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Les Livres

Jours d’orage, Kressmann Taylor (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 01 Avril 2022. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Autrement

Jours d’orage, mars 2022, 284 pages, 10 € . Ecrivain(s): Kathrine Kressmann Taylor Edition: Autrement

 

Est-il possible de surmonter le désir de vengeance, la volonté d’exercer des représailles jugées légitimes, surtout lorsqu’il s’agit de crimes de guerre ? Kressmann Taylor, dans le roman Jours d’orage tente d’apporter une réponse à cette question qui a occupé très longuement les débats politiques et historiques de l’après-guerre et dont l’ombre plane encore de nos jours dans nos controverses nationales.

Kressmann Taylor, on s’en souvient, avait admirablement illustré les changements de perception de deux interlocuteurs, l’un résidant dans l’Allemagne nazie, l’autre à l’étranger, dans la restitution de leurs correspondances épistolaires. Ces dernières illustraient la progression de la dictature nazie, son imprégnation dans l’opinion publique allemande, tel un cancer qui gagne un organisme en répandant ses métastases. Dans ce roman c’est le portrait d’un homme d’extraction noble, Eduardo Carleone, qui vit en Toscane au cœur d’un village isolé.

Ressource humaine, Louise Morel (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 01 Avril 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Ressource humaine, Louise Morel, éditions Hors d’atteinte, Coll. Littératures, mars 2022, 192 pages, 19 €

 

Start-up

Dans Ressource humaine – récit-vérité – Louise Morel (née en 1990, analyste financière) décrit le parcours de Marianne, consultante et experte en conseils de stratégie, évoluant dans le milieu entrepreneurial, au sein d’une hiérarchie très sectorisée et pyramidale. La politique commerciale de ces entreprises use d’un jargon et de codes semblables à des jeux de rôles, des jeux vidéo à base d’anglicismes, aidés par des techniques de management à l’américaine. Les employé(e)s de ces entreprises et de ces startups sont formés de couples « moyennement beaux, visiblement riches », les femmes viennent d’une « société de pourries-gâtées », et tous sont des individus hyperactifs sortis d’école de commerce au credo droitier : « Le profit résulte des revenus et des coûts ». Leur existence est régie par des slogans de marketing, des messages elliptiques sur le smartphone, parfois réduits à des icônes ou des émojis.

Ligne de basse, Patrick Martinez (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 31 Mars 2022. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Alma Editeur

Ligne de basse, Patrick Martinez, mars 2022, 120 pages, 14 € Edition: Alma Editeur

 

« Il entendit, par avance, les quatre accords en boucle qui pourraient introduire la ballade qu’il allait jouer. Il se lança et procéda aussitôt sur ceux-ci à des renversements pour qu’ils sonnent au plus près de ce qu’il voulait faire passer. Dès l’instant où une note lui paraissait comme accroître la noirceur d’un passage, il insistait sur elle, brodait autour et l’épuisait jusqu’à subitement lui en préférer une autre ».

Ligne de basse est le roman d’une famille éparpillée, éclatée, distendue, une famille aux mémoires sombres, aux colères enfouies, aux amours cachés, habitée de doutes permanents, mais aussi d’éclats de tendresse. Le roman d’une mère, d’un frère et d’une sœur, tous les trois saisis par des renversements de vies et d’espoirs, ces mêmes renversements d’accords qui résonnent sous les doigts de Jean, le frère et le fils, musicien de bar de nuit. Patrick Martinez nous offre un roman où se mêlent ces trois destinées, ces trois vies suspendues à l’espoir perdu, à l’argent qui manque, aux amours invisibles. Ligne de basse est aussi le roman de l’enfance de Jean et Lili, où des souvenirs se brodent au fil d’argent sur le tissu de leur vie qui petit à petit prend forme et couleurs, naissance aussi d’un amour entre la sœur et le frère, qui ne dira jamais son nom, et que Lili portera comme une croix.

Paula ou personne, Patrick Lapeyre (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 31 Mars 2022. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

Paula ou personne, Patrick Lapeyre, janvier 2022, 411 pages, 22 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Paula ou personne est une histoire d’amour.

A priori, ce thème n’a rien d’original.

Jean Cosmo et Paula se rencontrent parmi les nombreux invités d’un mariage. Jean prend d’abord Paula pour sa sœur Alicia, un « amour d’enfance » datant d’une époque où les deux familles étaient voisines.

Jean est postier, préposé au tri de nuit, depuis qu’il a abandonné ses études de lettres. Paula est l’épouse d’un riche Allemand, souvent absent de Paris pour des raisons professionnelles. Jean est athée, anarchiste, chevelu. Paula est croyante, catholique, elle enseigne l’allemand dans une institution privée et donne par ailleurs des cours de catéchèse pour meubler sa solitude et l’ennui qui pèse sur une vie conjugale uniforme et un environnement social sans relief.

Un visage habituel, Jean-Claude Leroy (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Jeudi, 31 Mars 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie, Rougerie Editeur

Un visage habituel, Jean-Claude Leroy, éditions Rougerie, mars 2022, 64 pages, 12 €

 

« avec tous ces masques à leur place

j’ai bien vu que les visages sont inutiles

un chiffon fait très bien l’affaire » (p.47)

C’est une poésie, à la fois, de l’atteinte irrémédiable et de l’accès impossible. D’une fascination pour la guerre intérieure (la guerre qui a l’art de « trancher les visions » et « nettoyer les caves » ! (p.9) et d’un mépris horrifié pour l’extérieure (« les soldats se branlaient tristement »). De l’extraordinaire conscience que tout moi qui dure arrive à ses limites, vieillit en juge de moins en moins impartial de lui-même (« une mer traversée en dedans/ et dont nul marin ne témoigne » (p.25), et que pourtant le fou l’est précisément de chercher hors de lui son garde-fou, puisque « se défendre de soi-même/ est un apprentissage » (p.49). Auteur que l’essentiel angoisse mais que, dit-il (p.16) trahir son angoisse tuerait.