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La Une CED

Passe et impasse, par Jean-Paul Gavard-Perret

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mercredi, 02 Mars 2016. , dans La Une CED, Ecriture, Nouvelles

 

Rien ne fait que le réel s’épuise dans le mot, il n’est qu’une question ouvrant à l’ignorance. Néanmoins nous n’irons jamais plus loin qu’en entrant dans l’écriture même si le monde s’y est précipité bien avant.

Viendra le jour où pourtant nous aurons honte d’avoir perdu tout ce temps. Notre seule excuse sera celle de Beckett : « Bon qu’à ça ». L’insuffisance des mots aura donc suffi à notre existence jusqu’au silence semblable à notre langue. Ses mots auront inventé un isolement de plus. Mouvement emporté par un rêve tout en lui échappant. Enfermés et comme extérieurs à nous-mêmes. Que nous voulions mettre un ordre n’importe peu.

Le réel se déplace, inamovible, dans son accomplissement. La parole lui échappe, elle commande de toute son impuissance. C’est l’amplification du silence. Elle laisse les mots sans paroles à mesure que nous les connaissons. Avant même d’apparaître ils disparaissent. C’est le pas du pas où la marche abandonne.

Balance, par Joelle Petillot

Ecrit par Joelle Petillot , le Mardi, 01 Mars 2016. , dans La Une CED, Ecriture, Création poétique

 

 

 

Bleues nos peines, bleues les morsures, bleues les larmes.

La tristesse balance et porte, dans le tangage vient la paix.

Le passé valse lente, l’avenir blanc d’écume.

Balance.

Les souvenirs se fondent. Vienne le moment où ils ne blessent plus.

Mer-horloge, vagues qui gomment.

Balance.

Henry James chez Rivages Poche

Ecrit par Didier Smal , le Vendredi, 19 Février 2016. , dans La Une CED, Les Chroniques

 

Le Siège de Londres, et Autres Nouvelles, Henry James, Rivages, janvier 2016, trad. anglais (USA) Jean Pavans, 480 pages, 9,20 € ; La Tour d’Ivoire, trad. anglais (USA) Jean Pavans, 326 pages, 9,20 € ; Mémoires d’un Jeune Garçon, trad. anglais (USA) Christine Bouvart, 384 pages, 9 € ; janvier 2016, Rivages.

 

Le 28 février 1916, à l’âge de soixante-treize ans, l’auteur américain Henry James rendait l’âme et la plume à son Créateur, après l’avoir plus que dignement servi par une grande quantité d’écrits, surtout des nouvelles et des romans, dont la plupart conservent aujourd’hui une pertinence rare. Il n’est que de voir la récente (2012) adaptation et transposition à l’époque contemporaine du roman Ce que Savait Maisie (1897) pour se rendre compte du génie d’observation d’Henry James et de la modernité absolue de son regard : qui aurait pensé à écrire un divorce, phénomène que l’auteur observe autour de lui en pleine expansion, et toutes ses dérives, du point de vue de l’enfant ? Un fin observateur de l’espèce humaine dans sa variante protestante nord-américaine et européenne, ni plus, ni moins.

Un coup de vent - Journal de lecture du Don Quichotte en la Pléiade (6)

Ecrit par Marc Ossorguine , le Jeudi, 18 Février 2016. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques régulières

 

Nous voilà arrivés au plus célébrissime tableau des prouesses de notre chevalier : son combat contre les moulins à vent. Un épisode si exemplaire qu’il en est devenu proverbial. Au delà de la farce évidente, la question peut être soulevée de ce qui fait que cette déroute-là est devenue emblématique de l’œuvre. Fuyant tous les commentaires existant, le lecteur essaye de faire le ménage dans les images, réminiscences, allusions, références partielles et partiales qui peuvent malgré lui revenir concernant cette histoire de combat contre des moulins pris pour des géants. Tenter d’arriver le plus vierge et disponible possible au texte et à l’histoire. Non pas s’imaginer ou essayer de se prendre pour le lecteur d’il y a quatre siècles, mais simplement essayer d’être un lecteur détaché de tout ce qui peut faire commentaire et qui précéderait à l’œuvre elle-même, la transformant en une espèce de commentaire sur le commentaire de l’œuvre et sur l’œuvre elle-même. Puisse le vent qui fait tourner les moulins faire un peu le vide et permettre une lecture qui ne puisse surtout pas dire « oui, oui, je sais » et qui ne se rassure pas dans la confirmation de ses connaissances et de son opinion. Que le vent souffle et qu’il nous transporte au côté des personnages, poussant au loin notre voix importune, effaçant la rumeur bruissante des exégèses, des interprétations et des possibles trahisons.

Un musulman, par Amin Zaoui

Ecrit par Amin Zaoui , le Mercredi, 17 Février 2016. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques régulières

 

J’ai la rage. Montrez-moi un seul musulman, un vrai musulman sur cette boule de terre ronde ! D’abord, qu’est-ce qu’un vrai musulman ? L’islam, religion d’Ibn Sina, Ibn Ruchd, Omar Khayyâm, Abou Nouas, el-Djahid, Om Kalthoun, Mahmoud Darwich, Faraj Fouda, Abdelkader Alloula, Mohamed Dib, Mouloud Mammeri, Mohamed Arkoun, Jalal Eddine Arroumi, al-Halladj, Ikhwane Assafa, El Mouatazila, El-Karamita, Ezzindj…, cet islam se trouve, aujourd’hui, coincé entre la voix ou la voie d’un attaghout (tyran) d’un côté et la voix ou la voie d’un irhabi (terroriste) de l’autre côté. Et entre ces deux pestes, les musulmans, tous les musulmans sont pris en otages. Otages politiques. Otages de la peur.

Otages culturels. J’ai la rage ! Je cherche un musulman, un seul musulman, dans cette terre d’islam ou même dans les terres des kouffar là où par le fait de l’histoire des musulmans se sont installés ! Je suis à la recherche d’un musulman qui peut se réclamer musulman sans avoir un autre musulman qui le condamne dans sa foi. Qui l’accuse dans sa religion et lui désigne sa place en enfer. Indiquez-moi, svp, un musulman sur cette terre qui vit avec une conscience religieuse tranquille ? Le musulman chiite est un mécréant aux yeux d’un musulman sunnite ! Il faut lui déclarer la guerre sainte. Le musulman sunnite est un traitre aux yeux du chiite. Une guerre qui perdure depuis la mort du Prophète. Un ismaélite est un égaré aux yeux du chiite et du sunnite. Infidèle.