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Les Livres

Le Rayon vert, Jules Verne (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 29 Mars 2023. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

Le Rayon vert, Jules Verne, Folio, février 2023, 160 pages, 3 € . Ecrivain(s): Jules Verne Edition: Folio (Gallimard)

 

Publié en 1882, Le Rayon vert est un bref roman de Jules Verne inspiré d’un phénomène optique extrêmement rare – et pour lequel ce récit provoquera un engouement relatif à l’époque : dans certaines conditions météorologiques précises difficiles à réunir, le soleil couchant émet un « rayon vert ». C’est ce rayon vert que veut voir la jeune Helena Campbell avant d’accepter de se marier à Aristobulus Ursiclos, scientifique auquel la destinent ses oncles, aussi riches que bienveillants Ecossais, les frères Melvill, soumis au moindre caprice de leur nièce. Bien sûr, la mécanique se grippe et si le rayon vert est bel et bien émis, il a un sens autre qu’optique – sauf à considérer qu’il permet d’ouvrir les yeux sur certains phénomènes autres que scientifiques.

Ce roman n’a que peu l’aura des aventures épiques auxquelles Verne a habitué tous les adolescents (et les adultes restés ouverts à leurs goûts d’enfants) francophones depuis un siècle et plus, il est attachant à bien des égards, dont celui-ci, particulier chez cet auteur à la curiosité scientifique insatiable capable de disserter des pages durant sur la façon dont l’oxygène est renouvelé lorsque le Nautilus est en plongée : c’est un roman où l’absence de goût pour la science l’emporte sur l’obsession pour les données chiffrées et le savoir engoncé ;

Nous nous attendons, précédé de Iris, c’est votre bleu, Ariane Dreyfus (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 29 Mars 2023. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie

Nous nous attendons, précédé de Iris, c’est votre bleu, Ariane Dreyfus, Poésie/Gallimard, février 2023, 272 pages, 9,10 €

 

Attention, cette lyrique n’a pas peur du mal :

 

« Parfois une histoire comme un caillou

Tombe, j’en ramasse une :

“Du lait mauvais”

Cette toute petite fille ne ment pas.

Elle parle comme elle l’a vécu : “Du lait mauvais”.

Un homme empoignait son sexe pour lui ouvrir la bouche avec.

Est-ce qu’il y a une pitié dans le langage ?… (p.93)

Pereira Prétend (Sostiene Pereira, 1994), Antonio Tabucchi (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 28 Mars 2023. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard), Italie

Pereira Prétend (Sostiene Pereira, 1994), Antonio Tabucchi, 10/18. Trad. De l’italien par Bernard Comment, 213 p. . Ecrivain(s): Antonio Tabucchi Edition: Folio (Gallimard)

 

Antonio Tabucchi prétend avoir écrit ce livre. Mais rien n’est sûr avec l’écriture. Quand un héros prétend dire et faire ce que l’auteur raconte, on peut supposer que l’auteur prétend être l’auteur. Au-delà de ce petit tourbillon malicieux il ne faut pas se tromper : on est au cœur d’une des interrogations centrales de la littérature : quelle est la part de la tromperie, de l’illusion dans le roman ? On peut répondre que tout roman n’est que tromperie et illusion mais ce serait bien simpliste : tout roman charrie une large part de vérité, qu’elle vienne de la vie de l’auteur ou d’événements, historiques par exemple. Et Antonio Tabucchi tisse la toile du roman dans l’interrogation sur l’acte littéraire, en posant la question vertigineuse de l’abyme dans l’écriture, du jeu de poupées russes que la fiction permet, à la manière de la syntaxe emboitée des rêves.

La Copiste, Jean-Michel Mestres (par Anne Morin)

Ecrit par Anne Morin , le Lundi, 27 Mars 2023. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La Manufacture de livres

La Copiste, Jean-Michel Mestres, La Manufacture des livres, novembre 2022, 219 pages, 18,90 € Edition: La Manufacture de livres

 

 

Qui est derrière la copie d’une des plus belles pièces de Claudel, Partage de Midi ? Echafaudée, conçue comme une poupée russe, l’enquête que mène l’auteur attire, tire l’œil d’abord par sa couverture : on y lit le déchirement, la déchirure, la tristesse profonde d’un regard. Tenir en haleine, réverbérant à la fois le lointain venant à soi et les choses du passé.

Œuvre de longue haleine, la copie doit être appliquée. Pas une altération, pas un point, pas une virgule en trop ou en moins. Il faut s’atteler, s’abstraire de tout ce qui n’est pas cet enchaînement de mots : « J’ai hâte que les théâtres rouvrent et que la Comédie-Française reprogramme Partage de Midi. J’aviserai au sort du carnet. Je n’irai pas à Isle, c’est trop tard. Mais j’irai vers l’inconnue. Il en existe qui ne sont pas des êtres de papier » (p.218).

La Chanson de la beauté du temps, Zhai Yongming (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 27 Mars 2023. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

La Chanson de la beauté du temps, Zhai Yongming, éditions des femmes Antoinette Fouque, janvier 2023, trad. chinois, He Yuhong, 128 pages, 15 €

 

Modernité

Ce que je retiens de la poésie de la poétesse chinoise Zhai Yongming, c’est le mot de modernité. Car si l’on écoute la voix de Confucius ou celle de Lao Tseu, la prosodie classique, par exemple la poésie Kin, Yuan, Wei ou Han, l’on devine combien cette Chanson de la beauté du temps a de caractéristique, de singulier et de captivant. En ce sens, l’édition bilingue peut faire voir combien cette langue est soutenue, littéraire et riche d’idéogrammes recherchés sans pédanterie ; là l’opinion d’un simple lecteur du français.

Cette face moderne d’une Chine qui change – on le voit très bien depuis l’Europe –, cette espèce de voix unique rappelle celle de Sylvia Plath ou d’Anne Sexton, une tentative d’expression teintée de confessionalisme. La poète n’hésite pas à décrire des beuveries ou le goût légèrement âcre de rencontres de passage. Est-ce issu de la jeunesse de Zhai, qui devait aborder la trentaine lors des événements tragiques de Tian’anmen ?