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Les Livres

Un Oiseau blanc dans le blizzard, Laura Kasischke (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 25 Mai 2022. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Folio (Gallimard)

Un Oiseau blanc dans le blizzard, Laura Kasischke, avril 2022, trad. anglais (USA) Anne Wicke, 362 pages, 8,70 €

 

Autant préciser de suite : ce roman ne mérite en rien les critiques élogieuses qui ont incité à l’ouvrir et à en lire péniblement les cent premières pages, puis à vagabonder au fil des suivantes dans l’espoir vain d’y trouver un peu de lumière. Pire encore : le fait que ce roman ait reçu pareil accueil critique est inquiétant, car cela en dit long sur l’époque, sur sa délectation pour le laid, son goût immodéré pour la fange (quand bien même ornée de quelques tournures lexicales poétisantes), sa tendance à confondre l’asservissement au sordide cantonné au niveau du fait divers avec l’élégance de certains auteurs d’antan qui surent sublimer le fait divers, et un jour il est à espérer que cette époque sera jugée comme telle, un jour où l’élégance, tant du style que du propos, sera enfin attendue et reconnue.

Reprenons. Un Oiseau blanc dans le blizzard est la narration par Kat, seize ans, de la vie dans une banlieue huppée quelconque sise dans l’Ohio, narration provoquée par la disparition soudaine de sa mère – dont, on l’écrit afin d’éviter tout suspense inutile, le corps sera retrouvé en fin de roman, dans le réfrigérateur familial.

Corps incessant, Franck Bouyssou, Jacques Cauda (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mercredi, 25 Mai 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie

Corps incessant, Franck Bouyssou, Jacques Cauda, éditions Pourquoi viens-tu si tard ?, février 2022, 78 pages, 10 €

Cylindrer le corps, pour le fouler, le lustrer, pour faire surgir de la carcasse, « calandre rutilante », la quintessence… Cylindrer son silence, dans « la transhumance de la sève/l’essor pénombral de la vouivre » pour le faire parler au-delà de sa présence immédiate… Quel est ce « corps » insaisissable et « incessant » capable de saisir la temporalité et la chair de la langue, l’espace d’un livre, mais aussi les plages de notre existence, assez en tout cas pour que sa réalité devienne cette ombre impalpable nous habitant et nous enveloppant plus loin que le présent ?

L’auteur de ce recueil poétique est psychiatre et l’on sait la place du corps dans le soin psychiatrique. Le corps et son appréhension constituent des éléments essentiels de la conscience de soi, et nous ramènent au moment présent ; il est également un médiateur par excellence pour l’entrée en contact avec un patient ou l’instauration d’une relation basée sur la confiance ; ou au contraire l’écran tactile et sensible à la douleur, qui pourra être « meurtri » en cas de maltraitance voire de violence.

L’esclave libre, Robert Penn Warren (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 24 Mai 2022. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Libretto

L’esclave libre (Band of Angels, 1955), trad. américain, Jean-Gérard Chauffeteau, G. Vivier . Ecrivain(s): Robert Penn Warren Edition: Libretto

A mille lieues des grands flots romantiques de Autant en emporte le vent, L’esclave libre en est néanmoins le pendant, l’autre versant. Une jeune femme en est la narratrice et le roman traverse l’immense bouleversement qui marqua l’histoire américaine, de la fin des années 1850 à la fin des années 1860, la guerre de Sécession. On a souvent comparé ces deux ouvrages, on a même dit que le roman de Margaret Mitchell a « fait de l’ombre » à celui de Penn Warren. Et pourtant – hors la période historique – rien ou presque ne les rapproche. Et à y regarder de près, même la période historique diffère. L’esclave libre se passe essentiellement dans l’immédiat après-guerre, surtout de 1866 à 1870, et ce focus légèrement décalé change tout. Nous ne sommes plus dans une Amérique ravagée par une guerre fratricide mais dans un pays qui – en plein traumatisme – ne parvient pas à se remettre debout, laminé par la haine, la rancœur, les nouvelles ambitions de politiciens douteux plus préoccupés de carrière et de profit personnel que de bien commun. Une Amérique en quête d’une identité perdue, d’une unité qui semble compromise à jamais. Pour le Sud et ses Blancs, c’est le début d’une méfiance structurelle à l’égard des Yankees, image pour eux du pouvoir honni, de l’affairisme et de la corruption. Il est étonnant et pourtant constant de constater que ceux qui, pendant des siècles, ont tenu en esclavage des millions d’hommes occupent une position morale dans leur critique de leurs pendants nordistes.

Petite encyclopédie du génocide arménien, Denis Donikian (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Mardi, 24 Mai 2022. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Histoire

Petite encyclopédie du génocide arménien, Editions Geuthner, décembre 2021, 661 pages, 75 € . Ecrivain(s): Denis Donikian

 

« A l’origine de ce livre constitué de fiches présida l’idée d’apporter aux profanes autant qu’aux intéressés eux-mêmes, un éclairage précis et fiable sur les événements qui ont préparé, marqué et suivi le génocide des Arméniens en 1915. Comme les travaux universitaires épousant la complexité des faits pouvaient conduire à décourager même les plus curieux, il parut opportun de les rendre assimilables sans pour autant amoindrir leur violence. » Ce sont deux phrases extraites de l’introduction écrite par l’auteur qui précisent la volonté et le contenu de l’ouvrage. Denis Donikian a entrepris la création de fiches, initialement prévues pour Internet, en commençant par celle consacrée au mot génocide. Les fiches se sont ensuite accumulées, abordant les différents aspects d’un génocide demeuré impuni et dont les causes et les conséquences méritaient une approche synthétique.

Écrits sur l’art, Jean Cocteau (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 24 Mai 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Gallimard, Arts

Écrits sur l’art, Jean Cocteau, Gallimard, Coll. Art et Artistes, avril 2022, 400 pages, 26 €

 

La vérité de l’art

Comme il m’a fallu reculer dans le temps pour lire les Écrits sur l’art de Jean Cocteau, et que j’avais impatience de le parcourir, j’ai lu presque d’un seul trait les 400 pages de l’ouvrage (illustré par des reproductions en couleur de tableaux, dessins, photographies…). Du reste, je lis beaucoup Cocteau, ou je le relis, depuis son théâtre, et j’ai l’impression qu’une nouvelle lecture de l’œuvre du poète pourrait correspondre à notre époque sèche, froide, pleine de lieux communs.

Dans ce recueil d’articles, j’ai rencontré une musique très fine, un style fluide et pas ennuyeux, une sorte de legato littéraire qui repousse toute fadeur, ornant l’expression de l’auteur, poursuivant un véritable questionnement sur les arts visuels, depuis le cinéma jusqu’à la mode vestimentaire. Chaque mot attendant le suivant, mais jamais acquis à des idées ou des images d’Épinal, mais toujours tendu vers la découverte et la surprise. Il n’y a rien à laisser dans les écrits esthétiques de l’auteur de La Machine infernale.