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Les Livres

Essais, Marcel Proust en La Pléiade (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 18 Août 2022. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, La Pléiade Gallimard

Essais, Marcel Proust, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade (édition dirigée par Antoine Compagnon, Christophe Pradeau, Matthieu Vernet), avril 2022, 2064 pages, 69 € jusqu’au 31/10/2022, puis 75 € . Ecrivain(s): Marcel Proust Edition: La Pléiade Gallimard

 

« Et les ouvrages d’un grand écrivain sont le seul dictionnaire où l’on puisse contrôler avec certitude le sens des expressions qu’il emploie ».

En marge des « Mélanges »

« La couleur que je préfère – La beauté n’est pas dans les couleurs, mais dans leur harmonie.

L’oiseau que je préfère – L’hirondelle »

Marcel Proust par lui-même (1893 ?)

Mais que faisait Marcel Proust, avant qu’il ne se lance dans l’édification d’À la Recherche du temps perdu, cette cathédrale du Temps romanesque ? Il écrivait, il ne cessait d’écrire ! Ce volume de la Bibliothèque de la Pléiade nous offre ses écrits, ses essais, ses courts articles, qui vont d’une façon plus ou moins secrètes irriguer son grand livre.

Terres voraces, Sylvain Estibal (par Olivier Verdun)

Ecrit par Olivier Verdun , le Jeudi, 18 Août 2022. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Actes Sud

Terres voraces, Sylvain Estibal, février 2022, 176 pages, 16,80 € Edition: Actes Sud

 

Je viens de refermer ce livre d’une noirceur incandescente. Les mots lacèrent la page, sondent « l’ampleur des fissures invisibles », des « séismes silencieux ». Un long voyage parmi les ombres, au milieu des fosses et de leur affreux silence, avec, au bout de la nuit, des points de lumière. Dans ce monde de lésions, d’entailles, de mépris où l’amour étouffe en silence, les tiges métalliques affrontent l’injustice, percent le sol pour faire respirer les morts engloutis par les terres voraces. – Terres de douleurs et de cris, perdues dans l’immensité de l’absence. Les mots qu’on lit sont des lambeaux de chair découpés au scalpel, qui forment une « grammaire des suppliciés ». Un monde très vaste avec sa « géographie, ses vastes étendues, ses reliefs et ses tracés », fait de « marbrures de sang », de « marques azurées », de « lacérations », de « brûlures », d’« épanchements liquidiens », de « perforations », de « dislocations ». Les corps écorchés, torturés, triturés, disloqués, rappellent les momies grimaçantes de Guanajuato, les tableaux de Grünewald, Francis Bacon, Vladimir Velickovic… L’horreur est comme magnifiée par la beauté incantatoire des phrases, elles-mêmes fragmentées pour être au plus près de la douleur.

L’Invention du Diable, Hubert Haddad (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 17 Août 2022. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Zulma

L’Invention du Diable, Hubert Haddad, Zulma, août 2022, 314 pages, 21,70 € . Ecrivain(s): Hubert Haddad Edition: Zulma

 

Hubert Haddad n’aura jamais fini de nous émerveiller. On le sait grand styliste et on le sait métamorphique dans son écriture. Ce roman est un des moments marquants de ces métamorphoses. Il enfourche ici – et ce n’est pas seulement une métaphore car ce roman regorge de cavalcades – la langue de la Renaissance, un peu précieuse, dynamique, profondément poétique pour nous conter la geste baroque de Papillon de Lasphrise à travers temps, champs, villes et moult aventures réjouissantes.

Il faut dire que ses premiers pas en ce monde furent, pour le moins, erratiques et dangereux. Condamné à la naissance par la médecine charlatane de son temps, Papillon fait ainsi connaissance avec la plus fidèle des compagnes des hommes, la plus obstinée, la mort. Et c’est probablement ainsi qu’il devint… immortel. La mort, première ennemie des hommes, celle qui élimine alors la plus large part des enfants qui naissent, machine cynique qui ne rend de comptes à personne, miséreux ou puissant, et joue aux dés la vie des hommes.

La Maligredi, Gioacchino Criaco (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Mercredi, 17 Août 2022. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Métailié, Italie

La Maligredi, Gioacchino Criaco, Ed. Métailié, juin 2022, trad. italien, Serge Quaddrupani, 383 pages, 22,50 € Edition: Métailié


« Vous savez quelle malédiction est pire que le démon ? La Maligredi, dit-il, sans attendre de réponse. C’est le hurlement du loup qui a franchi une clôture et qui, au lieu de manger juste la brebis qu’il lui faut pour se rassasier, les égorge toutes ».

Nous sommes en Calabre, dans un village où sévit la pauvreté qui se pare des atours d’un monde dans lequel les relations sociales sont présentes, chacun est connu de tous, mais un monde que les maris ont souvent déserté pour gagner de quoi subvenir aux besoins de la famille, dans lequel les enfants sont souvent livrés à eux-mêmes, dont la scolarité est chaotique, un monde rural qui nourrit peu, voire pas son monde.

Désordre avec vue, suivi de Sidérations, Coralie Akiyama (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mercredi, 17 Août 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie

Désordre avec vue, suivi de Sidérations, Coralie Akiyama, éditions Douro, novembre 2021, 96 pages, 16 €


Des questions jaillissent d’emblée puis, comme à bribes décousues, dans ce Désordre avec vue suivi de Sidérations de Coralie Akiyama qui, après deux romans fantastiques (Féérie pour de vrai aux Éditions Moires en 2019 et Dévorée aux Éditions Vibrations en 2021), signe ici son premier recueil de poésie aux Éditions Douro. Le premier vers sous sa forme interrogative lance le dé d’une partition chaotique au sens où un « désordre » de sentiments, de ressentis, de faits, d’impressions, semble se poser spontanément sur les pages, ne laissant pas au lecteur le temps de s’arrêter mais au contraire l’emportant davantage vers l’instant d’après. Ceci dit rien de confus ici (« Bien mieux qu’une confusion/Un climat insatiable »), les mots étincellent dans les corolles d’une spirale temporelle incalculable, comme une concision à fleur d’une sensibilité aiguë qui affûte et affine ses prises au fur et à mesure qu’elle les hume et les lâche, offerte à la brûlure enivrante et captivante, envoûtante et incessante, du Vivre.