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La Une CED

Le festin des hyènes, Fabienne Juhel (par Martine L. Petauton)

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mardi, 16 Novembre 2021. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Le festin des hyènes, Fabienne Juhel, Le Rouergue, Coll. La Brune, octobre 2021, 208 pages, 18,80 €


On connaît Fabienne Juhel, et les fers au feu de ses beaux livres : servis par une belle écriture parfaitement maîtrisée, l’art de raconter une histoire, des envolées souvent frisant un rien le fantastique, des personnages que le lecteur n’a garde d’oublier, des tableaux historiques bien calés dans un décor précis comme au cinéma. Et puis, la « musique Juhel », à mi-chemin entre réalisme et lyrisme de bon aloi, parfumé au meilleur du poétique…

Dans ce dernier livre – pas le moins abouti – la caméra se transporte en Afrique noire, époque actuelle, l’Est, au bord d’un lac du grand rift, mais on devrait pouvoir trouver du similaire dans l’Ouest sub-saharien.

On savait hélas, la persistance du « vagin denté » de sinistre mémoire, et de l’ablation du clitoris des petites filles ; nous voilà dans le « festin des hyènes » ; hyènes, nom donné à ces jeunes ou moins jeunes hommes dont la « tâche » si ce n’est le devoir ancestral, est de déflorer les vierges, pour les préparer à leur vie future de femme et de mère – le « kusasa fumbi »… C’est donc un livre qu’on lira dans le silence du citoyen qui est à l’évidence convoqué d’un bout à l’autre du livre, en creux, toujours.

L’acteur, Hélène Revay (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 15 Novembre 2021. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Théâtre

L’acteur, Hélène Revay, Les éditions Sans Escale, octobre 2021, 70 pages, 13 €

 

Plus l’homme avance, moins il aura à quoi se convertir (Cioran)

 

Soliloque

En parcourant cette pièce, j’ai été vite persuadé que Samuel Beckett avait influencé la matière de ce travail. On y reconnaît la syntaxe d’un désespoir, la trace de présences innommables, sans nomination objective, l’absurdité donc de l’existence humaine. Cette impression est restée durable. Hélène Revay a suivi un cursus de philosophie à la Sorbonne, et sachant cela mon intuition a été définitive.

Cela dit, il reste à décrire la relation du lecteur à la pièce de théâtre, lecture dans un fauteuil. L’action n’est pas ici négligée, et on attend très nettement de voir la situation du personnage, de l’acteur, évoluer. Et l’on accepte bien aussi la mise en abîme du théâtre au théâtre, car le personnage n’hésite pas à dire qu’il est acteur et qu’il est dans un théâtre.

Nouveau Départ (La saga des Cazalet, IV), Elizabeth Jane Howard (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 12 Novembre 2021. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Nouveau Départ (La saga des Cazalet, IV), Elizabeth Jane Howard, La Table Ronde/Quai Voltaire, octobre 2021, trad. anglais, Cécile Arnaud, 624 pages, 24 €

 

Un petit empire

Elizabeth Jane Howard poursuit le quatrième volume de sa saga familiale, dans un style narratif qui s’immobilise souvent dans la contemplation et la description de détails d’une infinie préciosité. La plupart des membres de la famille Cazalet s’installent à Londres : les trois frères, Hugh le veuf, père de Polly, Simon et Williams ; Edward le sensuel, père de Louise, Teddy et Lydia, et Rupert, le revenant, père de Clarissa, Neville et Juliet. Seule reste à Home Place, avec « sa rocaille et ses roses », la Duche, car le Brig va décéder. Et tapis ici, les rancœurs, les rejets, les maladies, la décrépitude et la mort. Les récits rétrospectifs permettent de se familiariser ou de retrouver chacun des personnages, lesquels régressent ou évoluent, au caractère plutôt conservateur, dans l’après-guerre, de 1945 à 1947, au milieu des démobilisés, des disparus, d’« un million de personnes sans logis ». D’où l’importance de la nourriture, des objets chers et chéris, comme ce « petit mouchoir de dentelle blanc », symbolisant l’ancrage affectif au milieu de la pénurie d’un Londres dévasté.

Chant continu, Thibault Biscarrat (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 10 Novembre 2021. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Poésie

Chant continu, Thibault Biscarrat, éditions Conspiration, octobre 2021, 86 pages, 9 €

 

Couronnement

Le chant continu de Thibault Biscarrat est une sorte de psaume rituel qui se consacre et se resserre sur une action : celle de l’élévation spirituelle. On ne cesse jamais de se pencher sur le chemin qui va montant, vers le haut, appel au couronnement symbolique, sacré, métaphysique. Invitation à la hauteur, peut-être un peu au vertige, à la présence, la Présence. Présence supérieure qui n’est pas si difficile gravir, et qui est surtout musicale. On connaît les recommandations du Concile de Trente et les règles en matière de musique baroque. C’est dans ce sens que je parle de musique ici. Car avec de simples mots (comme de simples notes) tels : chant, hauteur, voie, verbe, infini, eau, voile, le poète arrive à construire une espèce de contrepoint. Est-ce que cela ressemble à un mantra ? L’origine du poème est-elle arpège ? Sommes-nous en mode mineur ou majeur ? Cette répétition presque obstinée de ces mots (ces notes de la partition) ne nuit pas au poème mais le justifie.

La Leçon de Tango, Paule Brajkovic (par Pierrette Epsztein)

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Mardi, 09 Novembre 2021. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

La Leçon de Tango, Paule Brajkovic, éditions Au Pays Rêvé, 2020, 112 pages, 12 €

 

C’est la première fois que Paule Brajkovic se lance dans le roman policier. Elle nous narre un étrange périple que nous suivons avec fébrilité pour tenter de comprendre dans quel imbroglio l’auteure va nous embarquer. Nous pénétrons dans un maquis touffu qui sert à nous désorienter pour revenir au véritable sujet de cette narration.

Tentons d’abord de mettre le lecteur dans l’ambiance qui baigne dans ce récit. Un jour à une terrasse de café, un jeune écrivain en quête désespérée de célébrité, rencontre un douteux personnage. Est-il là par hasard ou a-t-il repéré celui qui acceptera de passer avec lui un étrange contrat ? Au cours de ce premier dialogue, ils finiront par se nommer. Le premier s’appelle Livio Periscritto et se dit biographe dont le rôle consiste à se mettre dans la peau d’un autre pour en écrire la trajectoire, et celui qui l’a abordé se présente comme Moloch Horatio. Horatio est un prénom qui signifie le mystère et Moloch est ce dieu auquel les Ammonites, une ethnie cananéenne, sacrifiaient leurs premiers-nés en les jetant dans un brasier. Quant aux ammonites ce sont des mollusques fossiles à corne de bélier. Les noms ne sont pas choisis par l’auteur au hasard. Ils définissent bien les deux protagonistes et leur spécificité. Ils nous donnent un premier indice. Nous voilà déjà embarqués dans une enquête qui nous conduira ou non vers le dénouement de cette inquiétante aventure.