Régis Boyer, le traducteur et préfacier, pose la question essentielle quant à ce livre : roman, autobiographie ou poème ? Tout en admettant le tort que l’on aurait à vouloir circonscrire un ouvrage dans un genre particulier, surtout quand on reconnaît la richesse de ce même ouvrage, on est néanmoins assuré de la présence de la poésie dès les premières lignes. Non pas tant dans ce que la poésie pourrait véhiculer de formel, mais davantage dans les images, et dans cette volonté de l’écrivain à tendre, jusqu’à la pureté, vers ce qui n’est qu’impressions et sensations, comme dépouillées des contingences sociales. La poésie se mêle aussi, au sein du style, dans des élans itératifs, faits de morceaux de phrase ou de simples mots : tel un refrain, telle une ponctuation personnelle, le narrateur y revient, comme exprimant ses doutes ou sa perplexité face à ce qu’il perçoit et face à sa mémoire.
Car les souvenirs d’enfance s’immiscent souvent dans cet ouvrage : pour le narrateur, cette période se caractérise par de la rudesse et un mutisme pesant. Pourtant, l’auteur se fixe sur l’émerveillement, et sans jamais l’once d’une lourdeur, dans un souffle continu, il nous conduit, sorcier, à un instant de grâce, à ce qui paraît « insaisissable » (suivant le titre d’un chapitre) : oui, l’émerveillement est ici l’élu, le fil conducteur, le pilier, la justification de ce livre, où la nature est en vérité le personnage principal.