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Les Livres

L’âge d’ombres, Une enfance 1939-1946, Philippe Bonzon (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 22 Septembre 2022. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Récits

L’âge d’ombres, Une enfance 1939-1946, Philippe Bonzon, éditions La Chambre d’échos, septembre 2022, 152 pages, 16 €

Auteur essentiellement de poésies et de proses poétiques, Philippe Bonzon a publié depuis 1985 une vingtaine d’ouvrages. Le dernier est un récit d’enfance, à la période bien circonscrite (1939-1946) de ses six ans à ses douze ans, ce qui correspond à la seconde guerre mondiale.

Issu d’une famille bourgeoise protestante, l’enfant restitue ici une féconde période d’initiation humaine et métaphysique. Il s’est posé les grandes questions de l’existence au fil de ses expériences familiales, scolaires. Entre la Suisse et Paris, l’enfance se déroule dans une famille dont le père a disparu très jeune, remplacé par un beau-père assez austère, Daddy, second mari de sa mère Jacqueline. Le livre, dont les exergues renvoient à Proust, Rilke et autres philosophes, se veut un ouvrage d’éclairage de l’enfance, sous ses bannières imaginatives et psychologiques. L’influence proustienne y est prépondérante, jusque dans l’écriture en longues phrases, qui tentent de relayer les mille et une trouvailles d’un enfant mûr avant l’âge, observateur en diable de tout ce qui peut mentalement se passer en lui, comme faits décisifs, moteurs d’une vie.

Voilà comme j’étais, Marie-Paule Farina (par Jean-François Mézil)

Ecrit par Jean-François Mézil , le Mercredi, 21 Septembre 2022. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie

Voilà comme j’étais, Marie-Paule Farina, Éditions des Instants, avril 2022, 276 pages, 19 € . Ecrivain(s): Marie-Paule Farina

 

Il fallait une longue et solide amitié entre Marie-Paule Farina et Sade – assortie d’une étroite intimité (avouable s’entend) – pour qu’un tel livre vît le jour. Car s’il n’avait tenu qu’au divin marquis, nous en aurions été privés. N’a-t-il pas écrit en effet : « De la fiction, de la fiction, jamais de mémoires ni de confessions, c’est mon credo ! ».

À l’instar de Diogène, Marie-Paule Farina a donc cherché un homme dans le tonneau de ses écrits et les traces qu’on trouve de lui. Elle y réussit on ne peut mieux, et l’on se surprend à penser que ce témoignage de vie n’aurait pas été aussi authentique, oserais-je dire aussi sadien, si Marie-Paule n’avait tenu la plume à Donatien Alphonse François.

Les personnages sont campés comme au théâtre. Le tragique se mêle à la farce. Côté farce, Monsieur de Sade, imitant en cela Figaro, se presse de rire de tout, de peur d’être obligé d’en pleurer. Philosophe quoi qu’il advienne, il prend le contrepied de la réalité (« De la fiction, de la fiction », n’oublions pas). Dieu sait pourtant quelles avanies il s’est vu infliger – avec à la manœuvre, en coulisses, Marie Madeleine Masson de Plissay, sa belle-mère. Concentrant en elle autant de haine que les trois Harpyes réunies, elle va, sa vie durant, s’acharner sur son gendre.

La Destruction libératrice, Herbert George Wells (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 21 Septembre 2022. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Le Cherche-Midi

La Destruction libératrice, Herbert George Wells, Le Cherche Midi, avril 2022, trad. anglais, Patrick Delperdange, 334 pages, 19 € Edition: Le Cherche-Midi

 

Herbert George Wells a composé une œuvre immense en volume et publié des dizaines de livres – romans, essais, nouvelles – qui ont pour la plupart sombré dans l’oubli. Subsistent des ouvrages de « science-fiction » tels que La Guerre des mondes, La Machine à explorer le temps ou L’Île du docteur Moreau, dont l’intérêt est avant tout historique. Du fait de sa double allégeance, la science-fiction est un genre très délicat car, aux difficultés sur lesquelles risque d’achopper tout écrivain (composition, vraisemblance, psychologie des personnages, style, etc.) s’ajoutent les problèmes propres au développement scientifique. Même l’œuvre d’un auteur aussi éminent qu’Arthur C. Clarke a en partie été invalidée par la suite des événements (la conquête spatiale ne fut pas lancée par les Anglais depuis l’Australie). Dans le cas de Wells, l’idée d’une invasion extraterrestre venue de Mars a été pulvérisée depuis qu’on s’est avisé que la « planète rouge » n’hébergeait, dans le meilleur des cas, que des bactéries.

Mourir pour Kobané, Patrice Franceschi (par Mélanie Talcott)

Ecrit par Mélanie Talcott , le Mercredi, 21 Septembre 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Mourir pour Kobané, Patrice Franceschi, éditions des Equateurs, 2015, 143 pages

 

« Quand les riches se font la guerre, ce sont les pauvres qui meurent », Jean-Paul Sartre

 

Mourir pour Kobané de Patrice Franceschi n’est ni un roman, ni un essai. Juste un témoignage d’un homme qui de 2013 à 2015, fut, sur le terrain, le spectateur volontaire d’une lutte farouche opposant un peuple, les Kurdes, à une organisation ultra-radicale sunnite, Daech, chacun prêt à mourir pour deux visions du monde aux antipodes l’une de l’autre. Un islam démocratique laïcisé, modernisé, réformé, prônant la liberté individuelle et collective, l’égalité entre les femmes et les hommes, le respect des minorités, la justice économique, modèle partagé par les Kurdes turcs et syriens face à un autre, d’une barbarie effroyable, Daech, ces « égorgeurs de Dieu ». Un islam laïc dont les islamo-conservateurs du Moyen et Proche Orient et également d’Europe, craignent la contagion lui préférant l’islam radical (1) dont l’inhumanité perverse et brutale signe l’irrationnel religieux, disposé au pire pour imposer leur foi. Awar Tamia, l’ami et l’interprète de Patrice Franceschi le résume fort bien : « Ils ont un projet et un rêve. L’exact contraire du nôtre. La charia contre le Code civil… ».

La Vagabonde, Colette (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Mardi, 20 Septembre 2022. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Le Livre de Poche

La Vagabonde, Colette, Le Livre de Poche, 256 pages . Ecrivain(s): Colette Edition: Le Livre de Poche

 

Renée Néré est « la vagabonde », et dans le palindrome presque parfait qu’imposent ce prénom et ce nom, c’est bien l’idée de l’effet miroir qui est soulignée à travers le portrait de cette héroïne, le miroir que Colette se tend à elle-même en écrivant et en décrivant le parcours d’une femme libre autant que seule. On peut même se demander si l’objet du miroir n’est pas au centre de ce roman, car il revient régulièrement, comme pour rappeler à l’héroïne ce qu’elle croit dissimuler au fond de ses traits, et il est à vrai dire présent dès les premières lignes : « … je vais me trouver seule avec moi-même, en face de cette conseillère maquillée qui me regarde, de l’autre côté de la glace, avec de profonds yeux aux paupières frottées d’une pâte grasse et violâtre. (…) Elle me regarde longtemps, et je sais qu’elle va parler… Elle va me dire : / « Est-ce toi qui es là ?… (…) » / Oui, c’est l’heure lucide et dangereuse… ».