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Les Livres

Ainsi parlait Mihai Eminescu, Dits et maximes de vie, choisis et trad. roumain, Nicolas Cavaillès (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 12 Novembre 2024. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Anthologie

Ainsi parlait Mihai Eminescu, éditions Arfuyen, septembre 2024, Dits et Maximes de vie, trad. roumain, Nicolas Cavaillès, 174 pages, 14 €

 

Langage

Je ne crois pas que l’on puisse cataloguer la poésie de Mihai Eminescu de poésie purement lyrique, même si elle est hantée par une musique personnelle, un style, un bruissement intérieur, sorte de musique vocale dénuée de pathos, orientée décidément vers une intellection (intellection qui ne bannit pas l’émotion). Je dirais même que cette réunion de textes de l’auteur de langue roumaine pourrait se tenir entière sous un néologisme : une philo-poésie. Car ses poèmes apprennent à penser. Une esthétique qui n’a pas peur de la réflexion, une esthétique qui pense, qui se pense comme une esthétique.

Nous sommes d’ailleurs à dire vrai, davantage dans l’art que dans la littérature (ce que je préfère). Il me semble que celui-là est plus fort que celle-ci. De ce fait, il faut tout sacrifier ici à l’art, penser, écouter, étudier, approfondir, comprendre où se loge le génie.

L’Escalier de la rue de Seine, Fouad El-Etr (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 08 Novembre 2024. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, L'Atelier Contemporain

L’Escalier de la rue de Seine, Fouad El-Etr, L’Atelier Contemporain, juin 2024, 280 pages, 25 € Edition: L'Atelier Contemporain

 

 

« Comme je comprends que tu préfères laisser dormir ainsi chacun de tes pastels dans sa peau de pollen, sinon fleurir en poudre, comme dans un linceul, au gré des ans, plutôt qu’appeler sur eux les malédictions de la piqûre et de la rouille, qui sont les maladies héréditaires du dessin et du pastel en particulier » (Esquisse d’un traité du pastel, Lettre à Sam Szafran, Paris, le 9 octobre 1974).

« Ainsi ai-je inventé La Délirante, du beau nom d’un voilier qui croisait au large de Porquerolles, à deux encablures d’ici, pour aller à contre-courant en quête de l’Absolu. Ma ligne d’horizon a de tout temps été la poésie, pour autant que le délire en soit la possession » (L’Escalier de la rue de Seine).

Jusqu’à Faulkner, Pierre Bergounioux (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 07 Novembre 2024. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Récits, Gallimard, En Vitrine, Cette semaine

Jusqu’à Faulkner, Pierre Bergounioux, Gallimard l'un et l'autre, 160 p. 15 € . Ecrivain(s): Pierre Bergounioux Edition: Gallimard

 

Un essai sur la littérature ? Peut-être. Sûrement. Mais aussi et surtout le journal personnel d’un homme d’écriture. Son cheminement à travers les œuvres et les auteurs de sa vie. La réflexion de Pierre Bergounioux est éminemment intime, mais elle touche aussi à l’universel, par la rigueur de la pensée, l’objectivation des arguments, les références incontestables. Cet ouvrage est une démonstration, s’il en fallait, que la littérature n’est pas seulement une affaire de goût, mais surtout de qualité objective, d’inspiration, de talent, d’écriture, en un mot, de style. Jacques Lacan disait « tout ce qui n’est pas matérialité est escroquerie » ; Bergounioux le dit à sa manière pour la littérature.

Depuis les débuts de l’écriture les hommes veulent raconter leur existence, en rapportant des faits puisés dans la réalité ou dans leur imagination. Mais en racontant, ils créent, à leur insu, une autre réalité, détachée de la première. La médiation écrite crée un univers en soi dont l’étendue échappe à la chose racontée. Un peu comme un signifiant détaché du signifié. Bergounioux rappelle ainsi avec force que – longtemps dans la littérature occidentale – seule l’écriture a compté vraiment.

Mademoiselle, Les Rêves interdits ou L’Autre versant du rêve, Jean Genet (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Mercredi, 06 Novembre 2024. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

Mademoiselle, Les Rêves interdits ou L’Autre versant du rêve, Jean Genet, Gallimard Coll. L’Imaginaire, avril 2024, 161 pages, 7,50 € . Ecrivain(s): Jean Genet Edition: Gallimard

 

 

Les titres successifs envisagés par Genet pour le scénario ayant abouti au film de Tony Richardson, diffusé en 1966 et assez mal accueilli, nous mettent sur la voie : le projet de  l’auteur n’est pas de nous raconter une histoire ancrée dans le réel et y renvoyant (encore qu’elle soit prenante et par sa langue épurée et par son cadre et par son déroulement implacable), mais de concrétiser grâce aux mots puis plus tard grâce à l’image, dans une forme admirablement maîtrisée, les pulsions d’un monde intérieur, ce qui nous révèle ce qu’aurait pu être sa relation avortée au cinéma (un « cinéma de la cruauté » pour détourner la formule d’Artaud ?), guère différente de sa relation au roman et au théâtre.

Mélancolie américaine, Joyce Carol Oates (par Nicolas Grenier)

Ecrit par Nicolas Grenier , le Mercredi, 06 Novembre 2024. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Poésie, Philippe Rey

Mélancolie américaine, Joyce Carol Oates, Éditions Philippe Rey, 2023, poèmes trad. anglais (États-Unis), Claude Seban, 129 pages, 17 € . Ecrivain(s): Joyce Carol Oates Edition: Philippe Rey

 

 

Amérique psychiatrique

Depuis la côte Est, à Princeton, dans le New Jersey, Joyce Carol Oates est un témoin de toutes les Amériques qui se placent sous le signe de Saturne. Dans son recueil de poésie de circonstance, Mélancolie américaine, qui alterne des poèmes, longs et courts, la petite histoire s’entremêle avec l’histoire des États-Unis. Tout l’Occident, des « sanitaires bouchés » de l’Hôtel Königshof, à Cologne, jusqu’à l’empire du Milieu, ressemble à une impasse métaphysique, tel que l’annoncent les premiers mots du poème Le tunnel, qui flottent au-dessus de la baie de San Francisco :