Identification

Les Livres

Sur Rimbaud à New York de David Wojnarowicz (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Jeudi, 02 Juin 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Arts

 

Considérez ceci comme dit par un personnage de roman :

Pourquoi l’œuvre de David Wojnarowicz me touche-t-elle tant ? Pourquoi, depuis sa découverte vers ma vingtième année grâce à un texte de Félix Guattari, a-t-elle tellement compté pour moi ? Pour être sincère, cette œuvre ne me touche que par la bande, non par son ensemble. Ou l’ensemble (ce qui me touche le moins, ce qui me reste plus lointain et dont je ne parlerai pas ici) reçoit sa lumière de la partie qui m’émeut.

La série photographique en noir et blanc Rimbaud à New York a été conçue et réalisée à la fin des années 70. Wojnarowicz avait vingt-quatre ans. La relation de Wojnarowicz à Rimbaud est forte, évidente pour moi, sans doute ancienne. Elle renvoie à un rapport particulier à l’art, à la littérature – à une marginalité essentielle. Un siècle et un océan les séparent. Sans doute, la marginalité de Rimbaud et celle de Wojnarowicz ne se recoupent pas.

Le testament breton, Philippe Le Guillou (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 01 Juin 2022. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits, Gallimard

Le testament breton, Philippe Le Guillou, avril 2022, 160 pages, 16 € Edition: Gallimard

 

« Aux racines, restrictives, je préfère les linéaments schisteux, les lignes de crête, l’entaille des rivières, les vallées boisées ouvertes au vent : elles sont en résonnance naturelle avec le large et l’infini ».

Voilà en une phrase, non pas le résumé de ce livre d’exception, mais les fondements qui le soutiennent, les piliers de granit de ce récit profondément romanesque. Le testament breton est un beau et grand livre car il se glisse dans les bois et les vallées bretonnes, entre les pierres, dans les maisons et les églises, il épouse du regard les lignes de crêtes, les signes des vents et du temps, dans une langue sculptée, ouvragée, forte d’une richesse léguée par les auteurs d’un temps qui pourrait paraître révolu, une langue où chaque mot est pesé à la manière d’un artisan joaillier, où chaque phrase est dessinée avec toute la finesse d’un cartographe. Difficile de bien aimer une terre et ceux qui y ont inscrit leurs noms et leurs légendes, sans qu’ils ne soient honorés à leur hauteur, sans que l’écriture ne s’élève elle aussi, qu’elle ne s’élève à la hauteur de cet imaginaire, de ce songe.

Comme si c’était hier, Ariane Dreyfus (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 01 Juin 2022. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Editions Tarabuste

Comme si c’était hier, avril 2022, 292 pages, 15 € . Ecrivain(s): Ariane Dreyfus Edition: Editions Tarabuste

 

« La pelouse épanouie

“Venez courir ! Venez courir !”

La petite, l’éclat-fille,

Bondit hors du repas

Rapide comme une balle intacte

Puis roule dans le sommeil,

Carrosse jusqu’au jour,

Ce portail invisible.

Nous restons dans nos chaises

Où s’appuient nos entrailles.

A propos de Anéantir, Michel Houellebecq (par Mona)

Ecrit par Mona , le Mercredi, 01 Juin 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Flammarion

Anéantir, Michel Houellebecq , Flammarion, janvier 2022, 736 pages, 26 €

 

Il n’y a que la fiction qui sauve :

On ne lit pas Houellebecq comme on lirait un manuel de pensée positive ou un traité de sociologie. Le titre de son dernier roman, anéantir, présuppose une force violemment négative qui réduit l’homme et la civilisation à néant. Son précédent roman, Sérotonine, s’annonçait déjà « en chemin vers l’anéantissement ». Celui-ci raconte une histoire d’agonie, un face à face avec la mort, ce « néant radical et définitif » et creuse le trou des ténèbres avec une vitalité désespérée. La menace de désintégration, c’est toujours aussi chez Houellebecq les effets désastreux de la post-modernité : une vacuité absolue qui déstructure l’homme et ruine les valeurs humaines « dans un gigantesque collapsus ». Mais Houellebecq n’est ni un sociologue, ni un homme politique, ni même un philosophe : c’est un écrivain qui s’affirme d’essence baudelairienne, obsédé par la mort, la débauche et la nuit, accablé par la solitude et l’ennui, un écrivain à l’humeur ironique mais jamais démonstrative. A quoi bon s’indigner de son inadéquation morale si, comme l’affirmait Baudelaire accusé lui aussi d’offense à la morale publique, l’artiste ne poursuit pas un but moral et « n’a pas la vérité pour objet » ?

Le semeur de peste, Gesualdo Bufalino (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 31 Mai 2022. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Italie, Cambourakis

Le semeur de peste, Gesualdo Bufalino (Diceria Dell’Untore, 1992), trad. italien Ludmilla Thévenaz, 205 pages, 10 € Edition: Cambourakis

Rembrandt, triste hôpital tout rempli de murmures,

Et d’un grand crucifix décoré seulement,

Où la prière en pleurs s’exhale des ordures,

Et d’un rayon d’hiver traversé brusquement ;

 

(Baudelaire. Les phares)

 

Clairement, ce roman plonge ses sources dans un moment essentiel de la vie de son auteur. En 1943, Bufalino fut capturé par les Allemands, réussit à s’évader, et contracta quelque temps plus tard, en 1946, une grave tuberculose qui le conduisit dans un sanatorium près de Palerme. C’est cet épisode terrible, l’enfermement médical qui constitue le cadre de roman, sa source, son inspiration.