Charles Baudelaire 31 août 1867 - 31 août 2017 (La Cause Littéraire. Hans Limon)
Aujourd’hui, 31 août 2017, nous célébrons les 150 ans de la mort de Baudelaire, phare éternel de la poésie française. Hommage à Paris et à son poète de toujours.
Paris
il me semble à présent que la belle Paris
gît sous un édredon, privée
de son mari
le métropolitain glissait vers les abîmes
les pensers souterrains ruminaient leurs victimes
les pas perdus tonnant sur les lugubres dalles
répandaient par à-coups leurs douleurs capitales
le peuple des passants chuchotait la fatigue
d’un matin fléchissant sous le poids des intrigues
il me semble aujourd’hui que ma noble Paname
gît la tête arrachée, près du Chemin des Dames
le ciel de Montparnasse éructait ses vautours
par la fente élargie de l’aurore alentour
des pigeons voltigeurs, sans domicile fixe,
redoublaient sur les toits leur brouhaha prolixe
les pots d’échappement ronflaient paisiblement
vers l’onde écartelée d’un sombre enterrement
il me semble à regret que ma triste Cité
pleure en secret sa tour Eiffel décapitée
la Seine éparpillée de crimes enferrés
clapotait, clabaudait, spectatrice affairée
des chansons galvaudées traînant sur les trottoirs
jonchés de sang, de mort, de pluie rédhibitoire
dans les tréfonds noircis rayonnait par moments
l’Ange des nuits, tombée des arrondissements
il me semble toujours que mon Île de France
gémit depuis les quais l’écho de ton absence
Hans Limon
Paysage. Charles Baudelaire
Je veux, pour composer chastement mes églogues,
Coucher auprès du ciel, comme les astrologues,
Et, voisin des clochers, écouter en rêvant
Leurs hymnes solennels emportés par le vent.
Les deux mains au menton, du haut de ma mansarde,
Je verrai l'atelier qui chante et qui bavarde ;
Les tuyaux, les clochers, ces mâts de la cité,
Et les grands ciels qui font rêver d'éternité.
Il est doux, à travers les brumes, de voir naître
L'étoile dans l'azur, la lampe à la fenêtre,
Les fleuves de charbon monter au firmament
Et la lune verser son pâle enchantement.
Je verrai les printemps, les étés, les automnes ;
Et quand viendra l'hiver aux neiges monotones,
Je fermerai partout portières et volets
Pour bâtir dans la nuit mes féeriques palais.
Alors je rêverai des horizons bleuâtres,
Des jardins, des jets d'eau pleurant dans les albâtres,
Des baisers, des oiseaux chantant soir et matin,
Et tout ce que l'Idylle a de plus enfantin.
L'Émeute, tempêtant vainement à ma vitre,
Ne fera pas lever mon front de mon pupitre ;
Car je serai plongé dans cette volupté
D'évoquer le Printemps avec ma volonté,
De tirer un soleil de mon coeur, et de faire
De mes pensers brûlants une tiède atmosphère.
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