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La Une CED

A propos de Ainsi parlait Oscar Wilde (Arfuyen)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 20 Février 2017. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques régulières

 

Le dandy blessé

Ainsi parlait Oscar Wilde, Oscar Wilde, Arfuyen, janvier 2017, trad. Gérard Pfister, 165 pages, 13 €

 

Il y a sans doute une double inflexion dans l’œuvre d’Oscar Wilde, inflexions qui recoupent les genres qu’il a parcourus – théâtre, roman, textes divers, correspondance… –, et qui reposent sur des faits objectifs. Tout d’abord, la vie de l’homme, et son destin, aristocrate irlandais qui a subi un déclassement social, qui l’a conduit jusqu’à la mort à Paris en 1900. Son inculpation d’homosexualité, la vieille Angleterre victorienne, le harcèlement de sa société, représentent un grand arc historique qui marque l’écrivain. C’est l’inflexion la plus visible, et la plus douloureuse.

A propos de "Le Dernier qui s’en va éteint la lumière", Paul Jorion, par Didier Smal

Ecrit par Didier Smal , le Samedi, 11 Février 2017. , dans La Une CED, Les Chroniques

Le Dernier qui s’en va éteint la lumière, Paul Jorion, Fayard, mars 2016, 288 pages, 19 €

 

 

Paul Jorion (1946) a touché un peu à tout ce qui a fait avancer la connaissance de l’homme et sur l’homme durant les dernières décennies : sociologie, psychologie, intelligence artificielle, finance (il fut le premier à annoncer la crise des subprimes), et aujourd’hui qu’il a soixante-dix ans, il livre une réflexion ultime – bien qu’évidemment il soit tout à fait le bienvenu pour continuer son œuvre, forte déjà d’une vingtaine d’ouvrages et d’une pléthore d’articles, sur tous les sujets évoqués ci-dessus – ; cette réflexion ultime a un titre à la douce ironie, une recommandation presque délicate : Le Dernier qui s’en va éteint la lumière. On croirait presque la tendre parole d’une institutrice au moment de quitter la classe… A ceci près que, à en croire Jorion, dans deux ou trois générations, il n’y aura plus classe, ni institutrice – ni même d’enfants, d’ailleurs. Car c’est bien ce qu’annonce cet essai aussi bref que percutant : l’extinction prochaine de l’espèce humaine.

Hommage à Baudelaire IV - Des histoires dans la famille Baudelaire, par Charles Duttine

Ecrit par Charles Duttine , le Jeudi, 09 Février 2017. , dans La Une CED, Ecriture

On peut s’aventurer dans le 14ème arrondissement et s’égarer dans la rue Froidevaux, cette rue qui longe le cimetière Montparnasse et dont le nom seul fait froid dans le dos. On peut alors, d’une porte dérobée, s’engager dans les allées du cimetière, au milieu de tous les caveaux. Une flânerie dans la sixième division deuxième rangée nous mènera immanquablement sur la tombe de Baudelaire où chacun pourra déposer un petit hommage, petit billet écrit ou simple caillou.

Que découvrira-t-on ? Une modeste tombe où est enterré Aupick, mort en 1857, le beau-père du poète. Tous les titres de ce personnage sont généreusement inscrits dans la pierre « général, sénateur, ambassadeur, grand officier de la légion d’honneur ». A croire qu’il est l’unique figure importante enterrée là. Seules quelques lignes indiquent la présence de Charles Baudelaire. Aucune indication qu’il fut poète, simplement est-il présenté comme le beau-fils du général. Puis plusieurs lignes gravées pour sa mère. Quand on sait les relations difficiles entre Charles Baudelaire et son beau-père, on se sent quelque peu malheureux. Et on se dit qu’ils sont là, l’un tout contre l’autre, pour l’éternité. On aurait aimé une proximité différente pour notre poète et qu’il ait d’autre compagnonnage. Immanquablement reviennent en mémoire ces vers :

Les Travaux et les Jours (extraits 2), par Ivanne Rialland

Ecrit par Ivanne Rialland , le Mercredi, 08 Février 2017. , dans La Une CED, Ecriture, Bonnes feuilles

 

La mère


Dans la nuit précoce de l’hiver, assise haut sur la roue du bus surchauffé, elle longe la Seine, les yeux plongés dans les lumières scintillantes des réverbères. Elle brinquebale bientôt sur les pavés du Louvre et débouche, à travers la galerie obscure, dans la rue de Rivoli constellée de boutiques éclairées a giorno devant lesquelles les silhouettes des passants font des éclipses brèves. À peine ralentie par les feux rouges, elle poursuit sa course trop rapide vers l’Opéra, où elle devra renoncer à cette escapade discrète, minutes illuminées prises sur le temps quotidien, pour descendre dans le métro et retrouver ses laisses habituelles.

Si la pierre tombale pouvait être une page entière, c’est ce texte que je revendique, par Kamel Daoud

Ecrit par Kamel Daoud , le Lundi, 06 Février 2017. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques régulières

 

Hommage à Aliaa Magda Elmahdy, la seule vérité nue

 

Le corps n’est pas une saleté. Ce n’est pas le crime de mes parents. Ce n’est pas un fardeau. C’est ma joie, mon cosmos, mon sentier et le seul lien que j’ai avec le Dieu ou la pierre et la courbure du monde. Il est mon sens et le sens de ce qui me regarde et m’obstrue ou m’éclaire. Je ne le porte pas derrière mon dos mais devant moi comme un déchiffreur de mon souffle et de ma part du monde, sa poussière, odeurs et grains et poids. Mon corps est mon délice et ma vérité. On m’arrache la vie quand on m’arrache le corps et la vie m’est redonnée quand je rencontre l’autre en son corps, et c’est là que je donne la vie. Et c’est une longue histoire que je ne veux plus subir : l’histoire des religions de mon monde qui me disent et me répètent que mon corps est mon aveuglement et ma perte. Ma vérité est nue et visible quand mon corps n’est pas une obscurité ni une honte.