« Je hais ce livre. Je le hais de tout mon cœur. Il m’a donné la gloire, cette pauvre chose qu’on appelle la gloire, mais il est en même temps à l’origine de toutes mes misères ». Ainsi Malaparte ouvre-t-il une préface rédigée en 1948 pour la réédition de Technique du coup d’état, à l’occasion du centenaire du Manifeste communiste ; il est vrai que ce bref essai, publié d’abord en France en 1931, aura connu nombre d’avanies, de l’interdiction en Italie au bûcher hitlérien, et en aura valu de multiples à son auteur, persécuté par Mussolini – alors que Malaparte fut du fascisme de la première heure, en lequel il voyait le levier nécessaire à la révolution sociale qu’il espérait. Puis la réalité du régime mussolinien, son embourgeoisement, sa brutalité bête…
Mais pourquoi tant de haine ? Parce que Malaparte est clairvoyant, parce qu’il se fait historien du présent en analysant sept coups d’état contemporains, plus un vieux d’un peu plus d’un siècle alors, celui 18 Brumaire, afin de démontrer que prendre le pouvoir à l’époque moderne consiste à suivre « la nouveauté introduite par Trotski dans la tactique insurrectionnelle [:] négliger absolument la situation générale du pays ». Ce faisant, Malaparte se met à dos les communistes et les fascistes, et puisqu’il analyse le rapport au pouvoir d’Hitler avant que celui-ci l’ait pris, il en vient à prédire l’avenir (l’élimination de la SA) en suivant une logique simple et moderne. En cela, il est agaçant, du moins pour ceux qui ont pris le pouvoir.