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Les Livres

Mon oncle le jaguar & autres histoires, João Guimarães Rosa (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 25 Octobre 2022. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Amérique Latine, Nouvelles

Mon oncle le jaguar & autres histoires, João Guimarães Rosa, éditions Chandeigne, 2016, trad. Portugais (Brésil) Mathieu Dosse, 432 p. 22€

 

Ce recueil de nouvelles (Histoires ? Contes ?) constitue un univers à part, tant dans l’œuvre du grand Guimarães Rosa que dans la littérature. Les situations, les scènes, les personnages, les histoires (il y en a neuf) nous mènent au cœur d’un dépaysement absolu, d’un monde stupéfiant, d’une langue propre à l’auteur où les mots sont recomposés souvent, créés de toutes pièces parfois, toujours lumineux cependant dans leur justesse sémantique. Ces neuf contes construisent un univers où les hommes sont au plus près de la Création, en osmose parfaite avec la nature et les animaux, comme dans une sorte de genèse biblique où le vivant forme un tout, indissociable et solidaire.

Bon nombre de ces histoires ont pour héros véritables des animaux. Féroces, domestiques, ennemis, amis, créatures monstrueuses ou fidèles compagnons, tous s’inscrivent dans un lien serré avec les hommes.

Il faut peu de mots, Martine Rouhart (par Parme Ceriset)

Ecrit par Parme Ceriset , le Mardi, 25 Octobre 2022. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Poésie, Editions du Cygne

Il faut peu de mots, Martine Rouhart, Éditions Du Cygne, août 2022, 52 pages, 10 € . Ecrivain(s): Martine Rouhart Edition: Editions du Cygne

 

Dans ce très beau recueil, Martine Rouhart partage son amour des mots, ces mots qui l’accompagnent dès les premières lueurs du jour, ce « peu de mots » qu’elle réveille pour « combler l’heure vide d’avant l’aube ». Dans un style sobre et épuré, au fil des mots, elle trace un chemin de « solitude heureuse jusqu’à la mer », comme si la mer était le lieu ultime de l’épanouissement de l’être après avoir traversé, grâce à la poésie, ces « mondes endormis », enfouis au fond de l’inconscient. Les mots sont en quelque sorte des clés qui ouvrent les portes du mystère.

Et c’est « de toute son âme » que l’auteure « chante » sa façon si belle et si particulière « d’être au monde », son rapport esthétique à l’éphémère : « en marchant / j’écris des mots /sur les nuages / tant mieux / si leur trace s’efface / avec le vent ». Cette conception de l’existence n’est pas sans rappeler l’âme de la poésie asiatique de Wang Wei, pour le goût de la concision, pour le rapport à la nature et au temps. Martine Rouhart livre avec générosité et humilité des « fragments » d’elle-même, de cette poète qu’elle est devenue, de cette part d’elle qui lui « échappe » aussi.

Confrontations, François Amanecer (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Lundi, 24 Octobre 2022. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Confrontations, François Amanecer, éditions de Corlevour, Revue NUNC, mai 2022, 192 pages, 19 €

 

Profession de foi

Dans le dernier livre de François Amanecer, Confrontations – dédié à Jean-Pierre Jossua, écrivain et théologien dominicain français (1930-2021) –, déclare que, concernant Le Poète, « sa très haute fonction est d’aboucher l’homme au cosmos », étant « passeur entre les mondes ». L’ouvrage soulève la question de la création – un phénomène, un « en-soi » ou un dédoublement, ou bien une schize, une coupure. François Amanecer analyse la partie sombre ou lumineuse de la psyché de différents auteur.e.s et le fait de « se confronter à la déité ». Il articule sa réflexion entre deux axes : « athéisme et foi », et spécifiquement sur « la plausibilité d’une intervention divine » et ce, à travers les professions de foi littéraires, visuelles et spirituelles de seize figures – dont seulement trois femmes, mais non des moindres…

Les Hommes tissent le chemin, Bernard Grasset, éditions Soc & foc (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 24 Octobre 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie

Les Hommes tissent le chemin, Bernard Grasset, éditions Soc & foc, peintures de Jean Kerinvel, 2014, 12 €

 

Le voyage des signes

L’ouvrage encore assez récent que signent Bernard Gresset et Jean Kerinvel, est bâti sur une collaboration de deux formes artistiques : l’écrit et l’art plastique. Ici, les deux auteurs sont à égalité, le poème suggérant le texte, et la peinture produisant le récit de l’écriture. Tous deux représentent des expressions capables de faire croître l’homme, de nous autoriser à revenir à une relation spirituelle tout autant par le voyage, sorte de bulle immobile, que par l’action de l’art. Relation à la contemplation, celle de la nature, de l’art, penchant sur le besoin d’agrandissement de notre habitation humaine. Car l’être humain ne finit pas, toujours pris entre les deux tangentes de la matière et de l’esprit, du corps et de la pensée. L’être, son ontologie, dépassent le cadre narcissique d’un Je susceptible d’être aimé pour lui-même, mais un Je qui questionne le Je, le Je-suis-je de Parménide.

Le Dernier des Justes, André Schwarz-Bart (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 21 Octobre 2022. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Seuil, Points

Le Dernier des Justes, André Schwarz-Bart, Points, 448 pages

Est-il un roman plus bouleversant, plus poignant, plus accablant, plus désespérant que celui-ci ? On a écrit, on a dit, on a fait des documentaires et on a publié, à juste raison, des sommes de documents écrits, photographiques, audiovisuels sur la Shoah, sur l’Holocauste. Primo Levi en a livré un effroyable témoignage. Steiner a « raconté » Treblinka. Il y a eu Nuit et Brouillard, les minutes du Procès de Nuremberg. Des survivants ont témoigné, douloureusement. On a filmé, on a « visité » Auschwitz, Buchenwald… Qui affirme n’avoir aucune connaissance de l’horreur est ignare, hors du temps, ou menteur. Bien sûr, hélas il y a les immondes révisionnistes, les crapules négationnistes. Ceux-là, qu’ils aillent au diable ! La puissance du Dernier des Justes annihile leur puante existence. Car la haine antisémite n’est pas, l’expose ici magistralement Schwarz-Bart, « seulement une histoire du XXe siècle » : ça dure, ça se répète, ça revient, c’est récurrent, depuis les siècles des siècles de « l’ère chrétienne » fondée sur « l’amour du prochain ». Du début à la fin du récit que le présent ouvrage fait commencer précisément le 11 mars 1185, on constate, on confirme, on ne peut que reconnaître que notre « civilisation », loin de s’améliorer, de « s’humaniser », tombe et retombe, régulièrement, dans l’inhumanité, la bestialité, la barbarie, en particulier et de façon odieusement systématique à l’encontre des communautés juives.