appelle violence une audace au repos amoureuse des périls. Et même si cette poésie chante l’audace, elle chante surtout le péril, celui d’un ossuaire, d’obstacles au regard en soi, chantant une vérité sans apprêt, brut de décoffrage en un sens.