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La Une CED

Le Cosmos portatif de trois kamikazes algériens, par Kamel Daoud

Ecrit par Kamel Daoud , le Mardi, 16 Mai 2017. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques régulières

 

 

« Ils portaient des ceintures d’explosifs prêtes à l’utilisation ». C’est le titre d’un journal sur trois terroristes abattus hier. Où ça ? Chez nous. On relit l’information de gauche à droite, puis de droite à gauche, puis on se range sur la chaussée et on s’interroge : quelle est la forme exacte du cerveau d’un Algérien qui veut s’exploser ici pendant qu’on explose des Palestiniens en Palestine ? C’est quoi sont but dans la vie par sa mort ? Est-ce qu’il regarde la télévision ? Lit-il les journaux ? Va-t-il au café pour échanger ses explications du cosmos avec ses connaissances ? Personne ne sait : pendant que les pays arabes promènent leurs Arabes de rue en rue, d’autres poursuivent mécaniquement leurs cahiers des charges d’attentats sans mise à jour idéologique. C’est la preuve que l’actualité internationale ne tue pas l’actualité nationale, mais seulement les Palestiniens.

Au choix du roi… La couleur des mots, par Mélanie Talcott

Ecrit par Mélanie Talcott , le Lundi, 15 Mai 2017. , dans La Une CED, Ecriture

 

Soliloque est-ce monologue ? Car parler seul n’est pas prononcer un interminable discours ! Jouer avec les mots… A moins que les mots ne finissent par se lasser eux-mêmes de leurs dérives imposées. Silence, alors ?… non celui de l’ennui, sinon celui du vide-plein. Soliloques, un mot bohême qui évoque les grelots qui décoraient autrefois les coiffes vertes des fous. Et pourquoi vertes ? Secret d’alchimie ! Vert élémental du bois et verdâtre, le fiel qui alimente de sourdes colères. Vert de la folie, des bouffons et des jongleurs, saltimbanques transgressifs et rebelles. Saturne qui perd sa course impassible. Vert de l’arbre qui abrite le ver du fruit dont le jus miroitera dans le verre et glissera vers la gorge d’une enfant qui n’aura jamais la chance de chausser les pantoufles de vair de cendrillon. Couleur proscrite au théâtre, semeuse d’échecs, qui habilla, dit-on, de son dernier éclat la mort de Molière en scène. Vert profond des émeraudes contre vert mousson de la terre. Mordoré celui du scarabée égyptien et fluorescent celui de Ganesh. Enivrant comme l’absinthe ou gris comme le mortel oxyde de cuivre. Jaunâtre profond nuancé de la coque de l’amande immature, celui de Véronèse et liturgique acidulé, celui des dimanches religieux ordinaires.

Proust, par Matthieu Gosztola

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Samedi, 13 Mai 2017. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques régulières

 

« [J]e me couchais au long d’elle, je prenais sa taille d’un de mes bras, je posais mes lèvres sur sa joue et sur son cœur ; puis, sur toutes les parties de son corps, posais ma seule main restée libre et qui était soulevée aussi, comme les perles, par la respiration d’Albertine ; moi-même, j’étais déplacé légèrement par son mouvement régulier : je m’étais embarqué sur le sommeil d’Albertine. Parfois, il me faisait goûter un plaisir moins pur. Je n’avais pour cela besoin de nul mouvement, je faisais pendre ma jambe contre la sienne, comme une rame qu’on laisse traîner et à laquelle on imprime de temps à autre une oscillation légère, pareille au battement intermittent de l’aile qu’ont les oiseaux qui dorment en l’air. Je choisissais pour la regarder cette face de son visage qu’on ne voyait jamais, et qui était si belle » (La Prisonnière).

Proust s’attache à décrire l’humain. L’humain non comme proche, non comme frère, non comme sœur, non comme amie ou amante, mais comme monde, singulier, ayant le visage – peu amène ou amène, composé ou audacieux dans son relâchement – de l’altérité. Oui, l’humain est cette faible musique aux nuances inapprivoisées, pulsation – rendant le son d’une conque marine – née d’un cœur lui-même né des contrées ombreuses, chahutées, du voyage.

Les athlètes mangent aussi ..., par Jean Durry

Ecrit par Jean Durry , le Samedi, 06 Mai 2017. , dans La Une CED, Les Chroniques

 

La diète de l’athlète, Stéphanie Scheirlynck, Le Rouergue, mars 2017, 238 pages, 29,50 €

Grand Tour Cookbook, Hannah Grant, éd. Rossolis, 2015, 320 pages, 39 €

 

Au registre varié des éditions du Rouergue, voici cette fois une intéressante incursion dans le domaine de l’alimentation des sportifs, question essentielle en la matière puisque « le sportif tire de son alimentation l’énergie dont il a besoin ». C’est d’ailleurs la phrase liminaire de Stéphanie Scheirlynck – sous l’égide de laquelle est placé le livre, auquel semblent avoir également contribué Harry Belmans et Hilde Smeesters –, diététicienne belge et soutien actif de récents médaillés olympiques d’Outre-Quiévrain. Celle-ci pose d’emblée les fondements : la dépense énergétique journalière – le métabolisme basal nécessitant déjà une dépense de 1200 à plus de 2000 calories selon la masse musculaire –, les principaux nutriments-glucides, lipides, protéines, liquides, vitamines et minéraux, hydratation, rapports graisse et poids, intolérance ou non au gluten, hypothèse d’une alimentation végétarienne.

À propos du roman Plages non loin de Nantes, Germont, par Yasmina Mahdi

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 05 Mai 2017. , dans La Une CED, Les Chroniques

Cruelle beauté

Tout d’abord, voici un bref résumé de ce roman-récit, Plages non loin de Nantes, de Germont, auteur discret. Un portrait idéal : une vision, un miroir ; le début d’un conte. Un monde désillusionné : à la recherche de cruelle beauté (…) où je me reconnais, en vrai fils d’une époque anxieuse et désorientée (…) [dans] la désillusion des jeunes gens d’alors… Un contexte sociohistorique : nous avions été contraints de nous réfugier dans la réalité souterraine de notre vie individuelle. La société officielle n’étant plus qu’un marais pourrissant (…) la détérioration des valeurs qui la rongeait continuait son œuvre souterraine et bientôt triomphante. L’homosexualité. Une des facettes de l’homosexualité, l’éraste et l’éromène, le Giton du Satyricon de Pétrone. Ces amours étranges entre deux jeunes hommes également prompts à se craindre et à se mépriser nous renvoient à l’universel d’un égoïsme sacré auquel personne n’échappe. Le statut de victime : la victime a d’avance consenti au sacrifice, et son tourmenteur est peut-être au fond plus abandonné et désespéré encore que celui qu’il semble martyriser. L’évocation de Ganymède, entre enlèvement, extase et maltraitance : Ganymède, le plus beau des mortels, élevé par amour jusqu’aux cieux afin à jamais de verser au banquet des dieux l’ivresse de leur éternité. Le temps de la déréliction (…) d’une instabilité matérielle et affective permanente.