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Les Livres

L’Invention du Diable, Hubert Haddad (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 17 Août 2022. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Zulma

L’Invention du Diable, Hubert Haddad, Zulma, août 2022, 314 pages, 21,70 € . Ecrivain(s): Hubert Haddad Edition: Zulma

 

Hubert Haddad n’aura jamais fini de nous émerveiller. On le sait grand styliste et on le sait métamorphique dans son écriture. Ce roman est un des moments marquants de ces métamorphoses. Il enfourche ici – et ce n’est pas seulement une métaphore car ce roman regorge de cavalcades – la langue de la Renaissance, un peu précieuse, dynamique, profondément poétique pour nous conter la geste baroque de Papillon de Lasphrise à travers temps, champs, villes et moult aventures réjouissantes.

Il faut dire que ses premiers pas en ce monde furent, pour le moins, erratiques et dangereux. Condamné à la naissance par la médecine charlatane de son temps, Papillon fait ainsi connaissance avec la plus fidèle des compagnes des hommes, la plus obstinée, la mort. Et c’est probablement ainsi qu’il devint… immortel. La mort, première ennemie des hommes, celle qui élimine alors la plus large part des enfants qui naissent, machine cynique qui ne rend de comptes à personne, miséreux ou puissant, et joue aux dés la vie des hommes.

La Maligredi, Gioacchino Criaco (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Mercredi, 17 Août 2022. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Métailié, Italie

La Maligredi, Gioacchino Criaco, Ed. Métailié, juin 2022, trad. italien, Serge Quaddrupani, 383 pages, 22,50 € Edition: Métailié


« Vous savez quelle malédiction est pire que le démon ? La Maligredi, dit-il, sans attendre de réponse. C’est le hurlement du loup qui a franchi une clôture et qui, au lieu de manger juste la brebis qu’il lui faut pour se rassasier, les égorge toutes ».

Nous sommes en Calabre, dans un village où sévit la pauvreté qui se pare des atours d’un monde dans lequel les relations sociales sont présentes, chacun est connu de tous, mais un monde que les maris ont souvent déserté pour gagner de quoi subvenir aux besoins de la famille, dans lequel les enfants sont souvent livrés à eux-mêmes, dont la scolarité est chaotique, un monde rural qui nourrit peu, voire pas son monde.

Désordre avec vue, suivi de Sidérations, Coralie Akiyama (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mercredi, 17 Août 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie

Désordre avec vue, suivi de Sidérations, Coralie Akiyama, éditions Douro, novembre 2021, 96 pages, 16 €


Des questions jaillissent d’emblée puis, comme à bribes décousues, dans ce Désordre avec vue suivi de Sidérations de Coralie Akiyama qui, après deux romans fantastiques (Féérie pour de vrai aux Éditions Moires en 2019 et Dévorée aux Éditions Vibrations en 2021), signe ici son premier recueil de poésie aux Éditions Douro. Le premier vers sous sa forme interrogative lance le dé d’une partition chaotique au sens où un « désordre » de sentiments, de ressentis, de faits, d’impressions, semble se poser spontanément sur les pages, ne laissant pas au lecteur le temps de s’arrêter mais au contraire l’emportant davantage vers l’instant d’après. Ceci dit rien de confus ici (« Bien mieux qu’une confusion/Un climat insatiable »), les mots étincellent dans les corolles d’une spirale temporelle incalculable, comme une concision à fleur d’une sensibilité aiguë qui affûte et affine ses prises au fur et à mesure qu’elle les hume et les lâche, offerte à la brûlure enivrante et captivante, envoûtante et incessante, du Vivre.

L’Homme peuplé, Franck Bouysse (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 16 Août 2022. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Albin Michel

L’Homme peuplé, Franck Bouysse, 17 août 2022, 320 p. 21,90 € . Ecrivain(s): Franck Bouysse Edition: Albin Michel

 

Dans sa plénitude littéraire, Franck Bouysse, dans ce roman éblouissant, tend un miroir à son œuvre, se plonge dans le miracle de l’acte d’écriture, dans l’ingénierie secrète et effarante qui conçoit et produit la naissance d’un ouvrage. Dans un jeu délicat et complexe de frontières entre fiction, réalité, présent et passé, il nous invite à nous laisser emporter dans un Maelström qui nous fait perdre de bout en bout de ce que nous lisons la notion même du réel. Le doute du lecteur se fait source de la tension permanente qui trame le roman, débouchant ainsi sur une sorte de thriller littéraire dont le déroulé et le dénouement laissent sans voix. Néanmoins – et c’est là la force du livre – des traces indiciaires, habilement distillées au cours du récit, soulèvent des interrogations, inquiètent, poussent au doute. Et c’est cette intelligence de la lecture, du lecteur, qui pleinement amène le roman à l’éclosion, à la lumière, à la vie. On pense – c’est irrésistible – à Maurice Blanchot : C’est que tout texte, si important et si intéressant qu’il soit (et plus il donne l’impression de l’être), est vide – il n’existe pas dans le fond ; il faut franchir un abîme, et si l’on ne saute pas, on ne comprend pas (In l’écriture du désastre).

Karmas, Pierre-Olivier Lacroix (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 16 Août 2022. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Le Mot et le Reste

Karmas, Pierre-Olivier Lacroix, mars 2022, 346 pages, 21 € Edition: Le Mot et le Reste

 

Il paraît improbable, en tout cas inusuel, qu’une personne qui sans l’ombre d’un doute s’est suicidée huit ans plus tôt, qui est morte et incinérée depuis près de trois mille jours et n’occupe plus que quelques centimètres-cube dans une urne, fasse l’objet d’une enquête de gendarmerie. C’est pourtant ce qui arrive à feue Nicole Gachet, ancienne directrice d’une association s’occupant d’insertion professionnelle dans cette « France périphérique » où l’emploi est de plus en plus rare. Un beau soir (mais qui ne fut pas beau pour tout le monde) de juin 2007, le premier soir de l’été, son mari fut surpris (comme le serait au demeurant n’importe quel mari) de la trouver dans le jardin, nue, en transe et en train de dévorer les boyaux du chat. Quelques secondes plus tard, Nicole Gachet se poignardait et se jetait dans la rivière qui passait au fond de la propriété.