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Les Livres

Jeff Beck, Jean-Sylvain Cabot (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Mardi, 07 Janvier 2025. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Arts, Le Mot et le Reste

Jeff Beck, Jean-Sylvain Cabot, éditions Le Mot Et Le Reste, octobre 2024, 285 pages, 23 € Edition: Le Mot et le Reste

Une fois n’est pas coutume, commençons par la fin, ici, celle du guitariste Jeff Beck qui nous aura enthousiasmés tout au long de sa carrière, qui se termine le 10 janvier 2023, après avoir contracté une méningite bactérienne, son décès surprend tout le monde.

Jean-Sylvain Cabot a consacré un ouvrage à ce fameux guitariste que fut Jeff Beck. Un immense talent, « une personnalité fantasque, au caractère imprévisible, et on obtient le portrait d’un personnage inclassable, un caméléon impossible à ranger dans une case. D’où sa réputation chez les techniciens de guitariste pour guitaristes, réservé aux connaisseurs, aux initiés ».

Jeff Beck fut en effet ce guitariste touche à tout, « sa discographie mélange les genres passant du blues au rockabilly, du jazz-rock à l’électro. Et s’il n’a pas laissé de tube immédiatement identifiable, son jeu reste indéniablement inventif. Il n’est pour s’en convaincre qu’à (ré)écouter les Yardbirds, ou des albums comme Truth et Beck-Ola, tout comme Blow by Blow et Wired qui sont des classiques.

La Passeuse, Michaël Prazan (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 06 Janvier 2025. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits, Rivages poche

La Passeuse, Michaël Prazan, Rivages Poche, mai 2024, 366 pages, 9,80 € Edition: Rivages poche

Documentariste d’exception (on lui doit des films qui valent largement des ouvrages de vulgarisation dus à des historiens capés), Michaël Prazan, après avoir consacré son existence à décrire la vie des autres, s’est penché dans La Passeuse sur son propre passé ou, plus exactement, sur le passé de son père, qui avait été un « enfant caché » pendant la Seconde Guerre mondiale.

On sait qu’alors que leurs parents partaient pour un voyage sans retour, ce fut le sort de nombreux enfants juifs, envoyés à la campagne (dans une France encore largement rurale) et plus ou moins dissimulés dans des fermes ou présentés comme de vagues neveux. Un exemple parmi d’autres, celui de cette jeune Alsacienne de confession juive, réfugiée dans le Périgord, accueillie chez des paysans et dûment intégrée aux activités de la paroisse locale – sans perspective de conversion : le curé du village, qui savait très bien à quoi s’en tenir, lui avait appris les prières catholiques les plus usuelles, au cas où elle eût été interrogée par une autorité, et la faisait participer aux processions mariales en « enfant de Marie », histoire de parfaire sa « couverture » et d’éteindre d’éventuels soupçons. Ou, plus célèbre, le jeune et futur Serge Gainsbourg.

Échec et mat au paradis, Récit, Sébastien Lapaque (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 13 Décembre 2024. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits, Actes Sud

Échec et mat au paradis, Récit, Sébastien Lapaque, Actes Sud, septembre 2024, 336 pages, 22,50 € . Ecrivain(s): Sébastien Lapaque Edition: Actes Sud

 

« Au cours de son adolescence passée à Vienne, c’est dans les cafés qu’il a eu la révélation du jeu d’échecs. Il incarnait pour lui un style de vie, fait plutôt de rêveries que de défis mathématiques. Il aimait ses rites, ses codes, sa dramaturgie ».

« Lors de sa rencontre avec Stefan Zweig, quinze mois plus tard, Georges Bernanos lui a peut-être rappelé la leçon de saint Thomas d’Aquin reçue de la bouche d’un père dominicain ou d’un moine bénédictin du temps de sa jeunesse : l’espoir est une passion tournée vers ce qui est difficile ».

Nous sommes au début de l’année 1942 au Brésil dans la ferme de la Croix-des-Âmes à Barbacena, où Georges Bernanos reçoit Stefan Zweig, une longue rencontre, un dialogue sans fin, dont on ne saura rien, mais que Sébastien Lapaque va imaginer ; ce sera le cœur vibrant d’Échec et mat au paradis. Dans ce dialogue lumineusement inventé, on sent poindre la profonde inquiétude de Stefan Zweig, son désarroi d’avoir perdu sa patrie, sa terre, ses amis, et de sentir l’ombre nazi le frôler, même ici au Brésil.

La farce des Damnés (Auto dos Danados), Antonio Lobo Antunes (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 12 Décembre 2024. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue portugaise, Roman, Points, En Vitrine, Cette semaine

La farce des Damnés (Auto dos Danados, 1985), Antonio Lobo Antunes, Éditions Points, 1998, trad. portugais, Violante Do Canto, Yves Coleman, 330 pages, 7 € . Ecrivain(s): Antonio Lobo Antunes Edition: Points

 

Roman de la décadence – celle des suppôts de la dictature abattue – La farce des Damnés est en effet une farce burlesque, celle que joue une bourgeoisie lisboète terrorisée par la Révolution des Œillets dans laquelle ils voient le déferlement létal du communisme. La scansion « dentaire » du début du livre – des bouches truffées de dents cariées, de molaires déchaussées, d’abcès gingivaux – est métaphore du pourrissement d’une classe sociale qui a participé à l’oppression salazariste au Portugal et – on connaît le tropisme d’Antonio Lobo Antunes pour cette période – dans ses colonies. Le dentiste blasé qui explore encore et encore les cavités buccales de ses patients est au-delà de tout intérêt pour son métier, son monde, sa vie : il est l’expression ultime d’une caste à l’agonie.

Je nettoyai la cavité que le plastique avait laissée, soignai au mercurochrome les écorchures, les miasmes repoussants de cuisine campagnarde, les caries que la résine et le métal faisaient pourrir entre les dents.

Les Patientes, Sarah Stern (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Mercredi, 11 Décembre 2024. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

Les Patientes, Sarah Stern, éditions Des femmes-Antoinette Fouque, septembre 2024, 232 pages, 15 € Edition: Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

 

Les malades des minorités

« Étrangères souvent dans cette banlieue pauvre, enceintes, des femmes sans doute n’allaient pas bien, qui souffraient de l’exil, de l’isolement, du dénuement, de traumatismes et d’autres maux encore ». C’est là la substance du récit et de l’expérience de Sarah Stern, née en 1967, psychiatre et psychanalyste, qui a travaillé dans un intersecteur de pédopsychiatrie à Saint-Denis, auprès d’enfants et d’adolescents, au sein d’une maternité. Les soins sont prodigués en compagnie d’un collectif pour les malades issus des minorités, c’est-à-dire des « migrantes » (nouveau terme pour les immigrées).

L’exil ne se transmet pas, il est inscrit dans la chair comme une marque indélébile. Sarah Stern va rendre compte de la réalité des invisibilisées de la ville de Saint-Denis en Seine-Saint-Denis, ville pauvre, ville historique, « ville de passage ».