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Les Livres

Meurtres en modulation de fréquence, Albert De Morais (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Jeudi, 15 Septembre 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Meurtres en modulation de fréquence, éditions Douro, septembre 2021, 336 pages, 21,50 €

Le roman policier d’Albert De Morais (dont nous révèlerons l’identité à la fin de la présente note) constitue une véritable réussite gastronomique par la composition savoureuse et pittoresque de ses ingrédients, sa fluidité narrative rehaussée d’un suspense et agrémentée de surprises appétissantes que l’auteur nous sert avec brio.

Nous suivons ici le parcours du narrateur Alban Guégan (connaissance mi-réelle mi fictive de l’auteur qui, d’ailleurs, apparaît lui-même dans cette histoire aux pages 103-109), trentenaire arrivé à Paris à l’âge de dix-huit ans, gérant de trois restaurants dans la Capitale après avoir exercé divers métiers, passionné de mener une vie intense et à cent à l’heure au contact de ses rencontres professionnelles et amoureuses. Confronté malgré lui au meurtre d’un représentant de l’Église déclenchant l’intervention de la DGSE (service de l’État placé sous l’autorité du pouvoir exécutif), Guégan nous entraîne au fil des péripéties et de sa vie aventureuse dans la réalité innovante et fébrile des années 1980 avec, en poche, une possible nouvelle carte à jouer pour se lancer une fois de plus dans une reconversion professionnelle via la création d’une radio libre dédiée à la Bretagne, aux Bretons qui en sont originaires et amoureux.

Dictionnaire amoureux de la Belle Epoque et des Années folles, Benoît Duteurtre (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Mercredi, 14 Septembre 2022. , dans Les Livres, Recensions, Essais, La Une Livres, Plon

Dictionnaire amoureux de la Belle Epoque et des Années folles, Benoît Duteurtre, Éd. Plon, août 2022, 638 pages, 25 € Edition: Plon

Le genre de la Collection du Dictionnaire amoureux implique toujours des choix, des omissions, des mises en avant délibérées, des rejets, parfois… Benoît Duteurtre, dans ce Dictionnaire amoureux de la Belle Époque et des Années folles, a fait le choix de retenir beaucoup de références, certaines célèbres, d’autres ayant bénéficié d’une notoriété moindre ou ayant disparu de la mémoire historique commune. Dans l’introduction de ce volumineux Dictionnaire, l’auteur prend le parti de considérer ces deux périodes comme une continuité. Elles ont toutes deux, nous dit l’auteur, « les mêmes racines intellectuelles ».

La Belle Époque fut fertile en expérimentations, innovations et découvertes multiples. Ces dernières furent prolongées durant les Années folles dans de nombreux domaines : la peinture, dont les formes et les couleurs nées de l’impressionnisme, font place au fauvisme, au cubisme, à l’École de Paris. La révolution musicale préparée par Debussy, Ravel ou Stravinsky dans les années 10, s’impose dans les années 1920-1930 par la production de ballets et de symphonies signées Roussel, Darius Milhaud.

L’élève du philosophe, Iris Murdoch (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Mercredi, 14 Septembre 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Iles britanniques, Roman, Gallimard

L’élève du philosophe, Iris Murdoch, Gallimard, 1985, trad. anglais, Alain Delahaye, 606 pages, 23,20 €

 

George et Stella McCaffrey rentrent sous une pluie battante, passablement ivres, d’un repas de famille. L’habitacle retentit de leur dispute lorsque l’accident se produit. Le véhicule dont George a pu s’extraire tombe dans le canal. Mais le mari a-t-il aidé l’engin à basculer dans les eaux troubles avec l’intention d’assassiner sa femme ? Le Père Bernard, témoin inattendu de la scène, en a peut-être une idée.

La question primordiale est pourtant celle-ci : pourquoi la colère de George est-elle devenue incontrôlable lorsque Stella a évoqué l’arrivée annoncée de Rozanov ? Et ce célèbre philosophe, ancien professeur de George installé aux Etats-Unis, revient-il dans sa ville natale pour écrire le livre de sa vie ou pour une raison plus obscure ? Ce qui est certain, c’est qu’il provoque l’émoi de toute la population de cette station thermale que le narrateur, parce qu’il tient à rester anonyme sous l’initiale de N., décide de nommer Ennistone. Ses habitants, des plus marginaux comme Diane, prostituée maîtresse de George, aux notables, se retrouvent hebdomadairement aux thermes. Ne pas paraître autour des piscines, bassins, cascades fait autant jaser qu’y paraître faussement serein ou mortellement contrarié. Rozanov s’y montrera-t-il ou préfèrera-t-il prendre les eaux dans l’une des chambres dont peuvent disposer les baigneurs désireux de discrétion ?

Présence de la mort, Charles-Ferdinand Ramuz (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 13 Septembre 2022. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Présence de la mort, Charles-Ferdinand Ramuz, Editions L’Aire Bleue, 2009, 160 pages, 11,85 € . Ecrivain(s): Charles Ferdinand Ramuz

 

Alors les grandes paroles vinrent ; le grand message fut envoyé d’un continent à l’autre par-dessus l’océan.

La grande nouvelle chemina toute cette nuit-là au-dessus des eaux par des questions et des réponses.

Pourtant, rien ne fut entendu.

Qu’attendre après cet incipit ? La prière du monde, et elle vient. La sublimation de la langue, et elle vient. La présence de Ramuz à son œuvre, et elle vient. L’immense beauté de la littérature, et elle vient.

La peur est un thème récurrent chez Ramuz. Elle n’a pas toujours un objet défini mais elle est ontologique, rivée aux hommes comme leur ombre même. Quelques années après ce roman, Ramuz écrira La Grande Peur dans la montagne, ouvrage qui concentrera l’essence de la peur ramuzienne : elle est diffuse, générale, elle touche à l’universel, elle est d’autant plus effrayante que nul ne peut rien contre sa cause car on ne la connaît pas.

Le miel et l’amertume, Tahar Ben Jelloun (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Mardi, 13 Septembre 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Le miel et l’amertume, Tahar Ben Jelloun, Folio, juin 2022, 257 pages, 7,80 €

 

A Tanger, au sous-sol de sa maison bourgeoise dont il a abandonné et quasiment condamné les niveaux supérieurs, un couple survit dans la précarité voulue, proche de la misère, d’une cave aménagée de façon rudimentaire, au rythme d’incessantes querelles sordides.

Le roman est fait de l’alternance régulière, en de courts chapitres, des voix, à la première personne, de ces deux personnages principaux, Mourad le mari et Malika l’épouse. S’y intercalent ici et là, épisodiquement, celles des fils, Moncef, émigré au Canada, et Adam, employé, marié et établi à Tanger. Intervient plus régulièrement celle, puissante, poignante, posthume, de la fille, Samia, dont le destin tragique, aux circonstances absolument occultées par les narrateurs alternatifs, y compris par elle-même, jusqu’au dernier quart du récit (ce qui entretient ainsi un suspense captivant pour le lecteur), a précipité la détérioration d’une relation conjugale déjà fortement dégradée au moment où se produit ce que chaque protagoniste n’évoque jamais plus précisément que par cette expression unique et pudique : « la tragédie ».