Vacance, Victor Malzac (par Philippe Leuckx)
Vacance, Victor Malzac, novembre 2022, 64 pages, 17 €
Edition: Cheyne Editeur
Il y a, chez Malzac, que je suis depuis ses débuts éclatants, une urgence à dire et à se dire, avec vérité, acuité, nudité. Une urgence que relaie cette stylistique de l’énumération, assez ethnographique, pour puiser autour de lui tout ce qu’il est bon de prendre. Sans coupure, selon la fluidité de la mer, le poème enregistre, simplement ponctué de virgules tout ce qui se place sous le regard du poète.
Tantôt garçon, tantôt fille, le je qui parle énonce son désir puissant de l’autre, des autres, de lui, dans une jouissance irrépressible, gourmande, sensuelle. C’est toute la plage qui défile, avec ses peaux, ses maillots serrés, ses attentes, ses fièvres. C’est la vacance complète : le poème dévide tout, sel, foutre, mer, gens, sable. Ce temps des « vacances » d’un jeune de dix-huit ans, fou de désir, de danse, de corps, de l’autre.
Quatre parties structurent ce recueil endiablé, à l’écriture apparemment automatique qui note sismographique tous les tremblements des yeux, du corps, du sexe. Des chantiers, du port, des voiles au ventre désiré, l’œil poursuit avec rythme, cadence, emballement, les métamorphoses d’un corps. Point de vue sur le monde clos d’une plage, Vacance déroule un certain ordre des choses où le corps joue de force, où le désir hurle sa puissance de phéromones et de fécondité. Là, le poète poursuit l’aventure de Dans l’herbe, avec sans doute une plus grande prégnance et une géographie sensuelle des lieux connus, Sète, Palavas.
L’écriture poétique de Malzac ne ressemble à aucune autre, et sa prose poétique, sans interruption, interroge la langue et ses ressources infinies ; l’énumération, équivalent de la logorrhée, stimule l’imaginaire du lecteur et suscite les prolongements de la lecture. On est ici toujours dans le « vivre vite » qui jaillit des mots, des consonances, de la litanie érotique aussi qui s’énonce crue, indistincte, sans genre, puissamment décrite à force de jets, de sperme, de seins regardés.
« Les bêtes, les chiens, les gens, les grandes grues à l’ouest, les chevaux, les taureaux, les flamants roses dans la boue, sur la digue, à l’abreuvoir et dans les vignes, j’aime ça, c’est moi complètement, c’est moi, c’est moi aussi la mort dans les sacs en plastique et dans le sable et dans les ventres » (p.46).
Peu d’images dans cette description hallucinée du réel, ethnographié comme dans un constat, une phénoménologie des sens à l’œuvre, de ce qui peut se palper, se nouer, être pris. Le livre ainsi dépense en mots cette urgence pluvieuse des sens alertés, larguant haut et fort les empreintes du vivre, pour mieux demeurer en soi, et vivant.
Les promesses sont hautement tenues par un poète personnel, original, qui fore en lui ses forces et faiblesses.
Philippe Leuckx
Victor Malzac, né en 1997, est l’auteur de trois livres de poésie : Respire (La Crypte), Dans l’herbe (Cheyne), et Vacance (Cheyne). Prix de la Vocation.
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