Comme Michel Déon, j’en viens à mieux aimer Baudelaire pour ses proses que pour ses poésies. Non que celles-ci soient déplaisantes à un titre ou à un autre, non, pas du tout, elles ont leur musique, leur rythmique soigneusement mesurée, leur beauté hiératique (y compris dans le sacrilège), un univers intérieur, des combats ouverts ou feutrés. Elles ont aussi un certain apprêt, comme on dit en lingerie, une tenue de cérémonie, parfois même ironiquement enfilée qui, chez lui, freine mon enthousiasme. Chez Valéry, l’apprêt est de même nature, mais d’une porcelaine plus cassante ; chez Mallarmé, c’est un empesage, une gangue dont on extrait des joyaux ; chez René Char, j’admire le courage de l’homme, mais non le phrasé plâtreux, dénué de toute musicalité, sans parler de cet esprit héraclitéen allié à un moralisme prêcheur et solennel. À l’opposé, les musiciens, Villon, Ronsard, Verlaine, Apollinaire, Aragon… – quoiqu’il arrive aussi à deux d’entre eux de monter en chaire ou sur l’estrade des juges. Ces considérations n’ont pas pour intention le dénigrement, mais seulement de proposer une échelle d’appréciation dans mon critère que je n’impose à personne, mais sur lequel j’invite à la réflexion.