Chez Paradis, Sébastien Gendron (par Jean-Jacques Bretou)
Chez Paradis, Sébastien Gendron, mars 2022, 366 pages, 19 €
Edition: Série Noire (Gallimard)
Gendron se fait du cinéma. Ça commence par un pré-générique, la caméra filme un casse. On imagine : nous sommes le 17 juin 1988 dans l’avenue Gustave-Eiffel de la zone Panhard, un fourgon transporteur de fonds sort du parking du casino de Vendouvre (inutile de chercher ce bled dans le dictionnaire, ça n’existe pas, c’est un film décrit dans un roman). Il y a deux hommes dans la cabine avant et un dans le sas arrière, Maxime Dodman, avec dix-huit sacs de billets. Deux voitures doublent la camionnette, lui barrent le chemin et des individus donnent l’assaut en lançant des grenades. Dodman fait feu et neutralise les attaquants mais il y a une grosse bavure, un adolescent qui passait par là avec son cyclomoteur, Thomas Bonyard, est touché à la tête.
Début du film : un village perdu, dans les Causses, peut-être, parce que ça n’est pas dans le dictionnaire Mont-Roquin-sur-Dizenne. À sa sortie, un garage, zoom sur le garage, un garage comme tous les garages de campagne avec sur le côté quelques bâtiments bon marché, un petit motel un peu délabré. Un plan sur l’enseigne qui ne fonctionne pas : « Chez Paradis ».
« Paradis », c’est le nom de l’ancien propriétaire, le nouveau c’est Maxime Dodman, trente-quatre ans après le casse du fourgon de la Korso. Maxime, il n’a pas beaucoup changé, sauf l’âge, il n’est pas très épais, pas bien grand non plus, un nerveux qui marche au Captagon. Il a un apprenti, Denis, toujours au boulot, le patron ne plaisante pas avec le travail. Là, il y a un type qui arrive, mouvement de caméra, le type chevauche une Honda CB750, une 7,5 comme on dit dans le milieu des bikers. Mouvement du bras et de la main de Dodman lui intimant de faire marche arrière. Ici, on ne s’invite pas comme ça, d’autant plus qu’ici, il y a d’autres personnages, la patronne Marie-Louise Dodman et son chien Bécaud comme ou à cause du chanteur, et puis dans les préfabriqués l’équipe de tournage. The Face et Buda qui louent une chambre pour filmer la jeune Magda. On voit un peu où l’on est, alors que le gars à la 7,5 qui se présente comme « Adrien Leoni », un type venu faire des repères pour un film n’insiste pas. Et pourtant, il insiste !
Ce livre n’est pas un bouquin de prière, c’est un thriller, du noir et du bien noir et pas vraiment du Soulages. Mais, on en arrive presque à sourire si on a l’âme un peu bonne. En fait c’est un livre bien écrit, divertissant et captivant. Merci Gendron !
Jean-Jacques Bretou
Après un baccalauréat d’arts plastiques, des études de cinéma et beaucoup de « petits boulots », Sébastien Gendron devient réalisateur à 32 ans. Il publie La Jeune Fille et le Cachalot, son premier roman, en 2003. Suivront un recueil de nouvelles et quatorze autres titres, dont Mort à Denise, le numéro 266 de la Collection Le Poulpe. En parallèle, il collabore à des revues comme chroniqueur, publie des romans pour la jeunesse et écrit des feuilletons littéraires. Il vit aujourd’hui entre Paris et la Charente-Maritime.
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