Identification

La Une CED

Avec Colette Daviles-Estinès, autour de la publication de Allant vers et autres escales, par Clément G. Second

Ecrit par Clément G. Second , le Lundi, 03 Juillet 2017. , dans La Une CED, Les Chroniques

 

Allant vers et autres escales, Editions de l’Aigrette, Maison de la poésie de la Drôme

 

Si selon le bousculant paradoxe de Michèle Manceaux « On n’élucide rien par des explications », et si « Le mystère commence après elles » (autre source), leur fonction pourrait bien consister à baliser vers lui le cheminement de lecture. Explorée aussi loin que l’on peut, l’intelligibilité du charme poétique finit par se fondre dans ce qu’il a d’ineffable.

De charme, les très nombreux textes offerts au fil du temps par Colette Daviles-Estinès derrière les dix Volets ou Vers de son blog accueillant et riche n’en manquent pas ; non plus que les quarante-trois d’entre eux réunis dans Allant vers et autres escales, un récent (septembre 2016) premier ouvrage cohérent et ouvert et qui illustre en particulier la spécificité itinérante – intérieure et géographique à la fois – d’une vie et d’une écriture travaillées par le devenir du sujet.

Déshabillons la Récamier, par Charles Duttine

Ecrit par Charles Duttine , le Lundi, 03 Juillet 2017. , dans La Une CED, Ecriture, Nouvelles

 

Qui n’a jamais été fasciné par une douce peinture, surtout lorsqu’elle représente une figure féminine ? Il y a des tableaux qui possèdent une grâce indéfinie devant laquelle on se laisse facilement subjuguer. Certainement, le peintre devait être amoureux de son modèle pour la représenter d’une manière gracile, sensuelle ou piquante selon les cas. On répondrait volontiers à l’appel de ces figures peintes.

Pour Augustin, notre personnage, tout avait commencé en classes de lycée. Il s’ennuyait ferme dans ces salles qui tiennent de la caserne ou du centre aéré. Pendant le cours, alors que son professeur pérorait, lui feuilletait négligemment son manuel d’histoire ou de français, le coude sur le pupitre et le menton rêveur dans la main. Son humeur vagabonde le fit tomber un jour sur le portrait de Madame Récamier. La reproduction ne le laissa pas indifférent, loin de là. Pendant que le professeur parlait de Spinoza ou de Heidegger à faire bâiller tout un contingent de bacheliers, Augustin n’en finissait pas de détailler ce portrait de Madame Récamier. Pour une trouvaille, c’était une trouvaille !

Tout autre chose que la nuit (2), par Joëlle Petillot

Ecrit par Joelle Petillot , le Samedi, 01 Juillet 2017. , dans La Une CED, Ecriture, Nouvelles

 

Il est bien, dans son premier été d’homme, Emmanuel. Quand la femme pâle revient, il entrouvre les yeux. Elle lui prend la main, le poignet, se penche un peu. Quand son visage est assez près, il la regarde et lui dit simplement : « Laissez-moi ».

Elle lui sourit et dit « ok », vérifie la perfusion, tripote quelque chose sur la table de chevet. Elle sort, il n’a pas réalisé qu’il s’endort. Aucune importance, il est retourné là-bas.

Quand il se réveille le jour a baissé. Il a demandé les volets ouverts quelle que soit l’heure. Même la nuit. Tant que l’obscurité est celle d’un vivant, aucune raison de s’en priver. Il sait aussi qu’il lui en reste, de cette nuit à venir. C’est à l’aube qu’on prend le Train pour Nulle part. La femme pâle vaque dans la maison, il entend son pas, des voix étouffées. Le mot qui lui vient à l’esprit, à peine un œil jeté au crépuscule dehors est « deuxième ». Deuxième quoi ?

Alain Bashung, par Hans Limon

Ecrit par Hans Limon , le Vendredi, 30 Juin 2017. , dans La Une CED, Ecriture, Création poétique

 

la nuit je mens, c’est mal, mais c’est plus fort que moi

je nargue la ténèbre et la triche aux abois

à force de jouer à la roulette russe

j’ai fini par souiller le cuir des autobus

 

la nuit je fends, c’est mal, mais c’est pour fuir le vide

je quitte la parade et je croise aux Hébrides

je joue les beaux gangsters sous les pneus des berlines

et j’ose l’impudence au bras de Joséphine

Le Cadeau, par Clément G. Second

Ecrit par Clément G. Second , le Jeudi, 29 Juin 2017. , dans La Une CED, Ecriture, Nouvelles

 

À peine entendit-elle la sonnette depuis le salon où elle lisait, qu’elle courut jusqu’à la porte d’entrée et l’ouvrit violemment. Mais sur le palier, personne. Ce devait être quelqu’un de bien agile : pas un bruit, pas de mouvement perceptible dans l’escalier. Elle courut à la fenêtre ouverte du salon et se pencha : la rue n’offrait à voir que sa tranquillité vide.

Cette fois encore, « on » s’était évanoui après avoir déposé un paquet de plus sur l’essuie-pieds. « On » avait dû dévaler l’étage puis sortir en vitesse de l’immeuble et tourner à angle droit pour s’engouffrer dans la courte ruelle qui menait au bas de la ville. Trop tard pour la poursuite. Elle alla ramasser le paquet, qu’elle posa sur une étagère de l’entrée en attendant de le ranger avec les autres.

Cécile n’y comprenait rien et s’en tourmentait depuis la première fois, quelques semaines auparavant, où une sorte de petit colis sur lequel était écrit « Cadeau » l’attendait sur le palier sans personne pour le lui offrir.